Les têtes d’affiche du Blue Climate Summit étaient rassemblées à la présidence dimanche matin pour ouvrir officiellement, avec les autorités du Pays, ce sommet qui ambitionne de proposer des solutions, des partenariats et des financements pour la préservation des océans afin de lutter contre les effets du changement climatique.
Le sommet est proposé par la Blue Climate Initiative, qui a ses origines en Polynésie française autour de l’ONG Tetiaroa Society. Son objectif : lutter contre le changement climatique en tirant parti et en protégeant l’océan. Pour ce faire, BCI rassemble des innovateurs, des leaders communautaires, des investisseurs et des experts mondialement reconnus. Elle a reçu l’approbation des Nations Unies qui la classe dans les « actions phares » de la Décennie des Nations Unies pour les sciences océaniques au service du développement durable. La Blue Climate Initiative. Le défi : « mettre en œuvre très rapidement les énergies renouvelables, améliorer la santé humaine, organiser un approvisionnement alimentaire durable, favoriser une biodiversité florissante, gérer les ressources naturelles et soutenir les économies océaniques dynamiques. » La BCI a un site Internet sur lequel on retrouve notamment une publication, Opportunités transformatrices, qui passe en revue les possibilités les plus prometteuses « pour l’humanité, l’océan et la planète. » |
Parmi les invités à la présidence ce matin, le Premier ministre des îles Cook Mark Brown, le secrétaire général du Forum des îles du Pacifique Henry Puna, lui aussi de Rarotonga, le directeur de la Communauté du Pacifique Sud Stuart Minchin, l’ancien Premier ministre néo-zélandais Winston Peters, le navigateur hawaiien Nainoa Thompson et de nombreux représentants d’ONG environnementales.
« Nos populations pensent que les dirigeants parlent beaucoup trop et agissent trop peu », a déclaré, réaliste, Édouard Fritch. Le président a mis en avant les mesures de protection mises en place par la Polynésie : interdiction de toute autre technique de pêche que la pêche à l’hameçon en 1996, création du plus grand sanctuaire des mammifères marins au monde en 2002, protection des requins, tortues et raies, création de la zone protégée Tainui atea sur l’ensemble de la ZEE en 2018.
Il a aussi taclé « certaines organisations internationales » à « l’activisme excessif » « qui s’engagent dans une course où le moyen devient plus important que l’objectif, où l’environnement naturel doit rentrer dans un cadre unique, rigide, ultime. Certaines d’entre-elles se permettent même de nous reprocher de ne jamais en faire assez. Elles affirment qu’il nous faut participer à cette course effrénée aux kilomètres carrés, très loin de nos aspirations polynésiennes. Ces considérations, généralement de court terme, ne correspondent pas à notre vision polynésienne et océanienne et nous ne cèderons pas. » « Il n’est donc pas question de condamner nos populations à l’exil, tout cela pour remporter les quelques palmarès du moment. » Mais il a aussi rappelé l’engagement pris par la Polynésie au One Ocean Summit de Brest en février 2022, concernant la protection rehaussée de plus d’un million de km2, qui pourrait être officialisée à l’occasion de ce sommet. Il a conclu en invitant les participants « à nous rencontrer, à nous écouter, et surtout à nous entendre ».
Stuart Minchin, directeur général de la Communauté du Pacifique Sud qui rassemble 27 états et territoires de la région, a rappelé l’objectif général – « trouver les financements et les partenariats nécessaires (…) pour garantir un avenir durable pour les peuples du Pacifique » – et la nécessité d’une action concertée pour y parvenir.
Le climat au cœur de la géopolitique et de la finance de demain
Richard Bailey, qui a lancé la Blue Climate Initiative il y a deux ans, a déclaré : « Nous pouvons penser que l’avenir de nos enfants dépend de l’issue de guerres étrangères, de récessions économiques ou d’autres événements locaux ou mondiaux. En réalité, il sera déterminé par notre capacité à gérer le carbone, protéger notre océan, gérer nos ressources marines. Dans le futur, ces sujets vont dominer la géopolitique et la finance internationale. » Il appartient aux îliens et aux communautés côtières de tracer les contours de cet avenir : « Les Polynésiens ont beaucoup à apprendre au monde », a-t-il conclu avant de remettre à six ONG, dont celle de Hinano Murphy à Moorea, le « Community Award » de la Blue Climate Initiative. Enfin il a annoncé les gagnants du « Prix de l’innovation pour l’océan », qui se partagent un million de dollars, soit presque 100 millions de Fcfp : la société Biopac d’Indonésie, qui développe des emballages à base d’algues, SMO Solar Process de Guadeloupe, qui transforme en énergie verte les déchets végétaux, les algues et même les boues d’assainissement, et la société américaine Symbrosia qui développe des compléments alimentaires pour le bétail à partir d’algues et permet la réduction des émissions de méthane.
À noter enfin, l’intervention du secrétaire général du Forum des îles du Pacifique Henry Puna, qui a rappelé que l’organisation qu’il dirige est à l’avant-garde des négociations aux Nations Unies sur le droit de la mer. L’un des enjeux, adopté l’an dernier par le FIP, est de figer les lignes côtières qui sont grignotées par la montée des eaux, de façon à préserver la taille originelle des ZEE. Par ailleurs, l’ONU cherche aussi à améliorer le droit concernant les zones océaniques internationales.
Les participants au sommet, dont la liste est consultable ci-dessous, ont ensuite embarqué sur le Paul Gauguin pour Moorea puis Raiatea, quatre jours de voyage qui seront consacrés à différent ateliers thématiques.