SPORT « Le côté show-biz fait partie de l’ADN du PSG » Tamara Sentis 2014-10-19 19 Oct 2014 Tamara Sentis C’est difficile à concevoir aujourd’hui, alors qu’il fraie son chemin parmi les grands d’Europe avec les millions de Qatar Sports Investment, mais un jour, le PSG fut un club familial, une « histoire de potes ». Dans un ouvrage paru cette semaine et intitulé Ici, c’est Paris*, le journaliste Thibaud Leplat, qui avait déjà analysé les racines de la rivalité entre le Real Madrid et le FC Barcelone dans un précédent livre, détaille ce qui, selon lui, fait l’identité du PSG, laissant de côté « le fric et la violence », déjà largement traités par ailleurs. En découle un ouvrage, richement illustré, qui ne cède jamais à la facilité et à l’auto-satisfaction, malgré la caution officielle apportée par le club. L’auteur a accepté de jeter un pont entre les différentes époques du PSG. « On a du mal à imaginer qu’à ses débuts, le PSG avait un côté familial… » « Plus qu’une histoire de famille, le PSG est une histoire de potes, de copains du show-biz qui décident de créer leur club de foot, comme on créerait une start-up (né en 1970, le PSG fut scindé en deux en mai 1972 avant d’être repris par Daniel Hechter et ses amis, dont Francis Borelli et Jean-Paul Belmondo, quelques mois plus tard, ndlr). A cette époque, il y a une ambiance dans la gestion quotidienne qui relevait presque de l’amateurisme. Il y avait à peine des installations, à peine un vestiaire. Les premières années, c’était un peu « folklo » mais ça a duré jusque dans les années 1980. Et on peut même dire, jusqu’aux années Canal+. Car il faut dissocier ce qu’est l’image d’un club et sa gestion quotidienne. Depuis le début, Paris, c’est une histoire d’hommes, même pendant les années Canal+ avec (Michel) Denisot et (Pierre) Lescure. Le PSG, pendant presque dix ans, a été un peu la danseuse de Canal, une espèce de chose un peu irrationnelle gérée par une énorme boîte. Il y a toujours eu ce côté « à la bonne franquette », comme avec l’histoire du fameux fax de PSG-Bucarest (les dirigeants avaient ignoré un fax de l’UEFA annonçant la suspension de Laurent Fournier. Le joueur avait disputé le match, que le PSG avait perdu 3-0 sur tapis vert avant de se qualifier au match retour, ndlr). C’est une histoire aberrante mais propre au PSG, une forme d’amateurisme dans la gestion. Jusqu’à récemment, il y a toujours eu au PSG ce côté amateur, mais dans le bon sens du terme. C’était des gens dont le football n’était pas le métier, qui venaient d’un autre domaine et qui s’adonnaient à une passion. » Il y a un homme qui fait le lien entre les générations selon vous, c’est Luis Fernandez. « Luis est là à peu près tout le temps : joueur, entraîneur, commentateur… Il a été formé au club et incarne assez bien ce qu’est le PSG : un club avec une personnalité latine très forte, une espèce de faculté à déborder d’un seul coup. Luis n’était pas un joueur spectaculaire comme a pu l’être Ronaldinho mais c’est un joueur qui, par sa personnalité, structurait complètement le jeu. Fernandez a été sur le terrain ce que Borelli a été dans l’organigramme, quelqu’un qui a imprimé complètement sa personnalité à ce club. Borelli, plus sur le côté institutionnel, famille, amateur, plus encore qu’Hechter et Luis Fernandez plus sur l’aspect football. On l’a vu quand il est revenu sur le banc après Artur Jorge en 1994, où Paris a joué pendant un temps l’un des football les plus beaux de l’histoire. » Parmi les dirigeants récents, on a le sentiment que Leonardo incarne assez bien le PSG… « On sent bien qu’il représente quelque chose à Paris, même s’il n’y a joué qu’un an. Le côté classieux, donneur de leçons, mais aussi brillant, intelligent, beau gosse, ça parle aux Parisiens. Leonardo pour l’aspect institutionnel, et sur le plan sportif, je dirais Zlatan. Il ne parle pas français mais ça ne pose de problème à personne. « Ibra » représente quelque chose à Paris, avec son côté à la fois balkanique (il est d’origine bosnienne, ndlr) et latin. A son arrivée, je pense que les médias ne se rendaient pas compte de l’impact qu’il allait avoir et du phénomène qu’il allait devenir. En l’espace de quatre-cinq mois, il est devenu le patron du PSG. Il y a quelque chose dans la personnalité de « Zlatan », dans son jeu, dans son discours qui parle à l’âme parisienne. Dans les années 1980, le PSG avait des stars et des résultats mais avait du mal à remplir le Parc des Princes. Aujourd’hui, le stade affiche quasi complet à chaque match. Qu’est-ce qui a changé ? « Parce que Paris a fait sa place dans l’univers du football français. A la base, le football en France, c’est plus l’histoire des provinciaux. C’est la revanche de la province sur Paris. Il y a plein de raisons d’être fiers de Paris avant d’en être fiers pour son équipe de football. Ce qui n’a pas changé en revanche, c’est qu’on se plaint toujours de son public : parce qu’il n’est pas assez nombreux, parce qu’il n’encourage pas assez Paris – au début, le Parc encourageait surtout la Province, Saint-Etienne ou Nantes -, puis dans les années Canal+, on s’est plaint qu’il n’y avait qu’un seul kop, puis il y a eu les histoires de rivalités entre tribunes. C’est une obsession parisienne de se regarder en se disant qu’on n’est jamais assez content de ce club-là. C’est inhérent au PSG. Mais c’est parce que c’est le club de Paris. Comment se fait-il qu’un club ait décidé de se mettre la Tour Eiffel sur le plastron et de représenter Paris dans le monde ? C’est quelque chose qu’on a énormément de mal à accepter. » Daniel Hechter ou Canal+ hier, David Beckham ou Jay-Z et Beyoncé dans les tribunes aujourd’hui… Et si le show-biz n’avait jamais quitté le PSG ? « Le côté show-biz fait partie de l’ADN de Paris. Le jour où il n’y aura plus ça, Paris disparaîtra. Le PSG est un club show-biz, un club paillettes, un club spectacle. Mais il faut prendre ça dans le bons sens du terme. C’est-à-dire que Paris n’obéit pas au mêmes exigences que les autres clubs. Paris se doit de produire du spectacle, à la fois sur le terrain et dans les tribunes. Hechter le dit quand il reprend le club. Le budget à l’époque était moindre mais il paraissait déjà faramineux pour une équipe de foot. On disait déjà que les joueurs étaient trop payés. Si ce club a fonctionné et perduré, c’est parce que c’est un club qui veut faire le spectacle. En 1994, l’entraîneur Artur Jorge s’est fait virer alors qu’il est champion de France et demi-finaliste de la Coupe d’Europe. Charles Biétry l’avait dit à l’époque : « il manque un sourire au PSG ». Quand on discute avec les anciens, quand on regarde l’histoire du club, plus les mois passent et plus on se rend compte que le PSG actuel est très fidèle à ce qu’il était. Sauf que là ça prend des proportions plus grandes parce que les investissements sont plus grands mais toutes les choses qu’on reproche au PSG actuellement sont exactement les mêmes qu’on a reprochées à Hechter, à Borelli, à Canal en leurs temps. Avec l’arrivée des nouveaux investisseurs et de grands joueurs, on a retrouvé le Paris « show off », le Paris spectacle. A Paris, il vaut mieux être premier ou dernier que dixième. Il vaut mieux perdre 6-5 qu’1-0. Ça, c’est Paris et ça, ce n’est qu’à Paris. » *Ici, c’est Paris, Thibaud Leplat, Solar Editions, 248 pages, 39 euros, en librairies. >> LIRE AUSSI : Lens-PSG au Stade de France, six ans après Source : Europe1 Cliquez pour partager sur Facebook(ouvre dans une nouvelle fenêtre)Cliquez pour partager sur Twitter(ouvre dans une nouvelle fenêtre)Cliquez pour partager sur LinkedIn(ouvre dans une nouvelle fenêtre)Cliquer pour imprimer(ouvre dans une nouvelle fenêtre)
C’est difficile à concevoir aujourd’hui, alors qu’il fraie son chemin parmi les grands d’Europe avec les millions de Qatar Sports Investment, mais un jour, le PSG fut un club familial, une « histoire de potes ». Dans un ouvrage paru cette semaine et intitulé Ici, c’est Paris*, le journaliste Thibaud Leplat, qui avait déjà analysé les racines de la rivalité entre le Real Madrid et le FC Barcelone dans un précédent livre, détaille ce qui, selon lui, fait l’identité du PSG, laissant de côté « le fric et la violence », déjà largement traités par ailleurs. En découle un ouvrage, richement illustré, qui ne cède jamais à la facilité et à l’auto-satisfaction, malgré la caution officielle apportée par le club. L’auteur a accepté de jeter un pont entre les différentes époques du PSG. « On a du mal à imaginer qu’à ses débuts, le PSG avait un côté familial… » « Plus qu’une histoire de famille, le PSG est une histoire de potes, de copains du show-biz qui décident de créer leur club de foot, comme on créerait une start-up (né en 1970, le PSG fut scindé en deux en mai 1972 avant d’être repris par Daniel Hechter et ses amis, dont Francis Borelli et Jean-Paul Belmondo, quelques mois plus tard, ndlr). A cette époque, il y a une ambiance dans la gestion quotidienne qui relevait presque de l’amateurisme. Il y avait à peine des installations, à peine un vestiaire. Les premières années, c’était un peu « folklo » mais ça a duré jusque dans les années 1980. Et on peut même dire, jusqu’aux années Canal+. Car il faut dissocier ce qu’est l’image d’un club et sa gestion quotidienne. Depuis le début, Paris, c’est une histoire d’hommes, même pendant les années Canal+ avec (Michel) Denisot et (Pierre) Lescure. Le PSG, pendant presque dix ans, a été un peu la danseuse de Canal, une espèce de chose un peu irrationnelle gérée par une énorme boîte. Il y a toujours eu ce côté « à la bonne franquette », comme avec l’histoire du fameux fax de PSG-Bucarest (les dirigeants avaient ignoré un fax de l’UEFA annonçant la suspension de Laurent Fournier. Le joueur avait disputé le match, que le PSG avait perdu 3-0 sur tapis vert avant de se qualifier au match retour, ndlr). C’est une histoire aberrante mais propre au PSG, une forme d’amateurisme dans la gestion. Jusqu’à récemment, il y a toujours eu au PSG ce côté amateur, mais dans le bon sens du terme. C’était des gens dont le football n’était pas le métier, qui venaient d’un autre domaine et qui s’adonnaient à une passion. » Il y a un homme qui fait le lien entre les générations selon vous, c’est Luis Fernandez. « Luis est là à peu près tout le temps : joueur, entraîneur, commentateur… Il a été formé au club et incarne assez bien ce qu’est le PSG : un club avec une personnalité latine très forte, une espèce de faculté à déborder d’un seul coup. Luis n’était pas un joueur spectaculaire comme a pu l’être Ronaldinho mais c’est un joueur qui, par sa personnalité, structurait complètement le jeu. Fernandez a été sur le terrain ce que Borelli a été dans l’organigramme, quelqu’un qui a imprimé complètement sa personnalité à ce club. Borelli, plus sur le côté institutionnel, famille, amateur, plus encore qu’Hechter et Luis Fernandez plus sur l’aspect football. On l’a vu quand il est revenu sur le banc après Artur Jorge en 1994, où Paris a joué pendant un temps l’un des football les plus beaux de l’histoire. » Parmi les dirigeants récents, on a le sentiment que Leonardo incarne assez bien le PSG… « On sent bien qu’il représente quelque chose à Paris, même s’il n’y a joué qu’un an. Le côté classieux, donneur de leçons, mais aussi brillant, intelligent, beau gosse, ça parle aux Parisiens. Leonardo pour l’aspect institutionnel, et sur le plan sportif, je dirais Zlatan. Il ne parle pas français mais ça ne pose de problème à personne. « Ibra » représente quelque chose à Paris, avec son côté à la fois balkanique (il est d’origine bosnienne, ndlr) et latin. A son arrivée, je pense que les médias ne se rendaient pas compte de l’impact qu’il allait avoir et du phénomène qu’il allait devenir. En l’espace de quatre-cinq mois, il est devenu le patron du PSG. Il y a quelque chose dans la personnalité de « Zlatan », dans son jeu, dans son discours qui parle à l’âme parisienne. Dans les années 1980, le PSG avait des stars et des résultats mais avait du mal à remplir le Parc des Princes. Aujourd’hui, le stade affiche quasi complet à chaque match. Qu’est-ce qui a changé ? « Parce que Paris a fait sa place dans l’univers du football français. A la base, le football en France, c’est plus l’histoire des provinciaux. C’est la revanche de la province sur Paris. Il y a plein de raisons d’être fiers de Paris avant d’en être fiers pour son équipe de football. Ce qui n’a pas changé en revanche, c’est qu’on se plaint toujours de son public : parce qu’il n’est pas assez nombreux, parce qu’il n’encourage pas assez Paris – au début, le Parc encourageait surtout la Province, Saint-Etienne ou Nantes -, puis dans les années Canal+, on s’est plaint qu’il n’y avait qu’un seul kop, puis il y a eu les histoires de rivalités entre tribunes. C’est une obsession parisienne de se regarder en se disant qu’on n’est jamais assez content de ce club-là. C’est inhérent au PSG. Mais c’est parce que c’est le club de Paris. Comment se fait-il qu’un club ait décidé de se mettre la Tour Eiffel sur le plastron et de représenter Paris dans le monde ? C’est quelque chose qu’on a énormément de mal à accepter. » Daniel Hechter ou Canal+ hier, David Beckham ou Jay-Z et Beyoncé dans les tribunes aujourd’hui… Et si le show-biz n’avait jamais quitté le PSG ? « Le côté show-biz fait partie de l’ADN de Paris. Le jour où il n’y aura plus ça, Paris disparaîtra. Le PSG est un club show-biz, un club paillettes, un club spectacle. Mais il faut prendre ça dans le bons sens du terme. C’est-à-dire que Paris n’obéit pas au mêmes exigences que les autres clubs. Paris se doit de produire du spectacle, à la fois sur le terrain et dans les tribunes. Hechter le dit quand il reprend le club. Le budget à l’époque était moindre mais il paraissait déjà faramineux pour une équipe de foot. On disait déjà que les joueurs étaient trop payés. Si ce club a fonctionné et perduré, c’est parce que c’est un club qui veut faire le spectacle. En 1994, l’entraîneur Artur Jorge s’est fait virer alors qu’il est champion de France et demi-finaliste de la Coupe d’Europe. Charles Biétry l’avait dit à l’époque : « il manque un sourire au PSG ». Quand on discute avec les anciens, quand on regarde l’histoire du club, plus les mois passent et plus on se rend compte que le PSG actuel est très fidèle à ce qu’il était. Sauf que là ça prend des proportions plus grandes parce que les investissements sont plus grands mais toutes les choses qu’on reproche au PSG actuellement sont exactement les mêmes qu’on a reprochées à Hechter, à Borelli, à Canal en leurs temps. Avec l’arrivée des nouveaux investisseurs et de grands joueurs, on a retrouvé le Paris « show off », le Paris spectacle. A Paris, il vaut mieux être premier ou dernier que dixième. Il vaut mieux perdre 6-5 qu’1-0. Ça, c’est Paris et ça, ce n’est qu’à Paris. » *Ici, c’est Paris, Thibaud Leplat, Solar Editions, 248 pages, 39 euros, en librairies. >> LIRE AUSSI : Lens-PSG au Stade de France, six ans après Source : Europe1