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Le Cesec défavorable à la régulation par l’APC du secteur de l’énergie

Le Pays veut transférer une partie de ses missions de régulation du secteur de l’énergie, celles concernant l’électricité et le gaz, à l’Autorité polynésienne de la concurrence. Un projet « incohérent et incompréhensible » pour le Cesec, qui n’a même pas pu auditionner l’APC sur la question. Un avis défavorable unanime a été voté ce matin.

« Nous ne prononçons pas souvent d’avis défavorables, mais nous ne pouvons pas faire autrement : l’incompréhension est totale », résume le président de la Commission économie Jean-François Benhamza. L’épilogue d’un vote unanime mercredi matin au Cesec, défavorable à un projet de loi du Pays relatif à la régulation sectorielle en matière d’énergie. L’idée était revenue sur la table du conseil des ministres, fin avril dernier : transmettre une partie des missions du Pays, concernant la régulation du secteur, à l’Autorité polynésienne de la concurrence (APC).

En Métropole, cette charge revient à une autorité administrative indépendante (AAI), la Commission de régulation de l’énergie (CRE), chargé de garantir la stabilité des marchés de l’électricité et du gaz, et de contrôler l’introduction de la concurrence, au bénéfice du consommateur. Au fenua, seul un agent de la Direction de l’énergie s’occupe de cette mission à temps plein, alors que le Pays est déjà chargé de la politique énergétique, de l’attribution des délégations de service public (DSP) de transport et de distribution d’électricité, et de sa participation dans certaines entreprises du secteur comme l’EDT ou la TEP. L’exécutif justifie donc son projet de loi par « les difficultés rencontrées par la Polynésie française » et la nécessité de confier certaines missions régulatoires à une autorité indépendante plus efficace. Un besoin qui ne date pas d’hier, déjà exprimé dès la mise en place du plan de transition énergétique 2015-2030. Ce projet concerne donc les activités de régulation pour l’électricité et le gaz, mais pas pour les hydrocarbures, que le Pays souhaite conserver pour des raisons liées à la politique tarifaire. Si elle est adoptée, la loi entrera en vigueur le 1er février 2025.

C’est là qu’intervient l’APC. Car plutôt que de créer une nouvelle AAI, « pas pertinente d’un point de vue financier et humain », le Pays souhaite transférer ces missions à une structure déjà existante, en y créant des postes supplémentaires. Le projet en prévoit un de « vice-président non-permanent au sein du collège de l’APC » et « au moins deux rapporteurs » au sein d’un nouveau service d’instruction régulation. Ces ressources humaines seraient financées par la redevance de 8 millions actuellement perçue par la DPE au titre de son activité actuelle.

« Ça n’est pas forcément son rôle »

Et c’est là toute la source de l’incompréhension du Cesec. Le transfert de compétences, c’est oui. Mais séparer le secteur des hydrocarbures de celui de l’électricité, c’est « difficile ». Et surtout, pas pour le transférer à l’Autorité polynésienne de la concurrence, « au regard des nombreuses interrogations et problématiques qu’il suscite sur le plan organisationnel, financier et des capacités techniques de l’APC ». « Nous n’avons pas de doute sur la compétence technique de l’APC en matière de concurrence. Mais en matière d’énergie, ça n’est pas forcément son rôle… Dans ces cas-là pourquoi en pas lui donner les communications ou le commerce ? » demande Patrick Galenon, le co-rapporteur du texte avec Mere Trouillet.

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Les postes évoqués ? Jugés trop chers et surtout difficiles à trouver en local. Et des conflits « pouvant fragiliser sur le plan juridique les décisions prises » pourraient intervenir sur des dossiers nécessitant aussi bien un traitement en matière de concurrence qu’en matière de régulation. « Ça devient juge et partie », estime Patrick Galenon. Le Cesec fustige ainsi des risques d’interférences entre les différentes compétences de l’APC, et regrette bien de ne pas avoir pu auditionner ladite autorité au sujet de ce texte. « Ils ont aussi été saisis sur ce projet de loi du Pays, en même temps », regrette le syndicaliste.

Le Cesec préconise plutôt de passer des conventions avec la CRE, « en matière de règlement des différents et de sanctions, ainsi que pour la régulation du secteur de l’énergie ». Ce que le Pays prévoit déjà dans son texte, mais uniquement pour « un appui en expertise technique » et « si nécessaire ». L’institution insiste surtout sur la nécessite d’accéder au dispositif de la CSPE (contribution au service public de l’électricité), un système de péréquation tarifaire avec la Métropole.« Pour l’institution, « l’efficacité économique doit demeurer le principal objectif d’une politique de régulation sectorielle. Il s’agit de s’assurer que les intérêts des consommateurs soient préservés, tout en mettant en place les conditions pour la croissance et l’innovation dans le secteur dont il a la charge. »