ACTUS LOCALESSANTÉ

La téléradiologie pour « optimiser » l’offre de santé dans les îles

Un partenariat signé avec la société métropolitaine Imadis va permettre de faire analyser à distance les radios et scanner réalisés au fenua. Et ce par des spécialistes qui renverront leur compte-rendu aux médecins locaux une quinzaine de minutes plus tard. De quoi utiliser pleinement les équipements des hôpitaux de la direction de la Santé, à commencer celui Taiohae aux Marquises, puis ceux de Taravao, Moorea ou Uturoa, et, à terme les tables radio des centres médicaux des îles éloignés. Le CHPF serait lui aussi intéressé.

C’est un partenariat qui a été signé en fin d’année dernière, et qui devrait porter ses fruits dans les mois à venir. La direction de la Santé a contracté avec Imadis, une société spécialisée dans la téléradiologie, secteur en plein boom, en métropole comme ailleurs. Et pour cause : les radiologues manquent cruellement dans le secteur public. Une pénurie qui a poussé bon nombre d’hôpitaux de l’Hexagone de déléguer les tâches d’analyse de l’imagerie médicale (radio, scanner, mais pas échographie ou mammographie qui nécessitent la présence physique du spécialiste) à des prestataires qui ont, eux, constitué un précieux vivier de libéraux. Imadis, qui s’est imposé comme un leader sur ce nouveau marché, travaille avec pas moins de 360 radiologues, présents dans huit centres de traitement répartis tout autour de la métropole. 

Et ces centres ont aussi de quoi intéresser le fenua. « On a aussi un contexte pénurique sur les radiologues, mais il faut ajouter les défis spécifiques de nos établissements de santé présents jusque dans les îles éloignées », explique Romain Flory, responsable du bureau numérique de la direction de la Santé. Des défis souvent plus forts en terme de ressources humaines que matériel. Aux Marquises, par exemple, l’hôpital de Taiohae s’est doté d’un scanner en avril 2021, mais il est « très difficile d’y fixer des radiologues, en tout cas de manière pérenne », reprend le responsable. Conséquence : « une offre de soin qui n’est pas optimale, alors qu’on a un plateau technique qui permettrait d’avoir mieux pour la population ». 

Aucune différence pour le patient

La téléradiologie, n’est pas, en soi, nouvelle au fenua. Les images réalisées à Taravao, hôpital lui aussi dépourvu de radiologue, sont d’ores et déjà envoyés numériquement et analysés par les deux spécialistes basés à Uturoa, qui censés aussi prendre en charge le flux des Marquises. Cette analyse à distance ne fait « aucune différence » pour les patients : ils sont toujours reçus par un médecin, urgentiste ou autre, qui les oriente si nécessaire vers les services d’imagerie, ils sont pris en charge par un manipulateur qui réalise sur place la radio ou le scanner… C’est seulement le compte-rendu d’interprétation de ces images qui est réalisée à distance par un radiologue, avant d’être renvoyé vers le médecin présent physiquement auprès du patient, qui déterminera la suite du protocole médical.

Un procédé simple, rapide – Imadis évalue à une quinzaine de minutes le temps de retour moyen de ses compte-rendus -, mais qui nécessite tout de même une préparation technique et des mises à jour logiciel importante dans les établissement concernés. Des interventions qui buttent pour l’instant sur l’emploi du temps très chargé des services informatiques du Pays. D’où un calendrier de mise en application de l’accord avec Imadis étalé sur plusieurs mois. « La priorité, c’est l’hôpital de Taiohae, avec l’objectif de faire notre première garde de téléradiologie d’ici fin septembre. La priorité suivante, c’est de connecter les trois autres hôpitaux de la direction de la Santé, MooreaTaravao et Uturoa, d’ici le 1er trimestre 2024, reprend Romain Flory. Ensuite, sur la période 2024 – 2025, il s’agira de connecter nos centres médicaux qui disposent d’une table de radiologie, pour là encore apporter une meilleure prise en charge au patient dans les îles ». 

Optimiser les équipements, « réduire l’inégalité d’accès aux soins » dans les îles, voilà donc les objectifs affichés de cette téléradiologie. Ça n’est pas la première fois que les autorités de santé se tournent vers la télémédecine, très adaptée aux défis du territoire polynésien. On se souvient notamment des valises déployé aux Tuamotu, aux Australes ou aux Marquises et qui contiennent tous les outils pour récolter à distance des constantes vitales d’un patient. Certaines îles, dont Maiao récemment, ont aussi été équipés de bornes, qui permettent elles aussi de faire le lien entre un « adjoint de soin » installé localement et un médecin – en l’occurrence basé à l’hôpital de Moorea.

La connexion internet, limite de la télésanté dans certaines îles

Le développement de ces technologies médicales – qui offrent bien d’autres possibilités – a tout de même une limite : la connexion internet, qui doit être stable et rapide pour assurer des prestations de médecines à distance. « On a la chance d’avoir aujourd’hui une connexion relativement fiable dans les hôpitaux de la Direction de la santé et qui permet de mettre la télésanté et la téléradiologie sur la bonne voie, reprend Romain Flory. Le défi c‘est pour toutes les autres structures de la Direction de la Santé, aux Tuamotu, aux Australes ou aux Marquises, où l’accès internet est beaucoup plus compliqué ». Certes, la fibre optique sous-marine de Natitua a relié certaines îles, mais pas toutes. Les espoirs de beaucoup de professionnels se tournent, de ce côté, vers la transmission satellitaire, et plus particulièrement les nouvelles possibilités, moins onéreuses et beaucoup plus efficaces, offertes par les constellations de satellites basse orbites, comme celle de StarLink ou de OneWeb. Romain Flory, comme d’autres, se dit « très en attente » des annonces du nouveau gouvernement et de son président en charge de l’Économie numérique, Moetai Brotherson, sur le déploiement de moyens de connexions à ces réseaux au fenua. « Sans ça, il sera très difficile de faire de la télésanté avec nos îles éloignées », pointe le responsable de la cellule numérique de la DSP.

À noter que la direction de la Santé n’est pas la seule à étudier cette idée : le CHPF, lui aussi en grave pénurie de radiologue, serait en discussion avec des spécialistes de la téléradiologie. Imadis, spécialiste des prestations aux services des urgences, travaille déjà avec une centaine d’établissements en France.

Déjà à la Réunion, Mayotte et à Wallis

Si le choix de la Direction de la Santé s’est tourné vers Imadis, c’est que la société, lancée en 2008 par cinq radiologues lyonnais a depuis longtemps fait la preuve de ses capacités. Elle compte aujourd’hui 107 établissements partenaires, dont bon nombre lui ont délégué l’analyse de ses imageries d’urgence. L’entreprise, dont l’organisation est inspirée de celle des Samu, travaille aussi, depuis près de 10 ans avec les hôpitaux de la Réunion, et depuis 2018 avec ceux de Mayotte. Plus récemment, le service de téléradiologie qu’elle propose a été déployé à l’hôpital de Sia, à Wallis, « ce qui a prouvé qu’elle était capable de se projeter jusqu’à chez nous », note Romain Flory. Imadis a aussi développé dans plusieurs régions des partenariats avec les radiologues locaux qui se relaient pour assurer des prestations sur la radiologie programmée des hôpitaux. Un fonctionnement qui pourrait intéresser le fenua, qui a du mal à attirer et conserver dans sa fonction publique des spécialistes de l’imagerie médicale.

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