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La TVA sociale « sera supprimée »… mais toujours pas de calendrier


Quelle est la stratégie du gouvernement pour le pouvoir d’achat ? Plus d’un mois après le début de la mandature, les élus se posent la question notamment du côté du Tapura qui a interpellé Moetai Brotherson ce matin à l’assemblée. Le président, après avoir pointé la responsabilité et le « mauvais bilan » de ses prédécesseurs en la matière, a réaffirmé certains objectifs… Mais la feuille de route, elle, ne s’éclaircira pas avant une grande réunion des acteurs économiques, la semaine prochaine.

Retour au travail, à Tarahoi pour la première séance plénière depuis les élections des présidents, le 19 mai dernier. Un peu plus d’un mois est passé, et certains semblent déjà s’impatienter : quand les mesures promises durant la campagne arriveront sur les bureaux de l’assemblée ? Si des élus de la majorité semblent partager l’interrogation, c’est sans surprise l’opposition qui était au micro durant la séance de questions au gouvernement. Avec un thème de prédilection : la lutte contre la vie chère. L’occasion pour le Tapura de lister les initiatives prises sous l’ancienne mandature en la matière, des « boucliers anti inflation » sur la farine ou les hydrocarbures, aux plans de sauvegarde et de relance, en passant par les exonérations diverses et les soutiens aux entreprises publiques et aux comptes sociaux. Mais si une mesure avait cristallisé les débats de la fin de mandat, c’est bien la « Contribution pour la Solidarité, critiquée de toute part, notamment du côté Tavini. Teura Iriti, qui semblait déceler un changement de ton de la majorité sur le sujet, a interpellé le président sur l’avenir de la mesure. 

« Supprimer la TVA sociale ne fera pas baisser les prix »

La tavana d’Arue tente, au passage, de réhabiliter cette « TVA sociale » mal-aimée. Relevés de l’ISPF à l’appui, elle explique que l’inflation engendrée par la contribution non déductible aurait finalement été limitée à 1%. Et rappelle que la mesure doit rapporter 8 à 9 milliards de francs en année pleine, recettes nécessaires pour financer les régimes et minima sociaux. Bref, elle est efficace et sera difficile à supprimer, comme s’y était engagé Moetai Brotherson. Et son ministre de l’Économie et des Finances semble conscient de cette difficulté, pointe la représentante Tapura, en citant les déclarations de Tevaiti-Ariipaea Pomare en commission budgétaire la semaine dernière : « On ne peut pas supprimer la TVA sociale tant que nous n’avons pas trouvé de solution de remplacement… Et supprimer la TVA sociale ne fera pas baisser les prix ».

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Sur les bancs du gouvernement, pourtant, le cap n’a pourtant pas changé : « la TVA sociale sera supprimée » réaffirme Moetai Brotherson qui rappelle que le groupe Wane, lors d’une audition par la commission sur le coût de la vie de l’Assemblée nationale avait parlé d’un effet inflationniste de la contribution de 2%. « A minima », précise le président.

« Ni plus ni moins » de PPN pour l’instant

Pas de réponse claire, en revanche sur le calendrier : les évaluations sont en cours, les mesures de compensations de recette aussi, de même que les analyses sur l’effet d’aubaine dont les commerçants pourraient profiter. Plusieurs fois, par le passé, des baisses de taxes n’avaient pas abouti à des baisses de prix, et cela reste un « risque » pour la TVA sociale aujourd’hui… Bref, le calendrier « fera l’objet d’une annonce prochaine » mais le travail est bien en cours, balaie le président, qui veut croire qu’en dehors de Tarahoi « la population comprend qu’il faut du temps pour faire les choses ». Pas question, en tout cas, de se laisser presser par ceux qui ont commis d’après lui « une erreur de jugement » en sous-estimant les hausses de recettes fiscales liées à l’inflation. Et donc en mettant « inutilement » en place une taxe « inflationniste » au pire moment :

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Autre interrogation, émanant cette fois de la sénatrice Lana Tetuanui  : l’avenir des PPN, dispositif lui aussi critiqué par Moetai Brotherson pendant la campagne, et dont la dernière liste a été attaquée en justice par la FGC. Là aussi, aucune raison de se presser, ou en tout cas, de sauter des étapes, pour l’exécutif. Les PPN et PGC doivent évoluer, certes, explique le président, en cette période d’inflation toujours forte, tient au contraire à saluer l’efficacité du dispositif quand « il est bien appliqué ». L’encadrement des marges a fonctionné pour protéger le lait ou d’autres produits de base et « le passage en PPN des produits hygiéniques a fait baisser certains prix de 70%, sur des marges fixés en moyenne avant la réforme à 135% », rappelle le président. « Au contraire, la libéralisation de certaines référence de papier toilette a fait flamber les prix ». À court terme, et en l’absence de consensus sur le sujet, il n’y aura donc « ni plus ni moins » de PPN et de PGC. En revanche, le gouvernement affiche ses doutes sur l’efficacité des exonérations et défiscalisations accordés aux entreprises « sans aucune contrainte ou contrepartie », sur les matériaux notamment.

Deux journées de discussions économiques la semaine prochaine

Quant à la « stratégie pouvoir d’achat » elle-même, elle doit être « pluridisciplinaire » et s’appuyer sur un « consensus », insiste le président. Et donc sur de larges consultations. Le ministre de l’Économie Tevaiti-Ariipaea Pomare a ainsi été mis en charge de l’organisation de « journées prospectives de l’économie », qui doivent réunir, les 27 et 28 juin, l’ensemble des acteurs économiques de la grande consommation, des importateurs aux consommateurs en passant par les distributeurs, industriels et représentants du secteur primaire. Et les sujets discutés seront larges : « fiscalité, prix et consommation, emploi, commande publique ». « Il s’agit de réfléchir ensemble aux grands axes de développement économique et aux moyens efficaces d’assurer une bonne redistribution de ces mesures au bénéfice des consommateurs polynésiens » précise le chef de l’exécutif.

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21 milliards de francs, vraiment ? 

La séance des questions au gouvernement a aussi été l’occasion d’un débat feutré sur la question de « l’excédent » dégagé par le Pays en 2022, sous la présidence d’Édouard Fritch. Une somme évaluée à un peu plus de 21 milliards par l’équipe sortante, qui y voyait un motif de satisfaction quand au contraire ses opposants, pendant la campagne, se servait du chiffre pour prouver l’inutilité de la TVA sociale. Plus récemment, Moetai Brotherson avait mis en doute la réalité de cet excédent que certains voulaient utiliser pour prendre « des décisions hâtives et précipitées ». « Je vous confirme, Monsieur le Président, et le compte administratif que nous nous apprêtons à prendre acte, démontre bien que le résultat est bien de 21,4 milliards francs » lance pourtant Teura Iriti. « Je sais lire aussi bien que vous » rétorque le président qui estime que cette « écriture comptable » n’est pas conforme à la réalité de l’argent dans les caisses. Car avant même son élection, la somme, avait « fondu comme neige au soleil » : 5,7 milliards déjà prélevés au premier collectif budgétaire, des « écritures techniques obligatoires » et des « provisions pour rattrapage du FIP », 530  millions de dotation aux amortissements, ou encore 1,4 milliard de crédits pour la finalisation du pôle de santé mentale, dont la non-inscription au budget primitif voté fin 2022 aurait « menacé la progression du chantier ». « Le disponible, le réel, c’est environ 10,9 milliards, et non pas 21,4 », insiste le président, se disant au passage « étonné » que « ces 10 milliards de francs de dépenses connues » aient été « omises » du budget primitif 2023.