ACTUS LOCALESÉCONOMIE La Somac a quatre mois pour quitter son site de Titioro Charlie Réné 2024-04-09 09 Avr 2024 Charlie Réné Au terme d’une décision rendue ce lundi par la Cour d’appel de Papeete, la Somac est considérée comme « occupante sans droit ni titre » de son site de Titioro. Un terrain de 11 000 mètres carrés où le distributeur de matériaux et d’outillage est installé depuis les années 80, et où il a construit plusieurs hangars, bâtiments techniques et son magasin. C’est un conflit avec les propriétaires fonciers qui a abouti à cet ordre d’expulsion. La Somac a quatre mois pour quitter le site… après quoi elle paiera des astreintes de 100 000 francs par jour jusqu’à son départ. Compte à rebours pour la Somac. Depuis 1984, la Société océanienne pour les matériaux aciers et ciments, un des plus gros distributeur polynésien de matériaux de construction et d’outillage et sa société sœur la Somab, sont installées dans la zone industrielle de Titioro. Un site qui s’étend sur 10 800 mètres carrés, très couru par les professionnels et les particuliers de Tahiti et ceux des îles, même si la Somac dispose aussi d’un magasin à Raiatea. Mais cet emplacement historique, la société va devoir le quitter. C’est en tout cas ce qu’a décidé hier la Cour d’appel de Papeete. Le foncier de Titioro n’appartient en effet pas à la Somac, filiale du groupe de Quito Braun-Ortega construit autour de l’entreprise de manutention J.A Cowan, mais à la société civile immobilière MCF, qui lui loue l’emplacement depuis les années 80. Un propriétaire avec qui les relations se sont dégradées. Et comme souvent, c’est un désaccord sur le loyer qui a mis le feu aux poudres : en octobre 2021, à quelques jours de l’échéance du bail, la MCF informe son locataire d’une augmentation du loyer commercial de « 50 000 francs par an et par mois » à partir du début de l’année suivante. En échange de quoi le bail serait reconduit pour neuf ans. Comme le relève la Cour d’appel, c’est jusque là le propriétaire qui avait fait des efforts, accordant des réduction de loyer « pour faciliter au preneur la mise aux normes des constructions » de la Somac, qui doivent lui être rétrocédées gratuitement à l’horizon 2029. Ainsi la Somac avait dû verser 1 400 000 francs par mois en 2012 et 2013, 1 500 000 francs l’année suivante, et ainsi de suite pour atteindre, en 2020, les deux millions de francs mensuels prévus au contrat. L’idée pour MCF et ses propriétaires était donc de compenser ces réductions et, d’après leur avocat, « d’obtenir une juste rémunération pour la location de leur terrain » de Titioro. Du conflit de loyer à la clause résolutoire Devant le refus de la Somac de payer davantage, des pourparlers sont lancés début 2022, mais n’aboutissent pas. Place donc aux procédures judiciaire. À la fin juin 2022, les propriétaires exigent, comme le prévoit le bail, une série de documents sur la conformité des constructions faites sur le terrain, les permis de construire, les assurances, le paiement des impôts foncier… La Somac répond dans le détail, fournissant les attestations demandées pour le magasin, les divers entrepôts, les bâtiments techniques et les hangars construits tout autour du site en quarante ans d’activité. Tout est là… sauf les justificatifs liés à un hangar, le numéro 8, qui fait l’objet, sur un plan de construction, d’une mention manuscrite : « pas de PC et pas de CC ». Cette absence de permis de construire et de certificat de conformité, la MCF la brandit pour faire appliquer, toujours suivant les articles du bail, une clause résolutoire : le propriétaire demande donc le départ de son locataire. C’est d’abord le juge des référés qui est saisi, en 2023, pour constater la rupture du contrat et ordonner l’expulsion de la société, qui emploie plusieurs dizaines de salariés. Refus du juge, mais le propriétaire est décidé : après une audience le 28 mars dernier il obtiendra gain de cause devant la Cour d’appel. La Somac a bien essayé de dénoncer une « mauvaise foi » de la MCF, qui ne s’est intéressée aux clauses techniques du bail qu’après avoir essuyé un refus sur l’augmentation de loyer. Mais la cour s’en tient à la lettre de la convention : « la clause résolutoire est acquise à défaut de mise en conformité de l’ensemble des bâtiments ». « Occupant sans droit ni titre » depuis juillet 2022 Aux termes de la décision, la Somac est considérée comme « occupant sans droit ni titre des lieux » depuis le 27 juillet 2022, un mois après la lettre de la MCF. Elle est sommée de payer une indemnité mensuelle d’occupation de 2 millions de francs par mois – d’où seront retranchés les loyers effectivement perçus depuis cette date. Elle a surtout quatre mois pour quitter son site principal, dès la notification de la décision. Après quoi elle devra payer une astreinte de 100 000 francs par jour de retard, là où le propriétaire demandait 5 millions d’astreintes quotidiennes. Coup dur, donc, pour la société de Quito Braun-Ortega, qui avait annoncé, courant 2023, être prêt à céder la Somac ainsi qu’une bonne partie des actifs de son groupe. Il faut noter que la décision de la Cour d’appel est encore susceptible de recours en cassation. Mais que d’après les avocats de la MCF, ce recours ne serait, s’il est lancé, pas suspensif de la décision. La Somac devrait donc bien être contrainte de déménager. La direction de l’établissement renvoie vers son actionnaire pour commentaire et Quito Braun-Ortega n’a pour l’instant pas répondu à nos sollicitations. 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