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La réforme fiscale, une question de courage politique

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Le ministère de l’Économie et des Finances organisait ce mardi la 2e Journée prospective de l’économie. La première s’était tenue en juin dernier. Celle-ci était entièrement consacrée à la fiscalité, que le gouvernement entend réformer cette année, et à l’adaptation de cette fiscalité aux enjeux de développement. Au terme d’une journée de réflexion, où 140 acteurs économiques ont répété des constats souvent entendus et où chacun a défendu ses intérêts particuliers, c’est à présent au ministre d’en tirer, ou pas, les pistes de la réforme fiscale qui doit être présentée durant la session budgétaire, en fin d’année, pour une application en 2025.

Ils avaient râlé lors de la première journée prospective de l’économie, en juin dernier, critiquant une démarche qui n’avait de concertation que le nom, et se plaignant d’un compte-rendu peu fidèle à leurs échanges. Mais ils étaient de nouveau présents ce mardi sous le chapiteau de la présidence : un important contingent d’entrepreneurs a participé aux 5 ateliers thématiques : fiscalité et cherté de la vie, fiscalité et compétitivité des entreprises, fiscalité et secteurs de développement prioritaire, fiscalité et patrimoine, et enfin fiscalité et protection sociale généralisée.

Warren Dexter, conseiller technique au ministère de l’économie, a planté le décor : 67 milliards de recettes douanières (soit 38,6% des recettes totales), 33,6 milliards de recettes sur les entreprises, 18,9 de recettes sur les revenus des particuliers (CST), 49 milliards de recettes sur la consommation, 4,7 milliards de recettes sur le patrimoine immobilier. Soit au total un peu plus de 173 milliards de recettes fiscales, qu’il n’est évidemment pas question de baisser.

Il le reconnait, la fiscalité indirecte sur les importations pèse lourd dans la cherté de la vie. Et il faut chercher d’autres pistes de recettes.

Ces autres pistes sont celles devant lesquelles tous les précédents gouvernements ont reculé : par exemple la fiscalité sur le patrimoine, notamment immobilier, et même sur les signes extérieurs de richesse.

En revanche, Warren Dexter se montre réservé sur l’idée d’un impôt sur le revenu. Pour le gérer et le contrôler, dit-il, il faudrait « multiplier par deux les effectifs de la DICP ». Sans que le rendement de l’impôt ni son acceptabilité ne soient garantis : « Quand on regarde l’exemple de la Nouvelle Calédonie qui a adopté un impôt sur le revenu pourtant simple, ils ont quasiment le même niveau de recettes que notre petite CST, avec des effectifs en gestion beaucoup plus importants. Et puis ce serait quand même un revirement en termes de philosophie fiscale, parce qu’aujourd’hui avec la CST c’est l’employeur qu’on va chercher parce que c’est lui qui fait le pré-compte. Mais si vous déclarez vous-même, ça veut dire que vous pouvez être contrôlé vous-même. Donc est-ce qu’on est prêt à une administration intrusive ? »

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Une TVA sociale, mais cette fois déductible

La réponse est oui, tant que l’intrusion concerne le voisin. La demande de contrôles plus poussés est un classique de ces réunions. De manière générale, les participants se plaignent d’un « millefeuilles » fiscal peu lisible et instable sur le long terme. Tevaiti Pomare note que « beaucoup des mesures proposées avaient déjà été évoquées lors des premières journées prospectives de l’économie ». Il retient l’idée d’un « rééquilibrage entre fiscalité et cotisations » pour la protection sociale – la fiscalisation pour les dépenses de solidarité, les cotisations étant réservées aux dépenses « assurantielles » de la maladie et de la retraite. Il note aussi la demande d’instauration d’une nouvelle « TVA sociale », mais cette fois déductible : la mesure a effectivement le mérite de la simplicité pour sa mise en place, même si c’est un désaveu d’une des seules promesses de campagne déjà tenues.

La taxe de développement local toujours très débattue, et la fiscalité sur le patrimoine immobilier

« C’est effectivement un serpent de mer », dit le ministre à propos de la TDL dont les défenseurs sont aussi nombreux que les détracteurs. Mais elle sera réformée, et des concertations sont déjà en cours, assure-t-il.

La fiscalité sur le patrimoine immobilier est revenue, bien sûr, sur le devant de la scène : « Certains veulent plus de justice fiscale et d’équité, et veulent élargir l’assiette », résume Tevaiti Pomare qui espère aboutir à des propositions « acceptables ».  Les résidences secondaires et les meublés de tourisme, mais pas seulement, sont une source de recettes fiscales encore très peu exploitée.

Il reste encore plusieurs mois pour se concerter : Tevaiti Pomare ne prévoit pas de présenter sa réforme fiscale avant la fin de la session budgétaire, en fin d’année. Et il reste effectivement beaucoup de travail. Une fois de plus, on voit que l’intérêt général n’est pas nécessairement la somme des intérêts particuliers qui se sont exprimés sous le chapiteau de la présidence. L’ingrédient essentiel sera le courage politique.

Un inventaire à la Prévert

Parmi les autres suggestions qu’on a pu entendre, un taux unique de TVA à 15%, ou un taux spécial « produits de luxe », ou encore une TVA sur les PPN, la révision des droits de douane en utilisant comme assiette les prix FOB – « fret on board » – au lieu des prix CAF, l’appel à la continuité territoriale de l’État pour encadrer les prix du fret international, des aides à l’embauche, des aides aux formations, la défiscalisation des heures supplémentaires, la suppression ou au moins la baisse de la franchise postale et de la franchise voyageur, l’application de critères environnementaux à l’obtention d’aides fiscales, la prolongation de 5 à 7 ans des exonérations du dispositif « grands investissements », une « zone franche » pour le secteur numérique et audiovisuel, la baisse ou même la suppression des droits d’enregistrement à l’acquisition, compensée par une fiscalité plus poussée durant la détention du bien (mais on note « un avis plutôt défavorable » aux droits sur les successions), l’actualisation de la base d’imposition sur le foncier,  un impôt foncier sur les propriétés non bâties mais exploitées, une taxe sur les achats de contenus sur les plateformes de streaming, et des taxes comportementales sur les produits sucrés, salés ou gras, qui seraient affectées à la PSG.

 

 

 

 

 

 

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