Mexico (AFP) – Le regard plein de morgue et le sourire moqueur, l’Américain Sam Adonis descend la passerelle illuminée du temple de la « lucha libre » à Mexico.
Son arrogance déclenche aussitôt des huées dans le public, ainsi que des pouces baissés, voire quelques obscénités.
Comme encouragé par ces cris réprobateurs, Sam se pavane devant la foule, tout en agitant un drapeau américain sur lequel a été imprimé le visage de l’actuel « ennemi public numéro un » du Mexique: le président américain Donald Trump.
« Le représentant des Etats-Unis est arrivé, fidèle soutien de ses politiques. Il vient parmi vous: Sam Adonis! », clame au micro le présentateur, déclenchant aussitôt la bronca du public venu assister à une soirée de lutte mexicaine, un spectacle plus proche du catch que d’une discipline sportive.
Blond, musclé, mesurant près de deux mètres, ce jeune homme de 27 ans venu de Pennsylvanie s’emploie à incarner sur le ring l’attitude menaçante et méprisante de Trump à l’égard du Mexique.
« Je suis sûr que Donald Trump a entendu parler de moi. J’aimerais beaucoup le connaître, prendre une photo avec lui et soutenir mon président », confiait Sam à l’AFP, quelques minutes avant d’entrer en scène avec son drapeau.
– Mèche blonde à la Trump –
La provocation provoque les effets escomptés. La foule hurle, le niveau sonore grimpe, tandis qu’un homme bondit de son siège, devant sa femme et ses deux jeunes enfants, pour hurler en anglais: « Get the fuck off, motherfucker! » (« Va te faire f…, fils de p… »).
C’est peut-être « une façon de se défouler, d’exprimer la frustration de ce que vivent les Mexicains de l’autre côté de la frontière », commente à l’AFP Victor Hugo Guillen, 48 ans, quelques instants après avoir exprimé ainsi sa colère.
La seule présence de Sam dans le temple mexicain de la « lucha libre », la Arena Mexico, est déjà une offense pour beaucoup. Ici les Mexicains viennent assister à un rituel cathartique où le chauvinisme national s’exprime sans contrainte.
Et Adonis sait très bien amener les émotions de la foule à leur limite, connaissant sur le bout des doigts son business.
Fils d’un promoteur de catch et petit frère d’un ancien catcheur devenu un des animateurs de la World Wrestling Entertainment (WWE), Sam a toujours vu son destin sur le ring. « Il n’y a jamais eu d’autre option dans ma vie que d’être un catcheur », dit-il.
Dans les vestiaires, avant son combat parmi l’équipe des « rudos », surnom des méchants dans la lutte mexicaine, Sam démontre ses qualités de comédien.
Il parle avec aisance devant les caméras, tandis qu’il prépare sa tenue qui inclut un masque -accessoire traditionnel des lutteurs mexicains-, surmonté dans son cas d’une longue mèche blonde en hommage à l’improbable coiffure du président Trump.
– « Je respecte Trump à 100% » –
Le magnat de l’immobilier a déclenché une grave crise diplomatique en lançant son projet de mur à la frontière mexicaine et en mettant en pratique une politique migratoire agressive à l’égard des migrants illégaux, dont la plupart sont mexicains.
M. Trump a également menacé de ponctionner les sommes envoyées à leurs familles par les Mexicains vivants aux Etats-Unis et de taxer les produits importés du Mexique.
« Je le respecte à 100%, je crois que ce qu’il fait est bien et que c’est une bouffée d’air frais pour le peuple américain », commente Sam, qui compare le président américain Trump à un « rudo » comme lui, un mauvais type qui se moque de ce que les autres pensent et fait ce que bon lui semble.
Et cette philosophie s’applique pour lui à la perfection sur le ring, le public le conspuant bruyamment à chaque coup porté à ses adversaires.
Mais Sam est compréhensif avec les excès, sachant qu' »être parmi les méchants », c’est la meilleure façon de donner un bon spectacle et faire plaisir au public.
« J’aimerais être l’agresseur qui fait que les Mexicains s’unissent et qu’ils disent: unissons-nous, prenons cet orgueil mexicain, soyons plus forts ensemble et combattons ce mal. Cela donne toujours aux gens un sentiment d’espérance », conclut-il.
© AFP YURI CORTEZ
Le catcheur américain Sam Adonis, le 5 mars 2017 à Mexico