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La protection des journalistes n’existe pas en Polynésie

Le tribunal du travail de Papeete vient de confirmer qu’il n’existait aucune disposition légale garantissant l’indépendance des journalistes exerçant en Polynésie. Un vide juridique spécifique au fenua et particulièrement inquiétant pour la liberté de la presse, puisque le tribunal précise pour la première fois : « En Polynésie française, sans que le tribunal ait à se prononcer sur cette réalité juridique, un propriétaire de journal peut imposer une ligne éditoriale, sans autre possibilité pour le journaliste que de s’y soumettre ou de démissionner ».

En 2012, l’élue UPLD Cathy Buillard, aujourd’hui disparue, avait déjà alerté le gouvernement Temaru sur l’absence de protection des journalistes en Polynésie française. Une spécificité du fenua liée à la compétence du Pays en matière de droit du travail. En mars dernier, le président du Pays Édouard Fritch avait d’ailleurs reçu une lettre ouverte du représentant pour l’Union européenne de Reporters sans frontières qui l’alertait notamment sur cette situation. Le président du Pays avait répondu : « Je vous rappelle qu’en Polynésie française, bien qu’autonome, ce sont les lois de la République qui s’appliquent et la liberté de la presse est garantie par la Constitution »… Hélas, le président du Pays ne pouvait pas mieux se tromper puisque dans une décision du 27 août dernier, le tribunal du travail de Papeete a précisé pour la première fois l’état du droit applicable au fenua en l’absence de textes précis. Le juge rappelle qu’en métropole le code du travail prévoit la possibilité pour un journaliste de percevoir « une indemnité spéciale de rupture » lorsqu’un changement notable dans le caractère ou l’orientation du journal « porte atteinte à l’honneur, à la réputation, ou aux intérêts moraux » du journaliste. Mais il confirme que ce droit « n’est pas applicable en Polynésie française » et que « la proposition de loi tendant à introduire ces dispositions localement n’a pas abouti » (La proposition de loi de Cathy Buillard en 2012, NDLR). Enfin, le tribunal pose la règle applicable à la Polynésie : « Sans que le tribunal ait à se prononcer sur cette réalité juridique, un propriétaire de journal peut imposer une ligne éditoriale, sans autre possibilité pour le journaliste que de s’y soumettre ou de démissionner ».

Spécificité polynésienne

La même situation s’est présentée en Nouvelle-Calédonie en 2012 et a débouché sur l’adoption d’une loi instaurant les prémices d’un statut des journalistes. En métropole, la protection de l’indépendance des journalistes est garantie par la loi Brachard qui date de 1935. Mais il ne s’agit pas que d’une exception française, loin de là. Des dispositions analogues existent également depuis les années 1920 en Allemagne, en Italie, en Espagne… et dans la majeure partie des démocraties du monde. Plus près de chez nous, l’Australie avait garanti l’indépendance des journalistes dans la loi… dès 1917 !

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1 Commentaire

  1. Olivier
    2 septembre 2015 à 8h57 — Répondre

    Voilà pourtant bien une disposition essentielle afin que les grands intérêts particuliers, et leurs relais dans la classe politique, cessent d’imposer leur loi inique et que l’intérêt général ait enfin une chance de prévaloir.

    Encore aujourd’hui, personne, mis à part TPM, parle de la hausse, massive (1 500 millions/an) bien que discrète, au prix administré du fioul brulé par EDT, augmentant d’autant une marge du concessionnaire pourtant jugée déjà déraisonnable par le Tribunal?

    Enfin, ce serait déjà un progrès par rapport à il y a quelque mois, de voir au moins le présent commentaire pas censuré!

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