ACTUS LOCALESSOCIÉTÉ Le rhum polynésien veut obtenir son label haut de gamme Pascal Bastianaggi 2020-09-27 27 Sep 2020 Pascal Bastianaggi Ce samedi la distillerie Moux à Papara était le lieu de rendez-vous de plusieurs membres du gouvernement, dont Édouard Fritch, mais aussi du haut-commissaire Dominique Sorain. La cause, l’alliance des quatre producteurs et distillateurs de rhum agricole de Polynésie française ainsi que de cinq cultivateurs de canne à sucre dans le but d’obtenir le label « Indication géographique » (IG) pour leur production de rhum agricole. Ce label, synonyme de qualité, a pour but de protéger les rhums agricoles made in Tahiti élaborés à partir de canne à sucre « noble ». À savoir celles que les premiers Polynésiens ont amenées à bord de leur pirogue double, il y a environ 1 500 ans. Une variété de canne à sucre que Bougainville a nommé « O Tahiti » et qui est à l’origine de milliers de variétés de canne à sucre dans le monde. « O Tahiti », contrairement aux cannes hybrides et modernes qui sont les plus répandues à travers le monde, pousse moins vite, elle est plus petite et est la cible privilégiée des rongeurs friands de son nectar. Au 19e siècle, elle a d’ailleurs été quasiment décimée par un virus, et sa culture abandonnée. Si elle est plus difficile à cultiver que les variétés hybrides dont on récolte environ cent tonnes par hectare contre 50 pour la canne O Tahiti, elle est nettement plus goûteuse et délivre un arôme digne des grands crus vinicoles. Un label pour protéger le rhum agricole polynésien Il faut savoir qu’environ 97% de la production mondiale de rhum est faite à partir de mélasse, et le but de l’Indication géographique est d’empêcher qu’un producteur vienne s’installer à Tahiti, qu’il importe du jus de canne fermenté ou de la mélasse, qu’il le distille et appose ensuite sur ses bouteilles l’étiquette « Rhum de Tahiti » sur du rhum qui sera de moins bonne qualité. D’où l’importance d’obtenir ce label IG qui permettra que le rhum polynésien bénéficie de l’appellation de rhum agricole. O Tahiti à l’origine des nombreuses médailles remportées par les producteurs locaux Les cannes à sucre hybrides, modernes, sont utilisées aussi en Polynésie, car plus productives et plus résistantes aux attaques des nuisibles. Pour autant les producteurs de rhum local veulent faire un produit haut de gamme. Du rhum agricole à partir de cannes nobles dont la variété O Tahiti qui a permis aux producteurs locaux de remporter des médailles lors de concours. Pour l’heure, la production de rhum agricole en Polynésie est d’environ 10%, le reste étant du rhum fait à partir de mélasse et de cannes hybrides. Objectif défendre l’image du rhum polynésien Pour Marotea Vitrac, président du syndicat de Défense de l’indication géographique « Rhum agricole de Polynésie française », l’objectif est de de défendre l’image du rhum agricole polynésien et aussi l’ensemble des actions qui vont développer la filière. https://www.radio1.pf/cms/wp-content/uploads/2020/09/RHUM-SON-01.mp3 Pour pouvoir bénéficier de l’Indication géographique, les producteurs de rhum ont élaboré un cahier des charges qu’ils feront certifier par un accréditeur extérieur type Véritas. La dernière phase sera de faire valider ce cahier des charges par le territoire, puis par l’Institut national de l’origine et de la qualité. https://www.radio1.pf/cms/wp-content/uploads/2020/09/RHUM-SON-02.mp3 Obtenir ce label est assez contraignant : il faut définir une aire géographique, identifier le planteur et la canne pour retracer son origine, cultiver une variété indigène, de manière raisonnée et équitable. Mais le jeu en vaut la chandelle. Car le label IG va rassurer la clientèle, mettra le produit et sa « typicité » en valeur à l’échelle mondiale. De quoi établir le rhum polynésien sur un marché haut de gamme, avec un potentiel important à l’export. Un label vecteur de développement économique Mais surtout, il sera un vecteur de développement économique du pays, disent les producteurs. Il va générer un bon nombre d’emplois – selon les projections 300 dans 5 ans puis 3 000 dans 15 ans – et aussi revitaliser les zones rurales et les îles, car pour développer la filière, le syndicat compte sur 1 000 hectares de surface cultivées dans une quinzaine d’années, alors que pour l’heure elles se montent à environ 49 hectares réparties sur Tahiti, Moorea, Tahaa et Rangiroa. Pour comparaison, la Martinique en compte 6 000 hectares, la Guadeloupe 9 000 et La Réunion, 22 000. Un dossier que le ministre de l’Agriculture, Tearii Alpha, suit de près depuis trois ans et qu il compte bien voir aboutir. Outre des terres domaniales qui seront mises à disposition des cultivateurs, il compte aussi inciter les propriétaires fonciers des îles afin qu’ils proposent leurs terres pour développer l’activité. https://www.radio1.pf/cms/wp-content/uploads/2020/09/RHUM-SON-03.mp3 Peut-être qu’un jour prochain la Polynésie sera le lieu de destination des touristes intéressés par les spiritueux, à l’image de la métropole, et qu’une nouvelle route du rhum sera ouverte. Le rhum en chiffres Les distilleries Tamure Rhum à Papara, Pari Pari à Tahaa et Manutea à Moorea ainsi que la Rhumerie Mana’O Tahiti à Paea emploient actuellement 27 salariés. 54 planteurs professionnels ont été recensés et cultivent 49 ha de cannes à sucre, principalement sur les îles de Tahiti (20 ha) et Taha’a (26 ha), mais aussi à Moorea (2 ha) et Rangiroa (1ha). En 2018, la Polynésie française a récolté 1 250 tonnes de cannes à sucre pour une production de rhum agricole de 62 200 litres (dont 20 880 litres pour l’export). Dans les prochaines années, le Pays compte augmenter les surfaces cultivées à hauteur de 300 ha afin d’atteindre une valeur des exportations de l’ordre de 100 millions Fcfp contre 17 millions Fcfp actuellement. Cliquez pour partager sur Facebook(ouvre dans une nouvelle fenêtre)Cliquez pour partager sur Twitter(ouvre dans une nouvelle fenêtre)Cliquez pour partager sur LinkedIn(ouvre dans une nouvelle fenêtre)Cliquer pour imprimer(ouvre dans une nouvelle fenêtre)