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Le Aito Nui II, qui a « heurté une patate » à Hitiaa, devrait être remplacé

Le Aito Nui II lors de son opération à Hitiaa, au cours de laquelle il a touché un récif, causant une immobilisation d’au moins 6 mois.

Après deux semaines d’interrogations du monde économique, le Port autonome s’est officiellement exprimé sur le sort du Aito Nui II. Le remorqueur, dont l’absence empêche de recevoir les plus gros cargos à Papeete, n’a pas encore été expertisé, mais il devrait être immobilisé « au moins 6 mois » après avoir heurté un haut-fond à Hitia. L’enquête est en cours, et le port recherche des « responsabilités humaines » dans cet accident. Dans le même temps, l’établissement est en discussion pour louer un des remorqueurs de Koniambo Nickel, en Nouvelle-Calédonie, qui pourrait arriver d’ici la mi-novembre.

Vingt-huit mètres de long, soixante tonnes de poussée et une absence très remarquée. Depuis maintenant deux semaines, le monde économique polynésien s’inquiète de l’immobilisation du Aito Nui II, un des deux remorqueurs du Port autonome. Plus récent et plus puissant que le Aito Nui, vieux de 22 ans, ce navire est – comme certains l’ont découvert avec stupéfaction – indispensable à la manœuvre des plus gros porte-conteneurs qui desservent Papeete, dans une rade marquée par une passe étroite et des courants latéraux à surveiller.

Le 4 octobre, le Cap Jervis et ses 264 mètres avaient réussi à se mettre à quai et décharger ses 300 conteneurs, mais seulement après avoir patienté trois jours au large. Le temps pour le port autonome de faire valider par la marine et par les assurances l’utilisation du Maroa et du Manini, deux remorqueurs militaires de plus faible poussée qui sont parvenus, avec le Aito Nui I, à réaliser la manœuvre. Une configuration qui ne permettra pas, en revanche, de faire rentrer le Seattle Express, cargo de 294 mètres prévu le 16 octobre, où le Mate et ses 228 mètres, programmés début novembre. Les agents maritimes, devant le risque que ces navires ne puissent pas décharger, ont décidé de laisser leur cargaison, dont certaines « boites » réfrigérées, dans les ports néo-zélandais. Comme Radio1 l’écrivait vendredi, la CMA-CGM, plus important transporteur international de Polynésie, a annoncé à ses clients l’affrètement d’un navire supplémentaire, plus petit, qui doit rejoindre Papeete le 6 novembre. Le Sofrana Surville et ses 143 mètres devraient être en mesure de charger l’essentiel du fret en souffrance dans les ports kiwi.

Le remorqueur de l’Usine du Nord calédonienne d’ici un mois et demi ? 

Mais cette solution privée ne règle pas le problème de fond, d’autant plus inquiétant pour le Medef, qui a écrit deux courriers coup sur coup à la présidence, que le Port autonome reste discret, sinon muet, sur la situation. Du moins jusqu’à ce lundi matin. Le directeur de l’établissement public Jean-Paul Le Caill, a détaillé l’affaire par le menu, en commençant par les mauvaises nouvelles : le Aito Nui II devrait être indisponible pour « au moins 6 mois ». Une estimation « au vu des premiers constats », et en attendant une réelle expertise, qui sera menée à sec à partir du 6 novembre prochain. Le temps de trouver une place au dock flottant – la Marine nationale y a mis du sien – et de faire venir des spécialistes étrangers, notamment depuis l’Australie. « On n’est pas à l’abri d’une bonne surprise », prévient le responsable. Mais pas d’une mauvaise non plus : l’immobilisation du remorqueur, quoiqu’il arrive, devrait durer.

La bonne nouvelle, en revanche, c’est que le port est sur une piste de remplacement temporaire. Après des contacts infructueux avec l’Australie – qui « vend des remorqueurs, mais ne cherche pas à louer » – et avec la Province Sud de la Nouvelle-Calédonie, c’est au Nord du Caillou qu’un bateau disponible a été identifié.  « Nous avons saisi l’Usine du Nord, et Koniambo Nickel, qui a deux remorqueurs qu’ils n’utilisent pas parce que l’usine a été mise en sommeil, reprend Jean-Paul Le Caill. Ils sont prêts à nous louer un remorqueur sur six mois et on est en train de voir avec eux les conditions de cette mise à disposition. Le temps de boucler le dossier administratif et de faire venir le bateau, il faut un mois et demi. Donc mi-novembre, il devrait pouvoir être là ». 

Le bateau en question est un remorqueur « de la même classe » – et donc sensiblement du même âge – que le Aito Nui et ses 40 tonnes de poussée. « Suffisant », avec le concours de ce même Aito Nui, pour opérer tous les bateaux de passage à Papeete, précisent les responsables du port.

Accident d’Hitiaa : les ordinateurs de bord en cours d’analyse

En attendant cette arrivée  – Jean-Paul Le Caill semble confiant de sa concrétisation, puisqu’aucune autre piste n’est pour l’instant évoquée – et en attendant les expertises sur le bateau, l’établissement public mène son enquête sur l’avarie du Aito Nui II. Car ce n’est pas une panne ou un « défaut de maintenance » qu’a subi le fleuron des remorqueurs tahitiens, acheté en 2017 pour la coquette somme de 800 millions de francs. Le navire a « heurté une patate », ou plutôt un « haut-fond » comme on dit sous d’autres latitudes, à une cinquantaine de mètres du récif de Hitiaa dans cette zone pas réputée complexe pour les manœuvres.

Si le remorqueur était sur la côte Est c’était pour escorter un gazier, l’Epic Saint-Vincent, venu effectuer la tout première livraison de butane de Mana Ito, filiale du groupe Moux qui s’apprête à commercialiser ses bonbonnes sous la marque Managaz. Une mission de plus de 8 heures, « avec deux capitaines à bord » qui se relaient suivant un système de quarts, précise Jean-Paul Le Caill. Après avoir pris connaissance des comptes-rendus de l’équipage – visiblement un peu trop légers sur l’accident – le directeur du port a fait relever et analyser les ordinateurs du remorqueur. Une expertise, en cours, devrait donner des résultats dans la semaine. La direction du port « veut savoir ce qu’il s’est passé », et n’hésite pas à parler, dès à présent des éventuelles « responsabilités humaines » à mettre en jeu.

Le Medef, dans sa dernière lettre à la présidence, s’était plutôt intéressé à la responsabilité du port autonome dans cette situation. L’organisation patronale s’interrogeait notamment sur l’absence « d’alternatives » déjà disponibles pour l’établissement en cas de panne de ses remorqueurs, pour assurer la continuité de l’approvisionnement du Pays. Sur ce point comme sur d’autres, Jean-Paul Le Caill assume : en 60 ans, le port n’avait « jamais manqué de remorqueur », même quand il fonctionnait, jusqu’en 2017, avec deux petits bateaux très âgés en plus du Aito Nui. Quant à l’idée de faire l’acquisition d’un troisième remorqueur pour éviter qu’une telle situation ne se reproduise, le directeur général semble l’écarter : trois remorqueurs, c’est trois équipages, des coûts d’approche du port de Papeete qui pourraient grimper… Bref, ça n’est « pas dans l’air du temps ».

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