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Le marché de l’emploi se dégradait déjà avant la crise


L’ISPF a publié les résultats de son enquête l’emploi menée en juin 2019. Bien avant la crise sanitaire, donc alors que l’économie paraissait avoir retrouvé tout son dynamisme. Et pourtant, les chiffres de l’emploi sont, eux, très nuancés, avec un taux d’activité en baisse. 

« La crise sanitaire a brutalement entravé l’élan prometteur de 2019« . C’est ce que déclarait Édouard Fritch début décembre, en introduction d’un débat budgétaire marqué par les conséquences du Covid. La pandémie a certes mis un terme à une période de « dynamisme économique » mais le marché du travail, lui, ne l’avait pas attendu pour se dégrader. C’est ce que révèle l’enquête emploi 2019 dont les résultats viennent d’être publiés par l’ISPF.

Des chômeurs qui s’éloignent de plus en plus de l’emploi

Lors de cette étude, menée sur le terrain il y a un an et demi, l’Institut de la statistique a dénombré 14 000 chômeurs. Le taux de chômage parait donc aller dans le bon sens : 12,8% des actifs en 2019 contre 14,5% l’année précédente. Sauf qu’à ces chômeurs « disponibles » et en « recherche active » s’ajoutent 20 800 personnes qui « souhaitent travailler » mais qui ne remplissent pas ces critères internationaux de définition d’un « chômeur ». Et ce « halo du chômage », particulièrement marqué en Polynésie, a, lui, tendance à s’élargir : le taux d’activité, calculé à 60,6% de la population adulte en 2018, est tombé à 59,6% lors de cette dernière enquête. Moins de chômeurs, plus d’inactifs, et un taux d’emploi au final stable… En clair : beaucoup de chômeurs – plus d’un millier – ont disparu non pas parce qu’ils ont trouvé un emploi, mais parce qu’ils s’en sont « éloignés ». « Soit parce qu’ils ne sont plus disponibles, soit parce qu’ils sont découragés de trouver un emploi, parce qu’ils ont cherché longtemps et qu’ils n’en ont pas trouvé », précise Jérémie Torterat, conseiller technique à l’ISPF.

Quoiqu’il en soit, l’ISPF conclut à la dégradation du marché de l’emploi en 2019. Et ce malgré des indicateurs économiques qui étaient alors tous au vert. 2,7% de croissance, 2,4% de progression de la consommation sur l’année… Le directeur de l’institut Nicolas Prudhomme rappelle qu’une telle déconnexion est fréquente. Parce que la richesse créée n’est pas forcément également répartie, mais aussi parce qu’un « décalage temporel » est toujours observé entre l’essor économique et l’amélioration du marché de l’emploi. « Les acteurs économiques vont investir et créer de l’emploi avec un décalage dans le temps, pointe le responsable. Ce qui s’est passé, c’est que cet optimisme a été brisé en 2020 par la crise économique et sanitaire internationale ».

Les femmes et les jeunes plus touchés qu’ailleurs par le chômage

L’institut profite de cette étude pour rappeler que le chômage ne touche pas tout le monde de la même façon. Sans surprise, les diplômes universitaires restent un facteur important d’insertion sur le marché du travail, avec une différence de plus 40 points entre le taux d’activité des titulaires d’un simple brevet et ceux qui ont fait des études supérieures. Autre constante, cette fois plus spécifique à la Polynésie : l’institut estime à plus de 16% le taux de chômage chez les femmes contre 10% chez les hommes, alors que ces deux chiffres sont presque semblables en métropole. Comme le précise Jérémie Toterat, les femmes polynésiennes s’éloignent de façon brutale du marché du travail après leur premier enfant.

Les jeunes sont aussi largement défavorisés sur le marché. Les 15-29 ans, quel que soit leur genre, souffrent trois fois plus du chômage que les 30-50 ans et 7 fois plus que les 50-64 ans. Le taux de chômage des jeunes est plus important dans d’autres collectivités d’Outre-mer, note l’ISPF. Mais la Polynésie se distingue par un taux de chômage des personnes âgées particulièrement bas.

Coup d’accélérateur sur les enquêtes emploi

L’année 2020 a compliqué le traitement des données, mais l’ISPF compte passer à la vitesse supérieure sur la publications de ces enquêtes emploi. Ainsi, les chiffres récoltés en mai et juin de l’année dernière doivent être publiés d’ici le mois de juin. Ils donneront une première estimation des conséquences de la crise, et notamment du confinement sur le marché de l’emploi. En parallèle, l’institut lance aujourd’hui même une nouvelle étude, qui verra une trentaine d’enquêteurs parcourir les îles de la Société et les Australes. Plus de 4 000 foyers, au total, seront interrogés pour faire un point précis sur la situation de l’emploi en 2021. Les résultats détaillés ne devraient être disponibles qu’à la fin de l’année. Seul certitude, les chiffres vont se dégrader. En décembre dernier la CPS constatait déjà la disparition de 3 000 équivalents temps plein. La fermeture des vols de ce début d’année pourrait alourdir la note. Le taux de chômage pourrait bien bondir, donc, « reste à savoir ce qui se cache derrière », précise Nicolas Prudhomme. Une réelle analyse du marché est nécessaire.

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1 Commentaire

  1. simone Grand
    30 mars 2021 à 7h12 — Répondre

    Pendant ce temps, combien de nouveaux arrivants trouvent-ils un emploi qui aurait pu être assuré par un chômeur local?

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