ACTUS LOCALESÉCONOMIE L’Autorité polynésienne de la concurrence bientôt gendarme de l’énergie Caroline Perdrix 2024-12-08 08 Déc 2024 Caroline Perdrix L’assemblée de la Polynésie examinera en ce début de semaine, outre les nouvelles lois fiscales et le budget du Pays, un projet de loi sur la régulation sectorielle en matière d’énergie. Il s’agit de séparer les missions du Pays, autorité concédante qui est aussi actionnaire d’entreprises du secteur, et la mission de régulation qui sera transférée à l’Autorité polynésienne de la concurrence, sans tenir compte de l’avis défavorable rendu par le Cesec en juin dernier. La mission d’audit comptable des délégataires de service public dans le secteur de l’énergie va être transférée à l’Autorité polynésienne de la concurrence. C’est en résumé la teneur du projet de loi du Pays modifiant le code de l’Énergie et le code de la Concurrence qui sera soumis à l’approbation l’assemblée de Polynésie lors de la séance de ce lundi, qui risque d’être étalée sur plusieurs jours vu le programme chargé. Le Pays, qui définit la politique en matière d’énergie, concède les délégations de service public et régule le secteur, tout en étant actionnaire de plusieurs entreprises (TEP et Marama Nui), est ainsi amené à défendre des intérêts potentiellement contradictoires. Et l’idée de séparer ces multiples casquettes n’est pas neuve : elle avait été introduite dans le cadre du plan de transition énergétique 2015-2030, et appuyée par un rapport de la CTC en 2023 sur la politique de l’énergie du Pays. Annoncé en avril dernier en conseil des ministres, le projet de loi du Pays arrive finalement à Tarahoi sans modification notable, après un avis défavorable rendu en juin par le Cesec, pour qui le pouvoir de régulation donné à l’APC est trop peu étendu, notamment parce que la régulation des hydrocarbures reste du ressort du Pays. En matière d’énergie, le Pays va donc conserver la définition des politiques publiques, la compétence normative, la fixation des tarifs, la gestion de la péréquation, la délivrance des autorisations d’exploitation des unités de production et sa compétence pour la concession de Tahiti-Nord. Une autorité « non soumise aux alternances politiques » Mais créer une nouvelle autorité administrative indépendante pour ce seul secteur ne serait pas justifié au regard de la taille du marché, estime le Pays. C’est donc à l’APC, autorité indépendante « non soumise aux alternances politiques », que la régulation du secteur de l’énergie va revenir, explique l’exposé des motifs, qui affirme que l’Autorité est dotée « des attributs nécessaires à un régulateur efficace : pouvoir coercitif, expérience dans le règlement des différends, expertise financière et comptable, etc. » Il est également vrai que l’administration en charge, la Direction polynésienne des énergies, est déplumée, notamment par le départ de sa juriste devenue conseiller technique au ministère de l’Économie et des finances, et que « un seul agent de la DPE assure la mission de régulation, à temps plein, avec l’appui de prestataires extérieurs, ce qui se révèle insuffisant. » Un nouveau service de l’APC chargé des audits comptables des délégataires de service public Pour ce qui concerne l’APC, il s’agira donc essentiellement d’assurer les audits comptables des délégataires de service public, grâce à un service d’instruction distinct. Ce qui fait dire à certains que la montagne accouche d’une souris. Le projet de loi prévoit également les ressources humaines nécessaires à la tâche : un poste supplémentaire de vice-président non permanent est créé au sein du collège de l’APC, et deux postes au sein du nouveau service d’instruction « régulation » – un rapporteur général et un rapporteur. En prenant soin de préciser qu’ils seront, en tout cas partiellement, financés par le transfert de la redevance payée par EDT au Pays au titre de l’activité de contrôle, et qui était jusqu’ici versée à la Direction des énergies, soit un peu moins de 9 millions de Fcfp par an. Enfin, le projet de loi prévoit des conventions renforcées avec la Commission de régulation de l’énergie (CRE) de métropole, notamment pour la montée en compétences spécifiques du service dédié de l’APC. Ce qui devrait rassurer les auteurs de l’avis défavorable du Cesec, qui avaient des « doutes sur les capacités techniques » de l’APC, mais qui s’opposait aussi au projet de loi, au motif qu’il serait impossible de trouver des candidats locaux à ces postes. Reste à voir si cette ébauche de séparation des pouvoirs ne pourrait pas également être appliquée à d’autres secteurs dans lesquels le Pays est aussi juge et partie, comme par exemple les télécommunications. Cliquez pour partager sur Facebook(ouvre dans une nouvelle fenêtre)Cliquez pour partager sur Twitter(ouvre dans une nouvelle fenêtre)Cliquez pour partager sur LinkedIn(ouvre dans une nouvelle fenêtre)Cliquer pour imprimer(ouvre dans une nouvelle fenêtre)