ACTUS LOCALESJUSTICE Le « Parrain » ne veut pas porter le « chapo » Pascal Bastianaggi 2020-06-17 17 Juin 2020 Pascal Bastianaggi ©PB Le procès de Yannick Mai, guide touristique qui avait été arrêté à l’aéroport de Los Angeles avec 3,7 kilogrammes d’ice en 2017, s’est tenu mardi. Au terme d’une audience où le prévenu s’est évertué à se dédouaner du rôle de tête de réseau dans l’affaire Marlier, il a été condamné à neuf ans de prison ferme. En 2018, Yannick Mai surnommé « le Parrain » et Moerani Marlier, « El Chapo », avaient écopé respectivement de dix et huit ans de prison ferme, pour un trafic portant sur de 7,2 kg d’ice. Yannick Mai avait été jugé en son absence car il était alors incarcéré aux USA pour avoir tenté de passer la douane avec 3,7 kilos d’ice dissimulé dans son pantalon. Extradé en Polynésie au mois de mars dernier, après avoir purgé 3 ans de prison à Los Angeles, il comparaissait mardi devant le tribunal de Papeete où il a été condamné à neuf ans de prison. Si Mai n’a pas nié les faits qui lui était reprochés, l’importation de 3,7 kilos d’ice, il a toutefois refusé d’endosser le rôle que lui prêtait la justice. Celui du « Parrain », surnom dont il était affublé, qui dans l’ombre tirait les ficelles de ce trafic, laissant Marlier, dit « El Chapo » sous les feux des projecteurs. Un Marlier qui s’affichait volontiers comme flambeur avec grosses voitures, prostituées de luxe, un Tony Montana à la sauce locale, à la différence d’un Mai qui pencherait plutôt vers la discrétion d’un Don Vito Corleone. Et en le voyant à la barre tranquille, sûr de lui, le menton en avant et pas un mot plus haut que l’autre, on ne peut s’empêcher de faire le parallèle. Devant la longue retranscription des écoutes téléphoniques où les membres du réseau laissaient entendre qu’il était avec Marlier à la tête du trafic, il a nié, se déclarant « abasourdi » par les actes qu’on lui prête. « On n’est pas dans un épisode de Breaking Bad ou de La Casa del papel » « C’est un complot et comme j’étais incarcéré aux États-Unis, ils m’ont chargé. » Ajoutant, « quand j’ai pris connaissance de ces dépositions, j’ai trouvé que c’était extrêmement bien monté. » Pour lui, pas de doute, il reconnaît la patte de Marlier derrière ces témoignages à charge. « Vous êtes plutôt zen pour quelqu’un d’innocent qu’on accuse d’être à la tête d’un réseau de trafiquants », lui fait remarquer le juge. « À l’intérieur je bouillonne. Tout ça, c’est du vent, c’est un coup monté », affirme Mai. « Enfin, on n’est pas dans un épisode de Breaking Bad ou de La Casa del papel, lui rétorque le juge, ce ne sont tout de même pas des cerveaux dans le réseau Marlier ! » Petit sourire en coin du « Parrain ». En dehors de sa tentative avortée d’importer 3,7 kilos d’ice, « un coup d’essai », il ne reconnait rien d’autre. Pourtant, les écoutes téléphoniques et les témoignages des membres du réseau, dont celui de son fils, sont accablants. Certains font état d’un désir du « Parrain », de mettre sur la touche Marlier car « El Chapo » était « trop voyant, trop flambeur » et qu’il risquait de faire tomber tout le monde. Il lui cherchait un successeur. 10 ans requis Pour le procureur, la théorie du complot ne tient pas la route. « Il ressort clairement du dossier que Mai est le boss, car il a puni Marlier. Il n’avait plus confiance en lui car il parlait de trop. Marlier, c’est le flambeur et Mai n’était pas connu de la police. Il a compris que s’il voulait durer dans le business, il fallait se séparer de Marlier. Yannick Mai apparait comme le boss et se comporte comme tel. » Il requiert une peine de dix ans de prison ferme. Un boss qui fait la mule À l’écoute des faits, le doute n’est plus permis, Mai est bien l’homme de l’ombre qui tire les ficelles et Marlier est sa marionnette. Mais un homme va semer le trouble dans la tête de l’auditoire. Son avocat Me Dubois. « C’est la première fois de ma vie que j’ai un boss, un parrain qui fait la mule en mettant 3,7 kilos d’ice dans son pantalon (…). Le boss ne va pas chercher l’ice… Mai est le fusible de Marlier. » Et de renchérir, « les enquêteurs disent que Marlier se comporte comme la tête du réseau, il se fait surnommer El Chapo, et il n’y a personne au-dessus de El Chapo. Pour les enquêteurs, le boss c’est Marlier. » Énumérant tous les contacts de Marlier, « des noms qui apparaissent dans toutes les grosses affaires d’ice comme Sarah Nui » il cite « Francis Tarano, Papy Ellis qui travaillaient tous pour Marlier, il connaît tout le monde, et tout le monde le connait. Et vous me dites que c’est Mai qui a tout organisé… Je ne suis pas d’accord », rejoignant la thèse du complot avancée par son client, il demande au juge de se baser « sur des faits et non sur des on-dit. Je ne vous demande pas la relaxe, mais dix ans, c’est beaucoup. Il y a des doutes et des mensonges sur beaucoup de choses.» Il demande de réduire le quantum de la peine requise à des « justes proportions pour ce qu’on lui reproche, à savoir l’importation de 3,7 kilos d’ice. » Sa plaidoirie n’a pas eu l’effet escompté, si ce n’est de réduire la peine requise d’un an, car après en avoir délibéré, le tribunal a condamné Yannick Mai à 9 ans de prison avec la confiscation de tous ses biens saisis mais aussi à payer solidairement une amende douanière de 720 millions Fcfp à hauteur de 600 millions pour le parrain. Pour l’heure son avocat ne sait pas encore s’il va faire appel de la décision. Cliquez pour partager sur Facebook(ouvre dans une nouvelle fenêtre)Cliquez pour partager sur Twitter(ouvre dans une nouvelle fenêtre)Cliquez pour partager sur LinkedIn(ouvre dans une nouvelle fenêtre)Cliquer pour imprimer(ouvre dans une nouvelle fenêtre)