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Le gouvernement s’explique sur le projet de rachat à Temae

Olivier Solari (OPUA), Jean-Christophe Bouissou et Loyana Legall (DAF). ©CP/Radio1

Le collectif budgétaire du 23 février dernier prévoit le rachat par le Pays au groupe Wane de 18 des 54 hectares de l’ancien domaine Enany à Temae. Une opération qui a interrogé les résidents de Temae, inspiré une question écrite de Nicole Sanquer au gouvernement, et provoqué, ce vendredi matin, une conférence de presse à la présidence.

Le 23 février dernier, le gouvernement inscrivait au budget une autorisation de programme de 3,5 milliards destinés à des rachats immobiliers à Temae et à Haapiti. Selon le ministre des Finances, 2,6 milliards étaient destinés à racheter à Louis Wane un tiers de l’ancien domaine Enany dont il avait fait l’acquisition en novembre dernier au terme de plus d’un an et demi de négociation. Il s’agit de parcelles non constructibles d’une superficie de 18 hectares, principalement composées de terrains marécageux le long de la piste d’aérodrome, et de 161 mètres de littoral. Quelques jours plus tard, on lisait dans le compte-rendu d’une réunion du conseil municipal de Moorea que le prix d’achat du domaine entier était de 2,850 milliards, un montant qui aurait été communiqué par le notaire du groupe Wane.

Des soupçons de « cadeau » à Louis Wane

L’Association de habitants de Temae-Moorea s’est rapidement émue de ce projet de rachat, ne se satisfaisant pas de cette opération, qui selon elle ne laissera librement accessible qu’une petite partie de la plage, et permettra de tracer une nouvelle route d’accès au motu Temae tandis que le nouveau propriétaire du domaine fermerait celle qui traverse la cocoteraie. L’AHTM reproche au Pays de ne pas avoir préempté la bande littorale réservée dans le PGA (« réservée » dans ce contexte signifie simplement que la zone est gelée en attendant une affectation ultérieure via une modification du PGA) et dont la plus grande partie se trouvera toujours devant la propriété Wane. Elle s’interroge aussi, comme la présidente de A Here ia Porinetia, Nicole Sanquer, l’a fait dans une question écrite au gouvernement, sur ce qui leur apparaît comme un cadeau royal à Louis Wane.

« Faudrait quand même savoir ce qu’on veut », dit Jean-Christophe Bouissou à propos des associations

Vendredi matin, le vice-président et ministre de l’Aménagement, Jean-Christophe Bouissou, accompagné de la directrice des Affaires foncières Loyana Legall, tenait une conférence de presse pour expliciter l’opération et le rôle du Pays. « Faudrait quand même savoir ce qu’on veut (…). Cet engagement du Pays intervient après la sollicitation de la population de Moorea », dit-il : sur ces 18 hectares le Pays prévoit l’aménagement d’un jardin public et d’un parcours santé, d’un accès public à la mer avec parkings, et d’une zone de vente de produits artisanaux et alimentaires. un projet qui s’inscrit dans le cadre plus large de la future « zone d’aménagement prioritaire et de développement durable » de Moorea. Et il souligne que la zone réservée est toujours effectivement réservée, le PGA s’imposant à tous, pouvoirs publics comme propriétaires privés.

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Mais les résidents de Temae, restent méfiants : Louis Wane avait clairement exprimé à la mairie, avant la finalisation du rachat au sheik Enany, son souhait de voir la zone réservée désinscrite du PGA. « On ne leur a jamais rien demandé concernant les 18 hectares, réplique Alain Bonno, le président de l’Association des habitants de Temae-Moorea, on demande une chose, les 3,2 hectares de la zone réservée inscrite au PGA de 2013. » 

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©Direction des Affaires foncières

Le pouvoir de préempter n’appartient qu’à la commune

Loyana Legall a rappelé un point de droit lié au PGA : la commune a la capacité de préempter toute parcelle proposée à la vente – si elle en a les moyens financiers – mais le Pays ne peut le faire que sur des zones bien précises, comme les zones agricoles. « Le Pays ne peut donc que se porter acquéreur à un prix négocié entre les parties », explique la directrice des Affaires foncières. Et cette négociation est basée sur l’évaluation de la commission du domaine, obligatoirement saisie. Cette dernière a évalué les parcelles à 16 300 Fcfp/m² pour la parcelle en bord de mer et 8 100 Fcfp/m2 pour les deux autres parcelles qui jouxtent l’aérodrome. Résultat : un projet d’acquisition finalement chiffré à 2, 176 milliards, une bonne affaire, estime le gouvernement, quand le prix moyen estimé du mètre carré dans cette partie de l’île dépasse facilement 20 000 Fcfp et peut atteindre 100 000 Fcfp pour des terrains en bord de mer. « Je ne comprends pas cette attaque de l’opposition qui créée des suspicions là où ça n’existe pas », déplore Jean-Christophe Bouissou.

L’incompréhension, dit-il, vient du montant supposé de l’acquisition réalisée par Louis Wane. « Au niveau de la conservation des hypothèques, la valeur déclarée de ce terrain est de 5,4 milliards de Francs », dit le vice-président. Comme il s’agit de la cession d’une société, l’acquéreur récupère également le passif, poursuit-il, sans que le Pays n’aie de « visibilité sur le bilan de sheik Enany ».

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Une affirmation surprenante, car lors d’une fusion-absorption comme celle réalisée entre la société Domaine de Temae du sheik Enany et la société Tetou Temae créée par l’acheteur, les obligations déclaratives devraient laisser une trace dans les services fiscaux. D’autant que Tetou Temae a obtenu une exonération de plus de 113 millions de Fcfp  des droits d’enregistrement et de publicité foncière, rappelle l’Association des habitants de Temae-Moorea, qui continue de dénoncer l’opacité des rapports entre le Pays et le nouveau propriétaire des lieux.