Le Conseil d’État a rendu aujourd’hui sa décision : les majorations de 1000% des droits d’enregistrement sur les transactions immobilières, de 2 000 % sur les cessions de parts de SCI et de 50% sur l’impôt sur les plus-values réalisées par des non résidents ou des résidents de moins de 10 ans, incluses dans la loi 2022-20 du 10 mai 2022, sont annulées.
Attaquée par la Fédération polynésienne des agents immobiliers (FPAIM), par plusieurs particuliers et par le Haut-commissariat, la loi 2022-20 du 10 mai 2022 « portant mesures fiscales en faveur de certaines mutations » se voit amputée des dispositions qui entendaient, pour les personnes non résidentes ou ayant moins de 10 ans de résidence au fenua, augmenter de 1000% les droits d’enregistrement et de publicité foncière des acquisitions immobilières, augmenter de 2000% les taxes sur les cessions de parts sociales de SCI, et augmenter de 50% l’impôt sur les plus-values réalisées. Les conclusions de la rapporteure publique, début octobre, laissaient déjà entrevoir cette issue.
L’entrée en application de la loi avait été reportée au 1er janvier 2023, en attendant cette décision du Conseil d’État ; le gouvernement avait reconnu, par la voix du ministre des Finances Yvonnick Raffin, s’être « trompé de cible ». La fièvre électorale de l’époque expliquant la présentation précipitée de ce texte et son adoption unanime par Tarahoi…
Un mesure « disproportionnée » et sans « relation directe avec l’objectif poursuivi »
Le Conseil d’État rappelle que « le principe constitutionnel d’égalité ne s’oppose ni à ce qu’une « loi du pays » règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu’elle déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, à la condition que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet du texte qui l’établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier. »
Or, dans ce cas, si l’exposé des motifs et les débats devant l’assemblée de la Polynésie française affirmaient que l’accession à la propriété des Polynésiens et résidents de longue date était rendue plus difficile par les acquisitions de non-résidents, « il ne ressort pas des pièces du dossier que les investissements réalisés en ce domaine par des personnes non résidentes ou ayant une durée de résidence de moins de 10 ans seraient à l’origine des difficultés invoquées. Par suite, l’ancienneté de la résidence en Polynésie française n’est pas un critère en relation directe avec l’objectif poursuivi », écrit le Conseil d’État.
Et si l’article 19 de la loi organique permet à la collectivité de prendre des mesures protectrice dans le domaine de la « protection du patrimoine foncier », les mesures fiscales n’en font pas partie, rappelle le Conseil d’État.
Les D, F et I de l’article LP 1er et l’article LP 3 de la loi sont donc annulés.