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Le « maquis inextricable » des primes de l’administration

Le président Edouard Fritch lors des voeux aux chefs de services de l'administration. © Présidence

Dans un rapport que Radio 1 s’est procuré, la chambre territoriales des comptes passe au crible le fonctionnement de l’administration sous les gouvernements Temaru, Flosse et Fritch entre 2013 et 2018. Parmi les points noirs de ce rapport, le « maquis inextricable » des primes et indemnités des agents. Un régime « inopérant » qualifié lors de débats à l’assemblée en 2017 « d’héritage de privilèges surannées susceptibles d’alimenter un vent de fronde de tout bord ».

Dans son dernier rapport consacré au fonctionnement de l’administration polynésienne entre 2013 et 2018, que Radio 1 s’est procurée, la chambre territoriale des comptes tacle sévèrement ce qu’elle appelle le « maquis inextricable » des primes et indemnités versées aux agents de l’administration territoriale. Une problématique récurrente pour l’administration, mais qui n’a jamais été réformée malgré les « annonces » en ce sens.

Aujourd’hui, pas moins de « 66 primes et indemnités » différentes coexistent dans l’administration locale. Et si elles représentent un total de 2 milliards de Fcfp chaque année -soit 7% de la masse salariale totale de l’administration- elles ne bénéficient qu’à un tiers des agents. Autre signe de l’énorme disparité dans le versement de ces primes au sein de l’administration, dans certains services comme la Direction des impôts et des contributions (95 agents), le niveau moyen des primes dépasse les 2 millions de Fcfp par agents et par an ; alors que pour d’autres comme la Direction générale des ressources humaines (85 agents) par exemple, le niveau moyens des primes atteint 4 690 Fcfp par an…

La chambre territoriale des comptes rappelle que cette disparité fait l’objet de débats réguliers. A l’assemblée en 2017, ce système des primes et indemnités avait été qualifié « d’héritage de privilèges surannées susceptibles d’alimenter un vent de fronde de tout bord ».

Le « dérapage » des indemnités de sujétions spéciales

La juridiction financière s’étonne également du « dérapage » dans l’octroi des « indemnités de sujétions spéciales ». En théorie, ces indemnités relèvent de « situations particulières » pour des agents aux « compétences et aptitudes particulières ». En réalité, ces primes peuvent être octroyées en toute liberté par le président du Pays, sans critères objectifs définis.

Le rapport révèle qu’entre 2012 et 2017, la charge financière de ces primes de sujétions a doublé ! Elle est passée de 206 à 424 millions de Fcfp. La chambre regrette que cet outil tende à devenir « systématique pour certains services » alors qu’il devrait distinguer le niveau de « responsabilité, compétences ou conditions de travail particulières ». C’est le cas des agents de la Direction de l’aviation civile ou des agents mis à disposition des cabinets ministériels. Pour ces agents, les indemnités de sujétions n’ont plus rien de spéciales, puisqu’elles sont octroyées « de droit ».

Les « services à primes »

La chambre évoque également les « effets pervers » du versement systématique des indemnités dans les « services à primes » : la Direction du budget (DBF), la Direction des affaires foncières (DAF) et la Direction des impôts (DICP). Les agents y bénéficient de primes et indemnités automatiques du simple fait de leur affectation dans l’un de ces trois services. Un système qui freine la mobilité des agents et qui annihile le principe des primes.

A propos de la DAF, l’assemblée indiquait en 2017 dans un rapport : « l’octroi d’un régime indemnitaire à une seule partie du personnel est une source importante de démotivation voire de dévalorisation, il est source de conflits et de revendication récurrentes. Il freine toute mobilité du personnel ».

L’urgence de réformer

Pour la chambre territoriale des comptes, ce régimes de primes et indemnités est « axé vers le seul développement de la rémunération des agents » et conduit la Polynésie à « se priver d’un important levier de gestion des ressources humaines ». Elle dit néanmoins espérer qu’une étude demandée fin 2017 par l’actuel président du Pays puisse enfin « permettre de réformer ce régime indemnitaire inopérant ».