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Le cargo Pahi Fano veut mettre les voiles entre Saint-Malo et Papeete

 

On verra peut-être le Pahi Fano au port de Papeete en 2027. Ce bateau, aujourd’hui juste un projet, sera un petit bijou de technologie, avec ses oceanwings, voiles qui reprennent le principe des ailes d’avion, et ses trois moteurs électriques. L’idée de la société française, Eco Trans Océan, basée à Saint-Malo, est de faire la route à la voile entre le port breton et Tahiti, pour transporter du fret et quelques passagers dans une démarche bas carbone.

Saint-Malo – Papeete, environ 17 200 kilomètres à la voile, pour transporter 1 600 tonnes de fret et six ou huit passagers. C’est le projet d’Ambroise Seiffert et de Richard Boutet, un capitaine et un second. Deux Bretons, passionnés par la mer, qui ont cette idée un peu folle de vouloir proposer du fret maritime décarboné, avec un bateau un peu spécial. Le Pahi Fano aura une motorisation hybride avec trois moteurs – à hydrogène, électricité ou biocarburant, le choix n’est pas encore fait – suppléés par des voiles particulièrement performantes. Tellement performantes d’ailleurs que les fondateurs espèrent inverser les choses et passer d’une propulsion principale à voile aidée par des moteurs.

Ces fameuses voiles, ce sont des oceanwings. « Ce sont des voiles qui sont faites sur le principe d’une aile d’avion. Sauf que les ailes d’avion, c’est à l’horizontale, et les oceanwings du Pahi Fano seront mises à la verticale. Et ça fonctionne de la même manière, il y a un volet, et ça permet d’être très efficace comparé à un système de propulsion (des voiles classiques, ndlr) qui ferait la même surface. Elles sont quasiment deux fois plus efficaces », explique Ambroise Seiffert.

Les voiles restent en textile, avec une armature renforcée. Un petit bijou technologique conçu par l’architecte naval VPLP, qui a déjà dessiné le très ressemblant – mais beaucoup plus imposant – Canopée, cargo à voile qui opère depuis 2023 entre l’Europe et la Guyane, notamment pour transporter des éléments de la fusée Ariane 6. Ludovic Gérard d’Alwena Shipping, que Moetai Brotherson était allé « consulter » sur la desserte internationale de la Polynésie en janvier dernier, a aussi participé au projet, de même que Lise Detrimont de l’association Windship qui promeut la propulsion vélique.

L’idée aussi est de naviguer intelligemment, c’est-à-dire en utilisant les dépressions, les courants… et en optimisant le cap. Et Ambroise Seiffert sait que c’est possible car pendant la crise du Covid, il a rejoint la Polynésie française depuis l’Indonésie, en bateau à propulsion thermique, avec un seul objectif : utiliser le moins d’essence possible, comme le ravitaillement était compliqué. « On a constaté qu’en choisissant bien sa route, en jouant avec la météo… Il y a des façons de faire qui permettent d’utiliser moins d’essence, et finalement c’est possible puisqu’on a économisé 30% de carburant alors qu’on était contre les vents et les courants. »

Le navire Canopée, qui effectue des trajets vers la Guyane a lui aussi été conçu par VPLP et utilise également des oceanwings conçues par la société Ayro. ©D.R.

Saint-Malo – Papeete – Saint-Malo : six semaines aller et six semaines retour

Départ donc de Saint-Malo, où est actuellement basée leur société d’armement Eco Trans Océan, direction Papeete, en passant par Pointe-à-Pitre et le canal de Panama. Et retour bien sûr. Selon les calculs des fondateurs, l’aller comme le retour prendront six semaines, alors que les porte-conteneurs mettent environ quatre semaines à l’aller mais sept à huit au retour. Une différence qui s’explique : « On a une différence de temps qui est très courte, pour une simple et bonne raison, c’est qu’on fait une ligne directe, ou quasiment directe, on ne fait pas 3, 4, 5, ou 8 escales. On ne va pas dans des ports où le trafic est très intense. On a plus de chances d’arriver et de sortir assez rapidement, d’avoir des escales assez courtes. Et d’avoir aussi des créneaux de manutention qui sont plus accessibles que dans un port comme Le Havre où c’est vraiment non-stop mais où au final tout prend du temps parce qu’il y a des grands navires et beaucoup de marchandises à décharger et à charger. »

« Des prix plus chers mais plus stables »

Ce navire de 80 mètres pourra transporter, quatre fois par an, jusqu’à 1 600 tonnes de fret à chaque voyage. Quelles marchandises exactement ? Rien encore n’est encore arrêté, des partenariats sont en discussion. Pour Ambroise Seiffert, les entreprises clientes ou partenaires pourraient ainsi « obtenir un label bas carbone, offrir aux mécènes ou aux sponsors une image valorisante et de proposer aux territoires et ports desservis un projet concret d’économie bleue ». Le coût du bateau est estimé à 32 millions d’euros (près de 4 milliards de francs). Et après les calculs, l’entreprise croit en la rentabilité du projet, en pariant avant tout sur la taxation croissante des énergies thermiques, au contraire des énergies vertes : « Un transport comme le nôtre, même s’il est peut-être un peu plus cher, au final les prix vont être aussi beaucoup plus stables parce qu’il n’y a pas de facteur d’ajustement par rapport aux combustibles utilisés sur les navires. Plus les cours de l’énergie montent, plus le prix du transport monte. Puis on est en train de mettre des taxes un peu dans tous les sens, donc moins on va consommer de carbone, plus on va être vert. Moins, on sera assujettis à ces taxes aussi. »

Aujourd’hui le Pahi Fano reste un projet. Suivant le calendrier, les études de faisabilité devraient se terminer cette année, l’appel d’offres pour la recherche de chantier est prévu l’année prochaine et la construction du bateau en 2026. Les premières annonces parlaient d’une construction en 2025 et d’un lancement en 2026 mais le projet a pris du retard : « La recherche de financements prend du temps car ça mobilise des moyens importants », précise Ambroise Seiffert. Choisir la Polynésie comme destination finale ne doit pas simplifier les choses mais en tant que marin et familier de Tahiti pour y avoir passé une année, il a une idée du potentiel de cette « porte d’entrée sur le Pacifique » et voulait rapprocher les Bretons des Tahitiens, deux peuples aux liens forts avec la mer.

Eco Trans Océan espère bien monter une filiale localement pour avoir un ancrage en Polynésie, embarquer des marins polynésiens sur ce bateau moderne qui a besoin de dix membres d’équipage pour naviguer et, pourquoi pas, séduire aussi des scientifiques ou des artistes qui pourraient être du voyage : « Par la mer, c’est un peu plus long, c’est une belle source d’inspiration pour créer différemment. »

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