ACTUS LOCALESJUSTICE L’ancien légionnaire prend les armes pour reconquérir sa femme Pascal Bastianaggi 2022-11-04 04 Nov 2022 Pascal Bastianaggi Un homme comparaissait jeudi au tribunal pour menaces de mort, appels téléphoniques malveillants et réitérés, et détention d’arme non autorisée. Des faits commis aux Gambiers courant de cette année, dont la cible était son épouse qui réclamait le divorce, et des membres de sa famille. Il a été condamné à 12 mois de prison avec sursis. Yves, 69 ans de taille moyenne, mains calleuses appuyées sur la barre du prétoire est à l’affût. Sur le qui-vive. 24 ans dans la légion étrangère ne s’effacent pas comme cela. Même s’il aurait voulu oublier son passé, son corps empreint d’une raideur toute militaire, le lui rappellerai. De ses bras tatoués entièrement à la gloire de la légion étrangère, à sa blessure au dos, à ses tics de langage, « affirmatif », difficile de nier son passé. Cet ancien instructeur d’arme a été partout où il y avait du barouf : Tchad, Liban, Irak etc… Des champs de bataille, il en a connu, mais s’il en est un qui lui restait inconnu à ce jour c’est celui de la justice. Les faits qui l’ont mené sur ce terrain n’ont rien d’extraordinaire, on en a vu d’autres au tribunal. S’il n’avait pas été un vieux guerrier féru d’armes, personne n’aurait prêté attention à ces divagations. Mais voilà, quand un ex légionnaire vous menace de mort et poste des photos où il est vêtu d’un treillis avec casque antibruit aux oreilles et fusil à pompe à crosse modifiée à la main, normal qu’on prenne ces menaces au sérieux. Son passé de combattant, irréprochable, ne plaide pas vraiment en sa faveur, même s’il n’est pas connu pour être violent. « Je n’ai aucun doute sur sa relation avec lui c’est un homo » En 25 ans de mariage, il n’a jamais levé la main sur sa femme. Une femme qui avait une vie sociale, fréquentant des amis sans qu’il ne trouve quelque chose à y redire. Jusqu’au jour où inquiet de ne pas voir son épouse rentrer, il lui envoie un sms qui reste sans réponse. D’habitude elle répond rapidement pour le rassurer, lui dire qu’il ne lui est rien arrivé. Mais cette fois rien. Il décide de prendre sa voiture pour voir s’il ne l’aperçoit pas. Et c’est en passant devant le domicile d’un ami commun, qu’il aperçoit le véhicule de son épouse. Il n’a aucun doute sur la fidélité de sa femme, « Je n’ai aucun doute sur sa relation avec lui c’est son ami, notre ami et c’est un homo. C’est le confident de ma femme et je le respecte » précise-t-il au juge qui le croit bien volontiers, « mais vous savez on est dans un village et les gens parlent, même s’ils ne savent rien. C’est pour cela que j’étais un peu énervé.» Sa voix jusque-là forte et autoritaire se brise et laisse passer des sanglots difficilement réprimés. « Détendez vous » lui conseille le juge. « J’étais con comme une chèvre » Que s’est-il passé dans sa tête ce jour là, pourquoi s’est-il enfermé dans un cercle vicieux, «dans sa bulle de légionnaire » dira sa défense, nul ne le sait et encore moins l’intéressé, « j’étais con comme une chèvre » sera sa première explication. Quoiqu’il en soit à partir de ce jour, plus rien ne sera comme avant, les relations entre le couple se distendent à un point tel que sa femme demande le divorce. Et là visiblement, pour Yves c’est le coup de massue. Il ne comprend pas. Son univers s’effondre, il pète les plombs à un point tel qu’il l’abreuve au départ de sms cherchant à comprendre ce qui ne va pas. Des sms restés sans réponse qui le renforce dans son délire. Puis il passe à l’envoi de mails outranciers et de messages à la teneur inquiétante. « Je ne sais pas ce que tu cherches, mais tu vas le trouver », « toi seule peux arrêter cela », « l’épilogue est proche. Je me prépare », le tout accompagné de photos des vêtements de sa femme en train de brûler, où d’arbustes de sa serre qu’il a abattus et mis au feu. « je vais attendre ta famille à la sortie de la messe et je vais les abattre. » Le summum est atteint lorsqu’il envoie une photo de lui vêtu d’un treillis avec casque antibruit aux oreilles et fusil à pompe à la main avec en légende : je vais pas tarder à sortir » Menace que sa femme prend au sérieux puisque qu’il lui avait envoyé un message disant, « je vais attendre ta famille à la sortie de la messe et je vais les abattre. Et après je ferais Koh Lanta dans la montagne » N’en pouvant plus sa femme se rend à la gendarmerie pour porter plainte. Elle explique la situation et précise qu’il est en possession d’armes et surtout, « j’ai peur de ce qu’il peut être et de ce qu’il a été. » Quand les gendarmes viennent l’interpeller, l’homme est assis à un carrefour, fusil à pompe à la main et à la vue des gendarmes, il pleure et pose le fusil à terre. Un fusil inutilisable en l’état. Suite à cela il est placé sous contrôle judiciaire avec ordonnance de restriction qui lui interdit tout contact avec son épouse. «Pour répondre à son silence, je brûlais un arbre, c’était ma thérapie ». Interrogé sur les mails et menaces de mort, il explique au juge, « j’ai été vraiment con d’envoyer des emails à la con. J’étais con comme une chèvre à écrire des mails pareils. » « Vous comprenez que votre femme a eu peur ? » « Mais bien sûr que je comprends ». Sur l’arme en sa possession, « C’était un voileux qui me l’a donnée, elle n’a jamais fonctionné. Mais je l’ai prise évidemment. Je suis armurier pas plombier. Si j’avais été plombier je me serais intéressé aux tuyaux. » Sur les arbres brûlés, « pour répondre à son silence, je brûlais un arbre, c’était ma thérapie ». Alors que le juge relève une phrase tirée de son procès verbal dans laquelle l’accusé expliquait qu’il attendait son beau-frère et son épouse, prêt à ouvrir le feu, « oh m’sieur le juge, c’est une phrase de militaire çà, je voulais dire que j’allais déclencher les hostilités. Vous comprenez j’étais chaud bouillant, si ca se trouve j’allais juste lui casser la tête. Il a quand même aider ma femme à partir. » « Il n’a jamais été dangereux en dehors de l’exercice de son métier. » A la question de savoir s’il avait compris pourquoi sa femme demandait le divorce, « Je ne sais pas pourquoi, mais c’est sûrement de ma faute. » Sur ses actes disproportionnés, « Aujourd’hui c’est bon j’ai compris, avant j’étais un héros, j’ai sauvé 12 personnes, je faisais tout pour ma famille, et du jour au lendemain, j’ai plus rien, d’où mes conneries, mais aujourd’hui, c’est bon j’ai compris. Je ne sais pas pourquoi je suis resté dans cette bulle mortifère, j’étais con » assure-t-il. Son expertise psychiatrique révélera qu’Yves est quelqu’un « au fort potentiel intellectuel à l’honnêteté intraitable qui ne supporte pas l’injustice » et de conclure, « il n’a jamais été dangereux, en dehors de l’exercice de son métier. » « Je suis le connard de monsieur » « Je suis le connard de monsieur » attaque l’avocat de la partie civile, car lui aussi a été réceptionnaire des mails envoyés par Yves, « son épouse est marquée, les mails qu’elle a reçus sont abominables. » S’adressant à l’accusé, « monsieur je suis peut-etre un connard, mais il faudra que plus tard, vous ayez une discussion avec votre femme. Vous l’avez brisée. » Il réclame 500 000 fcfp pour le préjudice moral. Pour le procureur, « il a un passé glorieux, un passé de combattants (…) ca me fait penser à Rambo – je vais partir dans la montagne et tu vas voir la guerre que je vais te faire-, certes il a fait du cheminement mais pas jusqu’au bout. » Il requiert deux ans de prison assortis d’un sursis avec « moult interdictions et suivis psychologiques, parce que je ne suis pas certain que tout soit terminé. » Selon la défense, « après que la procédure de divorce soit lancée, il se retrouve seul après 25 ans, seul dans sa bulle de légionnaire, désarmé et tout le village lui tourne le dos alors qu’il a œuvré pour eux. Il reconnaît les faits. C’est une âme en peine et sa fille est là pour le soutenir. » Après en avoir délibéré, le tribunal l’a condamné à 12 mois de prison avec sursis avec obligation de soins et suivi psychiatrique avec interdiction de rentrer en contact avec sa femme. 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