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Le glyphosate finalement interdit… mais seulement aux particuliers

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Le Conseil des ministres a voté ce mercredi la limitation de la vente du glyphosate aux seuls professionnels en Polynésie et la baisse des concentrations maximales du produit. Si le gouvernement parle d’un « processus progressif de sortie » de ce désherbant pointé du doigt pour sa dangerosité et toujours largement utilisé au fenua, les ambitions semblent avoir été revues à la baisse depuis l’annonce, voilà cinq ans, d’une « interdiction » complète.

Autoriser l’accès au glyphosate uniquement aux professionnels, c’est ce qu’a validé ce mercredi le Conseil des ministres. Cette proposition formulée par la commission des pesticides et la première étape du processus qui vise à réduire voire à « sortir » de l’utilisation de la molécule au fenua. L’herbicide, au centre d’un âpre débat, au niveau international sur sa dangerosité, est toujours largement utilisé au fenua : il représente à lui seul 72% de l’ensemble des substances actives de pesticides importées en Polynésie française en 2021, précise le gouvernement. En 2015, le désherbant, notamment commercialisé sous la marque « Roundup« , a été qualifié de « probablement cancérogène » par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), une des agences de l’OMS. Cette qualification est toujours débattue, mais la toxicité du produit, aussi pointé du doigt pour ses conséquences environnementales, est quoiqu’il arrive avérée.

Marche arrière discrète

En novembre 2017, alors que le débat fait rage en Europe sur l’avenir du glyphosate – il est loin d’être enterré – Tearii Alpha, à l’époque ministre du Développement des ressources primaires, annonçait tout bonnement l’interdiction de la substance au fenua. Une promesse dénoncée par les professionnels de l’agriculture, qui estiment n’avoir pas d’alternatives économiquement viables au produit, et qui avait fait du bruit bien au-delà des frontières de la Polynésie. Une première étude, incomplète, sur ces alternatives avait bien été commandée par le gouvernement, comme l’avait rappelé La Dépêche de Tahiti fin 2021. Mais la réglementation n’avait pas suivi le discours du ministre.

« Pas d’alternative » pour les professionnels

Si les agriculteurs sont autorisés à poursuivre leur utilisation de l’herbicide, c’est parce que « l’ensemble des études conduites à ce jour ne démontrent pas de solutions techniques et économiques viables permettant le remplacement du glyphosate dans notre environnement tropical et humide où de nombreuses mauvaises herbes invasives prolifèrent très rapidement » écrit aujourd’hui l’exécutif. Le communiqué du Conseil des ministres tient même à contrer « certaines fausses vérités » concernant les herbicides. « Les dernières analyses de résidus de pesticide effectuées par la Direction de l’Agriculture (DAG) n’ont pas mis en évidence la présence de résidus de glyphosate dans les fruits et légumes locaux contrôlés par échantillonnage, ce qui est d’ailleurs cohérent pour un herbicide systémique dont l’application ne se fait pas sur les cultures » y lit-on. Le gouvernement « propose » tout de même de limiter la concentration des produits présents sur le marché à 360 g/L, au lieu des 450g/L de certains produits commercialisés actuellement. L’objectif serait tout de même, dans le cadre du schéma directeur de l’Agriculture et de ses objectifs de transition agroécologique, de « sortir » progressivement de l’utilisation du glyphosate. Mais le Pays se garde bien d’avancer un calendrier.