La chirurgie bariatrique, qui fait partie de la prise en charge de l’obésité, va être soumise à autorisation en Polynésie, comme l’a annoncé le conseil des ministres le 24 août dernier, pour assurer des « conditions optimales de sécurité », suite à des décès. Si les critères de cette autorisation restent à préciser, une partie de cette nouvelle prise en charge réside dans le développement de l’activité du centre Ora Ora ouvert en 2020, qui accueillera 10 patients supplémentaires, spécifiquement atteints d’obésité morbide (IMC supérieur à 40). Dans le cadre d’une « éducation thérapeutique du patient », les infirmiers de la structure insistent sur l’importance d’un suivi per-opératoire individualisé de cette pathologie.
L’obésité est une maladie dont le traitement est complexe et souvent fastidieux, comme s’accordent à le dire les spécialistes et les malades, et elle touchait en 2010 40% de la population en Polynésie, parmi les 70% déjà en surpoids. Des chiffres qui ont augmenté au cours des douze années écoulées depuis, et dont la gravité a été mise en exergue par la pandémie de Covid-19. Pour y remédier les opérations de chirurgie bariatrique, qui modifient le tube digestif, sont une solution très prisée. D’après les chiffres de la CPS leur nombre en Polynésie s’élève à 350 en 2019; 250 en 2020 et plus de 200 en 2021.
Il s’agit cependant « d’interventions lourdes » et elles nécessitent un cadre précis que le Pays compte durcir. Le conseil des ministres a annoncé le 24 août que les opérations chirurgicales de « bypass », la « sleeve » et la pose d’anneaux gastriques seraient soumises à une autorisation de la commission d’organisation sanitaire de Polynésie française pour qu’elles soient « réalisées dans les conditions optimales de sécurité et que la chirurgie reste réservée aux patients qui le nécessitent ». Une décision qui intervient après que des conséquences graves de cette absence de règlementation ait donné lieu à des décès, d’après la Direction de la santé.
Le conseil des ministres précisait : « Les conséquences opératoires peuvent être lourdes : fistules, hémorragies, psychiques (décompensation), digestives (occlusions, ulcérations, hernie hiatale) et carentielles (carence en fer, en calcium, en vitamine D, dénutrition, mauvais fonctionnement du montage chirurgical). Un suivi médical des patients est indispensable après l’opération, organisé par le médecin traitant en coordination avec l’équipe médicochirurgicale pour éviter les conséquences post opératoires. Il est prolongé à vie et comporte notamment des consultations auprès de l’équipe médicochirurgicale (chirurgien, endocrinologue) et des consultations régulières chez le médecin-traitant. »
Les critères de cette autorisation restent à préciser, mais l’on sait déjà qu’une prise en charge plus complète va être développée pour être intégrée au cadre conditionnant cette autorisation.
Ni une solution miracle, ni « une solution de dernier recours »
Inutile et impossible d’identifier des causes et des facteurs généraux de la maladie, pour les professionnels de l’hôpital de jour en soins de suite et de réadaptation en Polynésie (S.S.R.P) Ora Ora qui a ouvert ses portes en 2020. Parmi les quatre prises en charge assurées – obésité, respiratoire, orthopédie, neurologie – celle de l’obésité morbide doit s’y développer prochainement. L’établissement a reçu l’autorisation d’ouvrir 10 places supplémentaires dédiées à des personnes avec un indice de masse corporelle (IMC) supérieur à 40 pour leur proposer un parcours personnalisé pouvant aller jusqu’à trois ans. À raison de quelques jours par an – 18 jours la première année, 12 jours la seconde et 6 la troisième – les séances sont organisées sur le temps libre du patient, selon ses disponibilités. Médecin généraliste, psychologue, assistant social et infirmiers coordinateurs élaborent un parcours de soins adapté à chaque patient.
Les habitudes alimentaires sont bien au cœur de la pathologie mais elles sont liées à des facteurs psychologiques et sociaux qui varient d’une personne à l’autre. Traumatisme lié à des violences, rythme et hygiène de vie malsains, revenus limités sont autant de causes possibles. Une fois que la personne est en surpoids, c’est son métabolisme qui est modifié. « L’obésité c’est une maladie du tissu adipeux, et il arrive un certain stade où on arrive plus à perdre de poids », explique Fleur Deshogues. En résumé, les cellules adipeuses « s’auto-entretiennent » et perdre du poids demande beaucoup plus d’effort que d’en prendre. À ce moment-là « le meilleur traitement recommandé c’est la chirurgie, ça n’est pas forcément le dernier recours » indique l’infirmière. « Il ne faut pas attendre que la maladie soit trop avancée, il y a vraiment une fenêtre où c’est indiqué, au-delà l’intervention est trop dangereuse pour le patient ».
« Aider les patients à aller bien, pas seulement à perdre du poids »
Les premiers résultats du suivi des 32 patients qui sont arrivés au terme de la première année sont encourageants. L’IMC moyen en début de prise en charge est de 49,65. Puis en avril 2022 il est de 47,7 soit 3,9 points de moins en parcours chirurgical. Et même si au départ c’est la perte de kilos en trop qui est évaluée, il s’agit pour Christophe, infirmier coordinateur à Ora Ora, d’aider les patients « à aller bien » tout simplement. Ils souffrent parfois de douleurs aux genoux ou au dos, d’apnée du sommeil, et de problèmes respiratoires. « Dans le cadre de l’éducation thérapeutique du patient (ETP) on travaille sur le comportement, l’acceptation de la maladie » car le regard des autres et leur jugement n’aide pas les patients à se prendre en charge. Encore une fois la question c’est « comment telle personne va arriver à mettre en place des changements et ce ne sera pas les mêmes que le voisin ».
L’autre difficulté du traitement de l’obésité c’est de tenir dans la durée, selon les infirmiers. Les objectifs trop ambitieux des patients sont déçus car ils connaissent mal la maladie. Les professionnels insistent pour dire qu’une stabilisation du poids est déjà une victoire encourageante. Un patient qui perd 5% de son poids diminue de 50% les risques d’hypertension et de diabète. Certains finissent par renoncer à une opération chirurgicale, présentant des risques et avec des conséquences tout au long de la vie du patient.