Tarahoi a habilité Tony Géros, après un vote unanime, à saisir le Conseil constitutionnel sur la question des stocks de réserve de carburants de la Polynésie. Un sujet sur lequel le Pays est normalement compétent, mais où l’État continue d’édicter des règles, jugées « inadaptées » au fenua par les professionnels et qui ne sont, de fait, pas respectées. Des discussions tenues dans un contexte d’une grève de la CSIP qui se poursuit dans les dépôts pétroliers.
C’est une tradition qui perdure malgré les statuts d’autonomie successifs. L’État, s’appuyant sur son code de l’Énergie et son code de la Défense fixe d’autorité, en outre-mer comme en métropole, le niveau de stocks réserves que chaque opérateur pétrolier est tenu de constituer. Des stocks qui sont censés garantir qu’en cas de rupture d’approvisionnement extérieur, les territoires puissent continuer à consommer des hydrocarbures, que ce soit pour leurs transports, leur alimentation électrique ou leur sécurité. Depuis 2004, pourtant, le statut d’autonomie de la Polynésie est très clair : c’est le conseil des ministres et donc le Pays qui a la main sur « les conditions d’approvisionnement, de stockage et de livraison ou les tarifs des hydrocarbures liquides ou gazeux ». Les autorités nationales, elles, ne sont compétentes que sur les autres « matières premières stratégiques », à des fins de défense uniquement.
Mais alors pourquoi Paris a-t-il encore mis à jour, par un arrêté publié en mai 2021, les niveaux de stocks pétroliers sur le territoire polynésien ? Les sociétés du secteur s’interrogent, d’autant plus que les niveaux de réserve exigés – 13 à 18% de la consommation annuelle suivant les produits concernés, soit 47 à 65 jours de réserve – n’ont jamais été discuté avec le Haut-commissariat. Des niveaux qui seraient, d’après les pétroliers, « inapplicables » autant qu’inappliqués. Heureusement, puisque les textes nationaux prévoient des amendes atteignant « le quadruple de la valeur des stocks manquants ». Les importateurs et distributeurs, qui rappellent avoir « toujours évité » d’eux même des ruptures d’approvisionnement, aimeraient avoir face à eux des règles « adaptées » au contexte très particulier du fenua, des règles plus précises aussi et surtout un interlocuteur claire avec qui en discuter.
La question, sur la table depuis des années, a fini par être prise à bras le corps par la nouvelle présidence de l’assemblée. Tony Géros a demandé, ce lundi après-midi, aux élus de l’autoriser à saisir le Conseil constitutionnel sur le sujet. L’objectif est de faire constater par les Sages que l’État a outrepassé ses compétences ce qui permettra ensuite à Tarahoi de « modifier ou d’abroger les dispositions législatives nationales concernées ». « Oui » unanime des représentants à Tarahoi. Une fois saisi, le Conseil constitutionnel aura trois mois pour statuer.
La grève continue dans les dépôts pétroliers
Le mouvement entamé jeudi par la CSIP dans les dépôts de la STDO, STDP et Somstat, des sociétés rassemblant plusieurs entreprises d’importation et de distribution, n’a toujours pas été levé. Si le syndicat de Cyril Le Gayic promettait de ne pas perturber l’approvisionnement du Pays au début du conflit, la tension est montée, ce weekend, avec l’arrivée à quai d’un pétrolier censé alimenter, notamment, les réseaux Total et Mobil et certains approvisionnements des îles. Les grévistes n’ont pas pu légalement s’opposer au déchargement du navire, mais ont veillé à ce qu’aucun « renfort » ne soit déployé pour aider le personnel non-grévistes. Les opérations de transferts des hydrocarbures depuis le pétrolier jusqu’aux cuves de Fare Ute ont pu commencer, mais de façon beaucoup plus lente qu’à l’accoutumée. Pas de risque de pénurie dans les stations donc, mais d’après Polynésie la 1ere certaines îles s’inquiètent de leur approvisionnement dans les prochaines semaines, notamment aux Tuamotu. Pendant ce temps, aucune avancée n’est à noter sur le préavis de la CSIP, qui demande, entre autres, des revalorisations salariales pour absorber la hausse du coût de la vie. |