Le Cesec a rendu un avis « réservé » sur le projet de loi du Pays qui prévoit de financer des accès aux terres agricoles et des aménagements. Parmi les objections au texte, le fait que les voies d’accès créées grâce aux fonds publics restent privées et fermées à la population.
Le gouvernement, à la poursuite de la souveraineté alimentaire, entend « remédier aux insuffisances des actuels dispositifs » et soutenir financièrement la desserte et l’aménagement d’assises financières privées destinées à l’exploitation agricole. Le dernier texte en la matière, datant de 2017, laisse à la charge des bénéficiaires 30 à 50% des dépenses nécessaires à l’accessibilité de leurs terres. Trop peu pour beaucoup de propriétaires, souvent en situation d’indivision « avec peu de ressources monétaires », dit le Pays. Et le plafond de 25 millions de Fcfp « ne permet pas d’aider les projets d’une certaine importance. » Le nouveau texte définit un plafond de 150 millions par projet.
Le dispositif proposé par le gouvernement est restreint aux terres des « zones agricoles protégées » (ZAP) des communes dotées d’un plan général d’aménagement, pour « éviter tout dévoiement » où le foncier agricole « changerait par la suite de destination ». La Polynésie compte 31 503 hectares de zones agricoles protégées, dont plus de 80% sont localisées aux Marquises.
Si les conseillers saluent l’agriculture, « activité noble » et l’objectif de « souveraineté alimentaire », ils estiment qu’il aurait mieux valu attendre le rendu du recensement agricole pour présenter le texte, et relèvent que le pays n’a avancé ni sur le statut d’agriculteur ni sur la caisse relative aux intempéries et calamités agricoles, qui ne figurent toujours pas dans le plan sectoriel courant jusqu’à 2030.
Le Cesec émet également des doutes sur l’adéquation de cette mesure avec les cas d’indivision les plus complexes, préférant la réserver aux terres divises ou en indivision simple.
Financement 100% public pour une route 100% privée ? Le Cesec n’est pas d’accord
Les conseillers estiment surtout que les contreparties d’une prise en charge intégrale par le Pays ne sont pas assez fortes. Le texte prévoit que les nouvelles voies restent privées, y compris en jouissance, car selon le Pays, « les dispositions actuelles qui prévoient que la voie financée soit ouverte au public sont rédhibitoires pour la majorité des propriétaires qui ne veulent pas rétrocéder une partie de leur terre. »
En outre, « les emprises des voies ne sont nulle part mentionnées, tout comme leur entretien », ce qui pourrait constituer un « risque conséquent » pour la pérennité des activités agricoles créées grâce à ces voies. Le Cesec recommande donc de fixer une durée d’exploitation minimum, par exemple de 10 ou 20 ans, et d’encadrer et de contrôler la part de terres consacrée aux logements autorisés pour les propriétaires et les exploitants.
Enfin, comme toujours, le Cesec regrette que les projets d’arrêtés d’application n’aient pas été joints au dossier, notamment pour ce qui concerne les critères d’attribution.
En conclusion le Conseil économique, social, environnemental et culturel « appelle de ses vœux une approche plus structurée » par la concertation entre différents services du Pays, explique l’un des rapporteurs de l’avis, Marotea Vitrac.