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L’APC met en garde le Pays sur le secret douanier

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La présidence a saisi pour avis l’Autorité polynésienne de la concurrence sur l’éventuelle abrogation ou assouplissement des règles de secret professionnel des douanes. L’idée serait pour le Pays d’affiner les statistiques économiques, et de diffuser davantage certaines données. Un projet très risqué, selon l’APC, qui craint que les entreprises aient accès à trop d’informations sur leurs rivaux au détriment du jeu de la concurrence. L’autorité indépendante met en garde sur plusieurs écueils juridiques, recommande de maintenir les conditions de diffusion actuelle, voire de mieux les contrôler, quitte à accorder des dérogations au cas par cas.

Quels effets auraient l’abrogation ou la modification de l’article 41 bis du code des douanes sur la concurrence en Polynésie ? C’est la question posée officiellement par la présidence à l’APC. Et l’autorité indépendante fait peu de détour dans son avis : toucher à ces dispositions serait, en l’état, une mauvaise idée. L’article en question pose en effet un principe important dans l’activité douanière : le secret professionnel, sanctionné pénalement, pour tous les agents des douanes et ceux qui les aident à appliquer la règlementation.

Un principe qui comporte tout de même des dérogations, notamment en matière de statistique. La Direction régionale des douanes de la Polynésie française a par exemple passé des accords avec l’ISPF pour lui transmettre régulièrement, mais suivant des règles très strictes, des données qui lui permettent prendre le pouls de l’activité économique du fenua. Si le gouvernement ne définit pas précisément le pourquoi de sa demande d’avis à l’APC, il semble chercher à affiner ces statistiques économiques, pour orienter certaines politiques publiques, ou élargir leur diffusion.

Trop de transparence tue la concurrence

Et c’est là que l’Autorité grince des dents. Dans une « petite économie insulaire » comme la Polynésie, marquée par « une concentration importante des entreprises actives dans un secteur donné et un nombre restreint d’opérateurs (oligopoles) », une précision trop importante des statistiques pourrait permettre d’isoler les données douanières de certaines entreprises. Le risque, c’est une possibilité de « réindividualisation » de ces données, ce qui conférerait à certains acteurs du marché trop d’informations sur leurs concurrents. Et donc « supprimer l’incertitude des politiques commerciales » qui participe au jeu économique normal. Bref trop de transparence tue la concurrence.

La mise en garde va plus loin : « la protection du secret des affaires, et plus généralement le droit à la vie privée » ont une « valeur constitutionnelle », rappelle l’APC. Qui juge donc « inenvisageable » une « suppression pure et simple du secret professionnel des agents douaniers ». Et estime « inopportun » un assouplissement des conditions de diffusion des statistiques douanières ». Le cadre local inviterait plutôt au « durcissement des conditions de diffusion plutôt qu’un assouplissement de ces dernières à des niveaux inférieurs à la France métropolitaine ».

Mieux diffuser les données douanière… à l’APC

L’Autorité, présidée par Johanne Peyre depuis 2021, prévient au passage que tout organisme, ISPF compris, qui diffuserait des informations permettant « une ré-individualisation des données de marché », pourrait « être considéré comme un facilitateur, certes tiers, dans le cadre d’une entente ». Et pourrait ainsi être « lourdement sanctionné ». Comme si ça ne suffisait pas à décourager le Pays, l’avis émet des « interrogations » sur sa compétence sur cette question de secret douanier, la direction régionale dépendant à la fois de la Polynésie et de l’État.

L’avis concède tout de même quelques ouvertures à des modifications de la règlementation. Notamment pour inclure sur la liste des organismes publics autorisés à recevoir les données statistiques détaillées l’APC elle-même. Il s’agirait de « faciliter et éclairer ses travaux », « étant précisé que ses agents sont soumis au secret professionnel, à l’instar de ceux des douanes et de l’ISPF ». L’autorité estime aussi qu’il est « envisageable » de déroger « dans certains cas » aux règles de diffusion prévues par l’accord signé entre la Direction des douanes et l’ISPF. Mais seulement par la création d’un comité du secret statistique et douanier en Polynésie française, qui autoriserait la diffusion de certaines données hors cadre au cas par cas, et lorsque l’intérêt statistique est établi.