Le séminaire régional sur l’eau potable réuni à Tahiti marque la fin du projet « PROTEGE » financé par l’Union européenne : 10 ans de réflexion et d’actions, pas encore à la hauteur des enjeux du changement climatique, ni des obligations du CGCT sur la fourniture d’eau potable qui doivent rentrer en vigueur au 1er janvier 2025.
Organisé par la communauté du Pacifique qui porte le projet de l’Union européenne « PROTEGE » (Projet régional océanien des territoires pour la gestion durable des écosystèmes), un séminaire sur l’eau potable et les risques sanitaires était organisé à Tahiti lundi et mardi. Services du Pays – Santé et Environnement au premier chef -, élus et techniciens des communes, étaient présents aux côtés de représentants de Nouvelle-Calédonie et de Futuna. Ce projet d’amorçage des politiques de l’eau potable touche à sa fin : 10 ans et 4,3 milliards de Fcfp plus tard (sans compter les apports financiers du Pays), les résultats de ces aides à la planification sont mitigés, car beaucoup reste à faire, explique Peggy Roudaut, cheffe du projet PROTEGE.
Seules 10 des 48 communes polynésiennes fournissent de l’eau potable à leurs administrés – des communes importantes (Papeete, Pirae, Arue, Mahina, Faa’a, Punaauia, Papara, Bora Bora, Tumaraa et Uturoa), ce qui fait que 62% de la population y a accès. Quatre autres, Taiarapu, Moorea, Huahine et Tahaa, ne couvrent que partiellement les besoins de leurs habitants en eau potable. Dix communes seulement ont mis en place un « Plan de sécurité sanitaire des eaux » (PPSE), dont 6 ont été financés par PROTEGE, qui vise à éviter les risques sanitaires liés à la mauvaise qualité des eaux.
Les raisons de la mauvaise qualité des eaux sont connues : mobilisation exclusive des eaux de surface superficielles, absence de traitement adapté et de désinfection, mauvaise exploitation des installations en place, et vétusté des ouvrages existants.
CGCT : « On ne responsabilise pas les élus en reportant le délai »
Mais le report de 10 ans de l’application des dispositions du Code général des collectivités territoriales (CGCT) prend fin au 31décembre de cette année : toutes les communes seront alors, en théorie, tenues de fournir de l’eau potable. Et si certaines communes espèrent un nouveau report, Frederix Teriiatetoofa, élu de Rangiroa et responsable du département de l’eau au sein du syndicat pour la promotion des communes (SPCPF) de 2014 à 2020, n’est pas de cet avis : « On ne responsabilise pas les élus en reportant le délai. »
Multiplier les citernes dans les atolls
Frederix Teriiatetoofa anticipe le changement climatique, qui risque de rallonger les périodes de sécheresse. Dans les atolls qui dépendent de l’eau de pluie, « il faut augmenter la capacité de stockage de l’eau », dit-il, par la multiplication des citernes, qui devra être accompagnée de « la remise à jour des schémas directeurs de l’eau » et d’un changement de la loi « pour permettre au Pays et à l’État de revenir au financement ».
Woullingson Raufaore, tavana de Maupiti, a suivi le séminaire avec attention. Et pour cause : des forages alimentent des fontaines d’eau tout autour de l’île, mais si « personne n’est tombé malade », l’eau distribuée ne répond pas tout à fait aux critères de potabilité. « Je crois qu’il faut arrêter de forer », dit-il. Il était donc là pour nourrir sa réflexion, sans toutefois parvenir à une conclusion définitive.
Qui dit service public de l’eau dit facturation. Se pose alors la question de l’acceptabilité du paiement. « Nous avons déjà un réseau d’eau non potable que nous faisons payer à la population, mais en ce qui concerne l’eau potable, pas encore, dit le tavana de Maupiti. Mais évidemment qu’il va falloir faire payer l’eau, un service n’est pas gratuit. » L’eau est indispensable au développement, y compris touristique. À Maupiti, le tourisme a repris, « mieux qu’avant le Covid », dit le maire, qui se rend compte que le manque d’eau limiterait forcément sa capacité d’accueil.
L’exemple de Bora Bora, qui a lourdement investi dans ses capacités de production d’eau potable depuis longtemps, est dans tous les esprits, et Gaston Tong Sang était présent pour poursuivre la réflexion. « Le tourisme, surtout de luxe, est attiré par un environnement de qualité, a déclaré Vincent Sturny qui a travaillé 24 ans sur la Perle du Pacifique avant de rejoindre la Polynésienne des eaux en tant que responsable du développement des îles et de l’innovation. Mais c’est un très bon retour sur investissement. Les hôtels de luxe consomment 30% de l’eau potable, mais règlent 70% de la facture totale, permettant une baisse des coûts pour la population de l’île », a-t-il expliqué.
« Les choses n’ont pas beaucoup changé »
Mais globalement, « je constate que les choses n’ont pas beaucoup changé », dit-il. Si l’essentiel des devoirs qui incombent aux communes sont principalement remplis par les délégataires de service public, il reste aux municipalités la responsabilité de sécuriser les emprises foncières pour les installations de forage, qui fournissent la meilleure qualité d’eau : chemins d’accès et clôtures sont peu appréciés des propriétaires privés, les mairies hésitent à décréter des utilités publiques, « et c’est pour ça qu’on n’a pas beaucoup avancé », dit Vincent Sturny.
Mutualiser les recherches
D’où l’importance de mener à bien les recherches sur les nappes phréatiques avec de nouvelles technologies : cibler les meilleurs endroits de forage ou de captage va réduire l’impact sur le foncier privé, explique-t-il. Mais ce projet de recherche par radar héliporté, voulu par les communes de Bora Bora et Moorea, se révèle plus coûteux que prévu, et son financement partiel par le contrat de projets État-Pays « est remis en cause parce qu’on est hors délai », dit Vincent Sturny; il voudrait voir le coût de ces recherches mutualisé entre davantage de communes « qui ont exactement les mêmes besoins. »
Il reste toutefois un espoir de voir l’Union européenne continuer à soutenir les politiques de l’eau dans le Pacifique, dit Peggy Roudaut : le prochain projet européen sera consacré à « la durabilité des systèmes alimentaires » et pourrait englober aussi la problématique de l’eau.
Te vai, e vaea : la Journée mondiale de l’eau célébrée les 22 et 23 mars
Le Pays organise dans 10 jours les célébrations de la Journée mondiale de l’eau. On trouvera le 22 et le 23 mars dans la matinée, au parc Paofai, le « village de l’eau », avec de nombreux stands issus des secteurs public, privé et associatif, des animations (spectacles de marionnettes, concert, démonstrations de réparation).Des visites guidées des installations de production et de potabilisation de l’eau de la Fautaua, ainsi que de la station d’épuration de Papeete, seront également proposées, offrant une opportunité unique de plonger dans les coulisses du système de traitement de l’eau. Les visiteurs pourront également participer à une chasse au trésor permanente, avec à la clé des lots de sensibilisation à l’eau. Le samedi 23 mars sera une journée culturelle sur les sites de Vaipahi et Vaima à Mataiea : des ateliers Te vai e te tapa, Te vai e te here, Te vai e te mono’i, des contes et légendes mettant en avant l’élément eau seront partagés lors de l’atelier ‘A’ai i te vai, tandis que l’atelier Te vai e te tapiri hapaina offrira un moment de bien-être avec des massages aux ventouses, les pieds dans l’eau. La cérémonie d’accueil est prévue pour 9 heures. Toujours très directive, la vice-présidence en charge de l’Environnement et de la Cultuire entend faire respecter le caractère sacré des sites en organisant des navettes depuis le parking de l’OPH, en interdisant la captation photo et vidéo de l’événement (« des images seront transmises aux médias et à tous ceux qui le désireront ») et en imposant un dress code, un pareu rouge uni. |