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« La Polynésie peut être un exemple pour le reste du monde », dit Éric Spitz

Le Haut-commissaire Éric Spitz était l’Invité de la rédaction de Radio1 ce mardi 31 décembre. Préoccupé par le nombre record de morts sur les routes, il appelle le Pays à agir sur la réglementation des deux-roues et la création d’une fourrière automobile. La Polynésie, dit-il, verra les dépenses de l’État progresser en 2025 malgré l’instabilité parisienne et ses actuelles conséquences budgétaires. L’événement marquant de l’année pour l’État et le Pays sera la conférence des Nations-Unies sur l’océan, à Nice en juin prochain, où le fenua sera mis en avant comme le mannequin vedette de l’économie bleue.

Alors que les Polynésiens s’apprêtent à fêter la Saint-Sylvestre, Éric Spitz s’emploie à éviter les drames, avec 140 policiers et gendarmes renforcés par les douanes, accompagnés de leurs chiens détecteurs de stupéfiants. Une première série de contrôles, le lundi 30 décembre, a concerné 481 véhicules et relevé 52 infractions, dont 6 conduites sous alcool ou stupéfiants (du cannabis et de l’ice ont été saisis), et de nombreux manquements au code de la route, notamment la conduite sans permis ou sans assurance.

Éric Spitz n’oublie pas que 2024 aura été l’année la plus meurtrière depuis 2007, avec 39 morts sur les routes, « dont un tiers au cours des cinq dernières semaines. »  « Ce n’est pas uniquement des statistiques, ce sont des êtres humains. C’est des familles qui sont plongées dans le deuil. Pour chaque mort, on a en moyenne quatre blessés graves, dont une ou deux personnes paraplégiques ou tétraplégiques. Donc, ce sont effectivement des centaines de drames qui se déroulent. »

Trois radars embarqués dans des voitures banalisées

Parmi l’arsenal à la disposition des forces de l’ordre, une nouveauté : « Le territoire vient d’être doté de trois nouveaux cinémomètres, c’est-à-dire des radars embarqués qui permettent de détecter des excès de vitesse et des fautes de comportement dans le flot de la circulation. Ce sont des gendarmes, des policiers qui sont dans des voitures banalisées, souvent d’ailleurs des voitures récupérées à d’anciens trafiquant de drogue. »

Un appel au Pays pour créer une fourrière

Pour le Haut-commissaire, « notre principale difficulté, c’est qu’on est confronté à des conducteurs sans permis, mais pas parce qu’on leur a retiré le permis. Dans 90% des cas, ce sont des gens qui n’ont jamais passé le permis, et qui conduisent aussi sans assurance. Et dans ce cas-là, il faut absolument, et je me permets d’insister là-dessus, confisquer l’arme du crime. Donc bien évidemment, c’est une compétence de la Polynésie. Mais si la Polynésie se met en ordre de marche pour faire une délégation de service public, de manière à ce qu’une entreprise privée puisse trouver un terrain où on puisse stocker ces véhicules, nous aurons fait un grand progrès. »

Une question de « volonté politique », dit Éric Spitz, qui souhaite aussi une réglementation plus stricte des deux-roues, impliqués dans 80% des décès sur les routes. « Le profil type de la personne qui se tue, c’est un conducteur de deux-roues, masculin dans 75% des cas, qui a bu et/ou fumé du pakalolo et qui se tue tout seul ». Même s’il fait chaud au fenua, le Haut-commissaire suggère au Pays de durcir les règles sur les protections que ces conducteurs devraient porter, gants, chaussures fermées, blousons…

Les dépenses de l’État en hausse, mais gênées par l’absence d’une loi de finances 2025

En 2023 l’État avait dépensé plus de 210 milliards en Polynésie, en progression de plus de 5% sur l’année précédente, et il devrait en être de même en 2024. Le Fonds vert et le Fonds de transition énergétique, lancés en 2023, produiront leurs effets en 2025 et  2026. Les nouveaux Falcon et le 2e patrouilleur qui arriveront en 2025 représenteront aussi une dépense conséquente, comme les dépenses de l’armée pour accueillir 230 militaires supplémentaires. Mais l’instabilité du gouvernement central signifie aussi que « pour les investissements qui n’ont pas été actés, ce n’est pas une bonne nouvelle puisqu’on ne peut pas les engager tant qu’un projet de loi de finances 2025 n’est pas adopté. Mais les 50 conventions financières qui lient l’État et la Polynésie française, ont été signées et ne sont pas remises en question. » Et si le ressenti du consommateur n’est pas toujours celui de l’économiste, « les indicateurs économiques sont bons », rappelle le Haut-commissaire.

Les molécules onéreuses, « un débat éthique »

Reste la question de la convention santé, prorogée à deux reprises faute d’avancées sur sa renégociation. « L’État souhaite privilégier l’achat d’outils pour faire de la télémédecine. Ça, c’est notre priorité, qu’on puisse soigner aussi dans les îles », dit Éric Spitz. Deux autres questions doivent être traitées dans des conventions séparées : les évasans urgentes et les molécules onéreuses.  L’État a fait savoir au Pays qu’il lui fallait renégocier sa convention avec Air Archipels pour les évacuations sanitaires : « Nous avions suggéré au gouvernement de commencer par revoir cette convention en imposant à son prestataire beaucoup plus d’obligations, voire des pénalités financières, s’il ne respectait pas ses obligations. » Quant aux traitements anti-cancéreux qui coûtent 3,7 milliards par an, c’est « quasiment une question éthique. La molécule onéreuse permet de proroger la vie de certaines personnes de quelques semaines, de quelques mois. La Polynésie achète, sur les quatre, cinq dernières années, dix fois plus de molécules onéreuses qu’à la fin des années 2010.  Et là, c’est un débat éthique entre médecins, entre peut-être religieux, de savoir où on place la barre de l’achat de ces molécules onéreuses », dit Éric Spitz.

Le sommet des océans à Nice, « un moment particulier pour la Polynésie française »

La conférence des Nations-Unies sur l’océan, qui se tient à Nice en juin prochain, verra la Polynésie mise en avant avec « son propre stand » pour « montrer au monde entier qu’elle a aussi des solutions pour les défis de demain. On tient vraiment à montrer que dans le domaine de l’énergie, de la recherche, de l’innovation, même de la nourriture, la Polynésie et ses 5 millions de kilomètres carrés peuvent être un exemple pour le reste du monde », dit le Haut-commissaire.

Et il réaffirme la position officielle de la France et de la Polynésie, qui sont contre l’exploitation des grands fonds marins, alors que Oscar Temaru ne perd pas une occasion de présenter le sujet comme la clé de l’indépendance économique.  Il souligne qu’un récent colloque de l’Ifremer a réaffirmé que « on ignore 99% de ce qu’il y a dans les grands fonds marins » et que la priorité reste l’exploration. Au-delà, dit-il, « l’être humain a déjà pollué tout ce qu’il pouvait polluer dans le monde. La conviction de Moetai Brotherson, la conviction d’Emmanuel Macron et la mienne, c’est que non, il faut absolument éviter d’abîmer ce qui reste notre dernier trésor. » Quant aux îles Cook qui veulent absolument lancer l’exploitation des nodules polymétalliques avec plusieurs compagnies étrangères, « l’ensemble des pays du Pacifique font pression sur la Nouvelle-Zélande, qui a quand même son mot à dire, pour que les Cook renoncent à  ce projet. En tout cas, nous mettrons tous les moyens qui sont à notre disposition pour que ce projet ne se fasse pas, parce que la mer ne connaît pas de frontières, et nul ne peut dire si une exploitation des fonds marins des îles Cook n’aurait pas de conséquences sur nos grands fonds marins. Ça me parait relever du bon sens et j’espère que le bon sens triomphera. »

 

« Nous n’avons pas d’autre choix que de travailler ensemble »

« J’espère que nous allons conserver ce vivre ensemble et cette culture qui fait la richesse de la Polynésie », a-t-il déclaré à la fin de son passage sur notre antenne. Le Haut-commissaire Eric Spitz a placé ses vœux officiels à la Polynésie sous le signe de l’unité du Pays et de l’État, celle qui a porté les Marquises à l’Unesco et Kauli Vaast sur la plus haute marche olympique. Celle qui fait aussi rempart contre les tensions politiques, la violence et l’insécurité. « Ne soyons plus jaloux de nos prérogatives et de nos compétences. Nous n’avons pas d’autre choix que de travailler ensemble ».

 

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