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La « reconnaissance du peuple Maohi » sur la table de l’Assemblée nationale

Tematai Le Gayic a présenté ce matin une proposition de résolution par laquelle les parlementaires « inviteraient » l’exécutif parisien à reconnaitre « le peuple de Maohi Nui » et à négocier une autodétermination. Un texte qui, même s’il était voté, n’aurait pas de caractère contraignant, mais aiderait à « appuyer » juridiquement des mesures de discrimination positive sur le foncier, l’emploi ou le vote. Des évolutions du statut d’autonomie qui ne sont pourtant pas à l’ordre du jour officiel du Tavini.

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« L’assemblée nationale (…) invite le gouvernement de la République française à se rapprocher du gouvernement et de l’assemblée Maohi Nui pour entamer le processus d’autodétermination sous l’égide des Nations-Unis » et « à reconnaitre officiellement le peuple de Maohi Nui ». Voilà les conclusions du texte que Tematai Le Gayic veut faire adopter par ses collègues députés. La « proposition de résolution », qui doit être officiellement déposée dans les prochains jours sur les bureaux du Palais Bourbon, ne se limite pas à ces simples injonctions. Son exposé des motifs détaille l’histoire parfois violente de la colonisation de la Polynésie, les bouleversements « significatifs » qu’elle lui a fait subir, le processus « d’assimilation culturelle », les multiples protestations qui y ont été opposées… Le texte passe aussi en revue les difficultés rencontrées aujourd’hui par la population du fenua, sur le plan économique, sur l’accès à l’emploi et au foncier et ne manque pas de rappeler la position onusienne sur la question de sa décolonisation.

Comme toutes les résolutions, cette proposition, si elle était votée, n’aurait pas de caractère contraignant. Mais elle peut tout de même être citée devant les juges. Et donc constituer, pour le jeune député, allié sur cette question à ses collègues polynésiens Steve Chailloux et Mereana Reid-Arbelot, un « premier jalon » sur des « futurs textes de protection de l’emploi, du foncier ou de modification du corps électoral ».

« Il n’y a pas de contexte politique plus favorable »

Le vote d’un tel texte serait bien sûr une première : aucun peuple de l’ensemble français, des Guyanais aux Bretons en passant par les Corses ou les Mahorais n’a jamais obtenu une telle reconnaissance dans cette République « indivisible », comme le pose le tout premier article de la Constitution. Seul les Kanak, au travers les accords de Nouméa sont cités dans des textes à valeur constitutionnelle, aujourd’hui débattus par leurs adversaires loyalistes. Cela reste la voie à suivre pour Tematai Le Gayic qui dit avoir l’appui de « l’ensemble des groupes Nupes » – la gauche de l’hémicycle, dont le groupe GDR, où siègent les députés Tavini, fait partie. Le parlementaire assure même avoir reçu le soutien – mais pas encore de cosignatures – de certains parlementaires centristes proche de la majorité présidentielle.

À l’entendre, le moment serait « idéal » pour faire voter une telle résolution. « Vu la contexte politique – pas de majorité à l’Assemblée nationale -, vu la montée des partis politiques régionalistes en France – regardez le nombre de députés issus de Corse, du Pays Basque, d’Alsace, de Bretagne, qui défendent tous plus d’autonomie pour leur région -, vu le contexte actuel où tous les territoires d’outre-mer souhaitent avoir une reconnaissance officielle dans la Constitution, franchement, il n’y a pas de contexte politique plus favorable, détaille l’élu indépendantiste, et encore plus quand on regarde le positionnement de la France sur l’Israël, la Palestine, le Haut-Karabakh, sur Taïwan, sur l’Ukraine… Le contexte est favorable à ça »

« On sait très bien que c’est difficile de faire passer un texte comme ça », reconnait tout de même le parlementaire bleu ciel, qui revient de Paris et s’envole pour La Réunion dans quelques jours dans le cadre de la mission d’information de l’Assemblée nationale sur l’évolution institutionnelle des Outre-mer. « Mais déjà, si il est débattu, pour nous, c’est un pas supplémentaire ».

Des « questionnements » sur la stratégie du Tavini

Mais alors pourquoi, quitte à profiter de l’instant parisien, ne pas avoir préparé une proposition de loi, organique ou constitutionnelle, qui ouvrirait une voie officielle aux textes sur la protection de l’emploi, du foncier, ou sur la restriction du corps électoral ? Pour ne pas se retrouver en opposition avec le parti. Le Tavini en effet, et notamment son président Oscar Temaru, estime que c’est devant l’Onu, et pas au sein de la représentation nationale française, que doit être débattue la question de l’avenir institutionnel de la Polynésie. La même raison pour laquelle la majorité bleu ciel à Tarahoi n’a pas souhaité adopter une résolution pour demander officiellement à l’État de mener certaines réformes du statut d’autonomie – comme la création du citoyenneté maohi, instrument essentiel aux mesures de discriminations positives.

« Pour eux, demander plus au sein de la France, c’est s’éloigner de l’indépendance : le Tavini veut des négociations, pas une révision », résume le député, visiblement pas complètement en phase avec cette stratégie « qui n’a pas changé depuis les années 70 », mais qui dit « respecter » cette ligne officielle. « On est d’accord sur une chose, c’est qu’il faut que ce pays soit indépendant, précise-t-il. Là où il y a des questionnements, et c’est normal, c’est comment on fait pour y aller ». Pour contenter les différentes sensibilités du parti, l’élu précise que ce texte a aussi vocation à faire passer un message à Emmanuel Macron, qui a lancé des consultations sur l’évolution institutionnelle des Outre-mer. « Si révision constitutionnelle il y a pour la Polynésie, et les autonomistes le souhaitent aussi, comme principe de négociation, il y a la reconnaissance du peuple maohi ».

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