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Le câble Chili-Polynésie prend l’eau

câble sous-marin © DR

Le Chili posera bien un câble transpacifique, mais il ne passera pas par Tahiti. C’est en tout cas ce que suggèrent les annonces faites dans la presse chilienne ce week-end. Santiago, qui réfléchissait un temps à une connexion vers la Chine, aurait finalement opté pour l’Australie, avec comme seule étape la Nouvelle-Zélande. Les discussions entre les autorités chiliennes, la Polynésie et l’OPT n’ont pourtant pas, pour l’heure, été officiellement coupées. 

Le Chili a choisi l’Australie et la Nouvelle-Zélande comme points d’accroche de son câble transpacifique. C’est ce qu’annonce El Mercurio, journal de référence de Santiago, dans son édition de dimanche. Une nouvelle qui, si elle était confirmée, constituerait une réelle désillusion pour les autorités polynésiennes. Le Pays et l’OPT sont en effet en discussions officielles avec l’état sud-américain depuis la fin 2018, pour inscrire Tahiti sur le tracé de ce câble, qui devait à l’origine rejoindre l’Amérique du Sud à l’Asie. Le Chili, bien décidé à devenir un « hub » entre son continent et l’Ouest du Pacifique, avait évoqué plusieurs tracés possibles par le passé. Tokyo, et surtout Shanghai, semblaient longtemps avoir la faveur des autorités comme extrémité Ouest du câble. Et Tahiti et l’île de Pâques comme point de passage. Mais des considérations économiques et diplomatiques auraient joué.

Les tensions entre la Chine et les États-Unis pèsent sur le projet

D’après El Mercurio, les États-Unis, en guerre ouverte contre l’expansion de l’influence chinoise dans le monde, ont mis en garde le Chili contre une liaison avec Shanghai. Le sujet aurait même été évoqué directement par le secrétaire d’État américain Mike Pompeo lors d’une visite à Santiago l’année dernière. Pékin n’est pas restée en dehors du match. La compagnie Huawei, régulièrement qualifiée « d’outil d’espionnage chinois » par Washington, a montré beaucoup d’intérêt dans cette liaison. Et avait même réalisé une pré-étude de faisabilité en 2017. Un passage par Tahiti faisait alors partie des options considérées. Le ministère chilien des Transports et Télécommunication se serait toutefois appuyé sur une autre étude, plus poussée et commandée en septembre dernier à un prestataire privé, pour prendre sa décision.

Une connexion avec l’Australie, « hub numérique de l’Océanie » et déjà reliée par plusieurs câbles à l’Asie, est considérée comme « la solution la plus rentable ». La pointe Nord de la Nouvelle-Zélande se retrouve logiquement sur le tracé pour un distance totale de plus 13 000 kilomètres, a priori sans étape, d’après la presse chilienne. Là encore, un détour par Tahiti n’est pas impossible : il présenterait même des avantages techniques (point d’alimentation) et permettrait au passage de relier l’île de Pâques. Mais il rajouterait au bas mot 2 000 kilomètres à ce parcours. Cette possibilité n’a visiblement pas été évoquée lors de l’annonce faites par les autorités chilienne. Le média kiwi Stuff.co.nz croit savoir que le tracé pourrait être très méridional. Il évoque une liaison directe entre Valparaiso – la principale ville côtière du Chili – et Invercargill – à la pointe Sud de Aotearoa. Cette option, semble-t-il attirante pour les autorités néo-zélandaises, serait portée par Rémi Galasso. Déjà à l’origine du dernier câble transpacifique, Hawaiki, auquel Tahiti devrait se relier via Manatua, l’homme d’affaire calédonien serait aujourd’hui « en discussion » avec Subtel, l’autorités chilienne des télécommunications.

La connexion des Gambier remise en cause

Le projet de câble entre le Chili et Tahiti n’en est pas à sa première contrariété. L’idée a été mise sur la table peu de temps après la mise en service du premier câble sous-marin polynésien Honotua, qui nous relie à Hawaii depuis 2010. L’objectif premier du projet – « sécuriser la  connexion internet » du fenua – a depuis été rempli par le câble Manatua, récemment posé vers les Samoa. Mais certains élus et entrepreneurs estiment depuis longtemps que cet autre câble serait intéressant du point de vue économique, en plaçant Tahiti au centre des communications entre l’Asie et les Amériques. Le CESC avait d’ailleurs rappelé son attachement au projet lors de l’analyse du schéma directeur d’aménagement numérique en 2017.

L’idée avait repris corps fin 2018, après une prise de contact du Chili avec l’OPT et le Pays. L’idée de ce câble avait par la suite été discutée à Paris, puis à Santiago, en septembre 2019, où Édouard Fritch s’était lui-même rendu pour faire avancer le projet. « Intéressé », entre autres à cause des besoins de Rapa Nui, qui ne peut aujourd’hui compter que sur la connexion satellitaire, le président Sebastian Piñera n’avait alors pris aucun engagement. Mais côté polynésien, le dossier a continué d’être porté. Et pour cause : la connexion devait permettre de mieux rentabiliser les liaisons internationales déjà établies, en faisant transiter du débit vers les États-Unis sur Honotua et vers les Samoa via Manatua. Comme le rappelait récemment le P-dg de l’OPT Jean-François Martin, le tracé présentait aussi l’avantage de permettre un raccordement de l’île de Rikitea, et donc des Gambier, dernier archipel du fenua non câblé.

Informés par la presse de ce qui pourrait être une rupture des discussions, l’OPT et le Pays ont pris contact ce lundi, avec les autorités chiliennes, via les canaux diplomatiques français, afin d’obtenir des précisions.

Infographie publiée par le journal El Mercurio dimanche. Une « branche » vers Rapa Nui est évoquée, mais nécessiterait un câble de près de 2 500 kilomètres supplémentaires. @D.R.