Radio1 Tahiti

Le meurtre de Tikehau devant la Cour d’assises

©Radio 1

La première session de la Cour d’assises de l’année 2021 démarre lundi avec une affaire de viol incestueux qui s’étalera sur deux jours. Deux autres affaires de viol sont au programme de ces deux semaines d’audience ainsi que celle du meurtre de Tikehau. Du lundi 8 au mercredi 10 mars, les jurés auront à juger du meurtre commis par Iapheta M. sur sa conjointe, en octobre 2018 à Tikehau.

« En fait c’est une fois que la personne est KO ou morte que je me sens mieux. C’est pour ça que je ne suis plus à la police municipale parce que je ne me contrôle pas quand je suis en colère. Je suis comme ça si on ne m’arrête pas je suis capable de tuer. » Une déclaration glaçante prononcée par Iapheta M. lors de sa garde à vue en octobre 2018. Plus encore que ses paroles, ce sont ses actes commis sur sa conjointe qui témoignent de l’extrême violence de cet homme, âgé de 49 ans au moment des faits. Un déchainement inouï de coups inarrêtables. Les différents témoins  parviendront à freiner un temps les multiples séries de violences du conjoint sur son épouse mais sans parvenir à en empêcher l’issue funeste.

Tout avait bien démarré, ce jour là sur le motu Teonai, où se trouve un village de pêcheurs où vivent Iapheta et son épouse. Un cadre idyllique où un yacht de luxe a décidé de jeter l’ancre pour aller pique-niquer sur le motu. Iapheta connait l’un des membres d’équipage et offre du poisson grillé à ces visiteurs. Après avoir bu quelques verres, Iapheta, son épouse, sa sœur, son beau-frère et un ami sont invités à diner à bord. Lors de la soirée, en état d’ivresse, la femme de Iapheta glisse sur la poupe du bateau et tombe à l’eau. Le capitaine saute alors à l’eau pour l’aider à remonter à bord. « C’est cet incident, vécu comme humiliant par Iapheta qui déclenchait sa colère, et les premières violences, et clôturait la soirée festive », explique le juge d’instruction chargé de cette dans son ordonnance de mise en arrêt.

« J’ai peur d’être frappée et de mourir », avait dit la victime quelques heures avant sa mort

Durant sa garde à vue puis devant le juge d’instruction, l’homme a livré tous les détails des multiples violences commises sur sa femme. Ainsi alors que cette dernière remonte sur le bateau : « Je lui ai donné un coup de pied dans le visage, pendant qu’elle remontait, alors qu’elle avait encore la moitié du corps dans l’eau. » Il hisse ensuite sa conjointe en la tirant par les cheveux avant de la frapper au niveau de la bouche. Il est alors ceinturé et calmé par les membres d’équipage qui tentent de le calmer. « Je ne l’ai pas écouté, je suis reparti vers l’arrière du bateau et j’ai donné un nouveau coup de pied dans la figure de ma femme, au niveau de la bouche. Avant cela, j’avais attrapé ma femme, en l’agrippant au niveau de la bouche avec ma main, j’étais en colère, je lui disais qu’elle aurait du me dire où elle allait comme ça je serais allé avec elle et je l’aurais empêchée de tomber. » Le capitaine du catamaran parvient à nouveau à calmer Iapheta, pour un temps seulement. Il revient à la charge. Il gifle sa femme et agrippe ses cheveux pour secouer sa tête. Il est cette fois stoppé par sa sœur. Il décide alors de quitter le navire avec sa famille, mais sa femme ne bouge pas. « J’ai peur d’être frappée et de mourir », confie-t-elle à l’une des femmes de l’équipage qui lui propose de passer la nuit sur le bateau. Iapheta s’y oppose et la victime finit par lui obéir.

Colérique, arrogant, incontrôlable, selon son entourage

Une fois éloigné du catamaran, Iapheta va pouvoir laisser libre cours à toute sa violence. Les coups de poing pleuvent. Iapheta utilise la planche servant d’assise dans le bateau pour frapper sa femme. Il tente même de lui tordre le bras et la jambe sur le rebord du bateau pour les casser.  La sœur de Iapheta a beau tenter de protéger la victime, l’accusé finit par l’arracher de ses bras. La famille éloigne la barre à mine et la gaffe que Iapheta menace d’utiliser pour tuer sa femme, mais une fois à terre, la déchainement se poursuit. L’homme frappe notamment la tête de la victime contre un poteau puis des rondins qu’il utilise ensuite comme une arme. Un neveu qui tente de s’interposer est même pris de vomissements en voyant le visage et le corps de sa tante complètement déformés.

Après lui avoir donné un dernier coup de pied au menton qui la met K.O., Iapheta lui jette des seaux d’eau pour la réveiller. Il demande finalement l’aide de son neveu et d’un ami pour la transporter dans une brouette jusqu’à sa cabane. Il refuse ensuite qu’on la dépose sur un matelas. Il le fait plus tard dans la nuit avec l’aide de son neveu, mais s’oppose à ce qu’elle soit amenée au dispensaire. Pour la réchauffer, Iapheta allume un feu à proximité et s’endort à côté, assis sur une chaise. A son réveil, constant la raideur du corps de son épouse, Iapheta comprend qu’elle est décédée. Iapheta a admis avoir eu l’intention de faire mal à sa femme, et que ses coups pouvaient être mortels sans avoir eu l’intention de la tuer.

Déjà condamné à plusieurs reprises pour des violences, l’ancien policier municipal frappait régulièrement son épouse. Son entourage le décrit comme « jaloux, colérique, arrogant, irrespectueux, méchant, violent, bagarreur, s’emportant facilement, incontrôlable, n’hésitant pas à utiliser la violence dès que l’on s’oppose à lui, y compris envers les femmes et les enfants. »

Les experts mettent en exergue « une très faible tolérance à la frustration « ,  « une incapacité à éprouver de la culpabilité« , et résument sa relation avec la victime :  » il tend à rendre son épouse responsable de la violence qu’elle déclenche, laquelle doit éviter de l’ énerver, et de fuir, ce qu’il interprète comme une tentative de lui échapper et doit accepter d’être la proie des assauts de sa colère. » Selon eux, Iapheta ne souffrait pas d’une altération du discernement au moment des faits.

Il encourt 30 ans de réclusion criminelle.