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Le pass sanitaire en Polynésie pour début octobre ?

Le haut-commissaire et le président du Pays ont évoqué la mise en place d’un pass sanitaire restreignant l’accès de certains lieux publics aux détenteurs d’une preuve de vaccination, de non-contamination ou d’immunisation contre le Covid. Un dispositif mis en place à partir de juillet en métropole, et dans différents pays du monde, mais qui bute sur d’importantes difficultés techniques en Polynésie.

Voilà deux mois, déjà, que l’idée est là. Début juillet, alors que la métropole rouvrait ses boites de nuit et levait les limites de public dans les spectacles extérieurs, en s’appuyant sur le pass sanitaire tout juste mis en œuvre, certains au fenua s’interrogeaient sur son importation en Polynésie. Le ministère de la Santé disait alors « travailler » sur un projet. Depuis le pass sanitaire national, qui divise profondément l’opinion métropolitaine, a été étendu à divers lieux publics, aux cinémas ou musées, puis aux TGV, restaurants et cafés. Côté fenua, le dossier n’est pas complètement resté dans le tiroir : le 20 août, un « pass de protection des îles » a été mis en place sur tous les vols depuis Tahiti vers les archipels et désormais entre les îles des Raromata’i.

Du transport aux établissements publics

Mais le pass national regroupe, en plus des preuves de vaccination ou de test négatif de Covid, une possibilité de preuve d’immunité contre le Covid du fait d’une contamination récente. Le tout sur un même document numérique, que le QR code rend facilement présentable dans des lieux publics. Ce qui n’est pas le cas, actuellement du « pass de protection des îles ». Mais Dominique Sorain avait prévenu : ce sésame de transport servirait de « test » pour la création éventuelle d’un « véritable pass sanitaire ». Confirmation, hier aux côté du président Édouard Fritch : des travaux en cours pour le concrétiser d’ici « le début du mois d’octobre ». « Un travail est mené pour faire coller les bases de données, pour centraliser tout ça, et avoir un document qui est exploitable dans un certain nombre de lieux », explique le représentant de l’État. Pas de précisions sur ces lieux – des sites « très fréquentés » avant tout – mais le haussaire estime que le pass sera quoiqu’il arrive « un moyen de sortir de la crise pour revenir à une vie un peu normale ».

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Si beaucoup de questions peuvent être soulevées autour de ce dispositif (lire encadré ci-dessous), les deux responsables ont surtout fait le point sur sa mise en œuvre technique en Polynésie. Et elle est « très complexe », ont-ils plusieurs fois répété. Car si le Pays dispose bien d’un répertoire de vaccination numérisé et reconnu en dehors de ses frontières, les bases de données relatives aux tests ne sont pas aussi formalisées et il n’existe pas, pour le moment, de centralisation des données relatives à l’immunité. « On est en train de travailler dessus » a expliqué le ministre de la Santé Jacques Raynal, qui disait pouvoir « aboutir rapidement » sur ce sujet.

Pas le même pass qu’en métropole

Mais ce genre de chantier s’avère souvent difficile pour les services techniques polynésiens, bien plus limités que ceux de la métropole. Il avait fallu près de deux mois pour arriver, mi juillet, à obtenir des certificats de vaccination numériques compatibles avec l’application nationale TousAntiCovid et utilisables à l’international. Il sera quoiqu’il arrive difficile de « décalquer » le dispositif français, précise Dominique Sorain. Pour Édouard Fritch, la solution est de créer un système purement polynésien, quitte à ce qu’il soit un « pass sanitaire dégradé ».

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Le président, tout comme le haussaire, semblent tous deux décidés à appliquer ce dispositif qui relève à la fois du Pays au nom de sa compétence « santé » et de l’État pour ce qui est de la restriction des libertés publiques. Pas forcément pour les mêmes raisons. Si Dominique Sorain parle de « donner de la respiration à la circulation sur le territoire » en phase de post-confinement, Édouard Fritch semble y voir surtout un instrument de promotion de la vaccination : « Je crois que ceux qui ont fait l’effort de se vacciner devraient pouvoir bénéficier d’avantages un peu différents de ceux qui résistent encore aujourd’hui ».

Quel bilan après deux mois de pass en métropole ?

Si les deux responsables ont surtout insisté sur les défis de mis en œuvre du pass, il devrait aussi faire l’objet d’un important débat. En métropole, des manifestations hebdomadaires, qui mêlent défense des libertés publiques, critiques de la stratégie Covid et discours anti-vaccination, durent depuis maintenant huit semaines et se sont cristallisées autour de cette question du pass sanitaire étendu. La Polynésie n’a connu de telles discussions qu’à la marge, mais des questions peuvent aujourd’hui être soulevées. Du point de vue sanitaire d’une part. Le retour d’expérience métropolitain est mitigé avec une quatrième vague qui semble avoir été atténuée, mais plusieurs clusters ont été identifiés dans des établissements concernés par le pass. Certains ont pointé que la porte ouverte aux personnes non-testées mais vaccinées ne permettait pas de protéger complètement le public d’un site de la contamination. D’autres que la complexité de son application dans certains lieux, ou ses implications en terme de fréquentation, poussaient les responsables de site à assurer le moins de contrôles possibles.

Dans le milieu médical, le dispositif a surtout été salué pour son impact sur les chiffres de la vaccination, qui ont connu un bond important lors de l’annonce de son extension en août. Mais pour certains, comme le président de la Fédération hospitalière de France Frédéric Valletoux, il s’agit d’un dispositif plus complexe, moins franc, et moins efficace qu’une obligation vaccinale généralisée. De nombreuses questions éthiques ont également été soulevées : la CNIL (Commission nationale informatique et libertés) a par exemple interpellé le législateur sur le risque de « d’accoutumance et de banalisation de tels dispositifs attentatoires à la vie privée » et de « glissement, à l’avenir, et potentiellement pour d’autres considérations, vers une société où de tels contrôles seraient la norme et non l’exception ». Du strict point de vue juridique, néanmoins, le pass a été validé dans ses principaux mécanismes par le Conseil constitutionnel. Une décision du Conseil d’Etat est toutefois attendue sur son application dans certains centres commerciaux importants.