Signe de l’attentisme qui prévaut ces temps-ci, notamment chez les particuliers, la production de crédit au premier trimestre 2021 montre un recul marqué par rapport à 2020. Mais les Polynésiens ont accumulé 30 milliards d’épargne additionnelle, qui pourront venir irriguer l’économie locale au fur et à mesure que la situation se stabilise. Quant aux entreprises, celles qui étaient éligibles ont déjà exercé leurs possibilités de contracter des prêts de trésorerie garantis par l’État. Le directeur de l’IEOM, Fabrice Dufresne, se dit confiant dans leur capacité à rebondir.
Au premier trimestre 2021, la production de crédit (hors découvert) se chiffre à 26,2 milliards de Fcfp, soit un recul de 25% en rythme annuel, indique l’Institut d’émission d’Outre-mer.
Une morosité déjà visible chez les particuliers : après trois trimestres de baisse, la production de crédit aux particuliers ne montre toujours pas de signe de reprise. À 15,1 milliards de Fcfp, « elle accuse une contraction de 18,5% sur un an ». En cause, le « manque de dynamisme des prêts personnels à la consommation (-21,1% sur un an) et des crédits à l’habitat (-12,4%) ». Pour Fabrice Dufresne, le directeur de l’IEOM, l’enquête Cerom menée auprès de 850 ménages en février dernier a fait ressortir « l’attentisme des particuliers » : les ménages polynésiens ont épargné 30 milliards de Fcfp.
Les Polynésiens dorment-ils sur leur épargne ? « La production de crédit à l’habitat n’est pas négative. Mais d’autres personnes ralentissent à la fois leurs achats de biens de consommation et de biens d’investissement, ce qui est lié à un comportement de précaution de la part des particuliers ». À noter, le taux moyen des prêts personnels et celui des crédits à l’habitat atteignent de nouveaux points bas historiques, respectivement 4,36 % et 1,87 %.
Dans les entreprises, le début de la fin des PGE
La production de crédit aux sociétés non financières n’est que de 10,4 milliards de Fcfp au 1er trimestre 2021, soit un retrait de 33,2% sur un an. Le recul le plus marqué est celui des crédits d’équipement (-62,8%), suivi du recul des crédits immobiliers (-30,4%). Repli également des crédits de trésorerie, dont la forte croissance en 2020 avait été dopée par les prêts garantis par l’État (PGE) ; au premier trimestre, 631 millions de Fcfp de prêts de trésorerie ont été accordés, contre 11,5 milliards au dernier trimestre 2020, « conséquence de l’épuisement des droits de tirage des entreprises éligibles. »
« Nous étions sur une production totale pour l’année 2020 de l’ordre de 100 milliards de Fcfp, contre environ 55 milliards en 2019. Un peu plus de la moitié de ces 100 milliards relève en fait de la production de PGE. Donc c’est plutôt un système bancaire qui a joué pleinement son rôle d’accompagnement », tempère Fabrice Dufresne.
Et après ? Doit-on craindre des faillites ou des fuites de capitaux ?
Pour Fabrice Dufresne, « il est encore trop tôt pour faire le bilan de la capacité des entreprises à pouvoir faire face aux remboursements, notamment de ces PGE. Mais toujours est-il qu’il y a, au vu de l’enquête de conjoncture que nous réalisons auprès des entreprises, des perspectives plutôt favorables sur les prochains mois, notamment à la faveur des annonces qui ont été faites sur l’allègement des mesures de restriction à l’entrée de la Polynésie française. »
Le directeur de l’IEOM estime aussi que les très petites entreprises, qui en Polynésie n’ont pas toujours une durée de vie très longue, même dans les meilleures années, « ont un comportement de résilience extrêmement fort ».
Quand les conditions de la reprise économique vont se préciser, les ménages vont débloquer l’épargne additionnelle qu’ils ont constitué, affirme Fabrice Dufresne, et faire marcher les entreprises du fenua. Il ne craint pas que les Polynésiens aillent placer leur épargne dans de plus verts pâturages : « Il y a à peu près 70 milliards d’épargne qui sont captés par l’assurance-vie placés parfois dans des établissements hors Polynésie, mais la plupart de l’épargne est concentrée en Polynésie. Il n’y a qu’une très faible part de l’épargne qui est investie dans les produits financiers à risques. La majorité est constituée de dépôts, de livrets ou de comptes d’épargne. Certes, il y a une incertitude, mais il n’y a pas une épargne qui serait susceptible de partir hors de Polynésie française », assure le directeur de l’IEOM.