Si la pandémie et le confinement ont eu des répercussions sur l’économie, les affaires de terres ont eu aussi à en pâtir. Retard dans les traitements de dossiers, décisions reportées, tout cela faisant que ce vendredi, le palais de justice de Papeete était littéralement pris d’assaut par une foule de personnes, toutes inscrites au rôle de la cour d’appel pour des affaires de terres.
Si en Italie, ce type d’affluence dans un palais de justice a lieu lors de méga procès mettant en cause la mafia, au Palais de justice de Papeete, ce sont les affaires de terres qui génèrent cette foule. Plus d’une centaine de personnes dans l’enceinte du tribunal, 114 dossiers inscrits au rôle comportant plus de 1 000 noms. Renfort de vigiles et d’agents d’accueil, personnes appelées au porte-voix, de quoi troubler la quiétude habituelle des lieux et de couvrir les chants des coqs. Chaque recoin du jardin du tribunal et de la salle des pas perdus est occupé par des familles, dossiers sous le bras, qui attendent d’être appelées pour entendre les décisions les concernant.
Dorence Salmon est l’un de ceux-là. Il est ici pour un dossier qui date de 2001. « Un très très vieux dossier, précise-t-il, car dans ce dossier, il y a beaucoup de descendants, et c’est là, la principale difficulté de cette affaire. » Mais ce n’est pas la seule. « L’autre difficulté vient du fait que certains des descendants occupent ces terres et pour quelques-uns, sur des superficies très très grandes. Certaines familles sont très gourmandes au niveau foncier »
S’il reconnait que son dossier traîne en longueur, il note toutefois que depuis que la promulgation de la loi, en juillet 2019, permettant le partage par souche, cela va mieux. « C’est une bonne chose, de cette manière-là, on peut épurer les affaires foncières, même si derrière, il faut faire le partage entre les branches. »
Une affluence caractéristique des affaires de terres
Pour Me Lamourette, l’affluence de ce jour est caractéristique des affaires de terres. « Les indivisions remontent parfois au tomite, c’est-à-dire à la revendication des terres dans les années 1880 et on est aujourd’hui à partager des indivisions qui datent de cette époque-là. » D’autant que si en métropole, lorsque l’on décède, il y a pratiquement une obligation de liquider la succession, « ici, même si cela commence à rentrer dans les mœurs, ce n’est pas obligatoire de liquider la succession dès le décès de la personne » précise l’avocat.
Ajouter à cela « des désaccords, des occupations qui ne respectent pas les quotités des droits de chacun, plus des occupants qui n’ont aucun droit mais qui prétendent par prescription trentenaire avoir des droits, tout cela cause des retards dans les dossiers. »
Et le rôle de l’avocat dans tout cela ? « Le rôle de l’avocat, le rôle du juge et le rôle du notaire sont de déterminer la chaîne de transmission des actes ou les successions. On s’appuie sur des généalogistes et aussi sur des notaires, et le rôle de l’avocat est de démêler ces écheveaux-là et de présenter à la cour, un dossier lisible pour le juge. »
La loi du 26 juillet 2019 facilite les démarches de partage
L’institution judiciaire et le Pays, qui ont bien conscience de l’étendue des problèmes fonciers, se sont doté de moyens pour que ces affaires trouvent une issue le plus rapidement possible. Un tribunal foncier, plus de magistrats, autant de moyens mis en œuvre à cet effet. Pour autant est-ce que cela se ressent dans le traitement des affaires ? « Considérablement. Le code de procédure a changé, il y a désormais une phase préliminaire du dossier où le magistrat avant l’instruction du dossier reçoit les justiciables, lors d’une audience de conciliation, pour leur donner des indications sur les manques qu’il peut y avoir dans leur dossier, sur le plan documentaire ou sur des erreurs commises. »
Pour l’avocat, la plus grande avancée dans la procédure pour trancher les litiges, c’est la loi du 26 juillet 2019, qui a considérablement facilité les démarches de partage et la gestion de l’indivision. « Elle permet plusieurs choses dont le partage par souche, mais également l’attribution préférentielle, qui elle, permet, pour les personnes titrées et installés sur une partie des terres en indivision de solliciter la reconnaissance de cette occupation, alors qu’avant, cela était impossible. »
Selon Me Lamourette, l’amélioration ultime à apporter au traitement des affaires de terres serait une numérisation des fichiers à la Direction des affaires foncières et à la conservation des hypothèques, « pour que tout le monde puisse y accéder de manière assez simple et rapide car l’accès à l’information est parfois chronophage. »