En vacances en métropole, un couple avait appris le déplacement de son bateau par le Port autonome, qui leur a facturé la prestation près de 870 000 francs, sans avoir respecté la procédure. L’embarcation, au mouillage non loin de l’Intercontinental, constituait-elle un danger suffisant pour justifier son enlèvement ? Le dossier est passé au tribunal administratif ce mardi.
Avis de tempête, pour un couple de voileux, ce matin au palais de justice. Le tribunal administratif s’est penché sur leur affaire, qui traîne depuis maintenant un an. En juillet 2023, alors en vacances en métropole, ils apprennent le déplacement d’un de leurs deux voiliers, amarré en face de l’Intercontinental, hors zone autorisée, et confié à la surveillance d’un voisin.
Les services du port avaient, au préalable, constaté à deux reprises, en moins d’une semaine, que le bateau ne tenait que sur son ancre, sans personne à son bord. L’embarcation avait finalement été remorquée jusqu’au Port autonome et placée sur cale. Avec une facture salée au retour des vacances : 604 816 francs pour le déplacement, et 265 122 francs pour les frais d’amarrage. Une somme que le couple ne souhaite pas payer, d’autant que leur bateau est toujours stationné au port, devenu inutilisable, après avoir subi de multiples dégradations et vols depuis son immobilisation. Ce mardi au tribunal administratif, ils ont ainsi demandé 4,6 millions de francs en réparation du préjudice. Ils appuient sur le fait que le Port autonome n’a pas respecté la procédure, ne pouvant procéder au remorquage de leur navire sans leur adresser de mise en demeure.
Argumentaire bancal
De son côté, l’établissement s’appuie sur le Code maritime, lequel prévoir notamment que « dans le cas d’épaves constituant ou menaçant de constituer un danger grave pour la navigation, la pêche ou l’environnement, le directeur du port prend toutes les mesures possibles en vue de supprimer le caractère dangereux de tout ou partie de l’épave ». Un argument qui ne tient pas pour le rapporteur public. Selon Mme Theulier de Saint-Germain, « cet article n’est pas susceptible de constituer la base légale de la mesure d’enlèvement du navire, qui a été effectuée au motif que le voilier se trouvait dans une zone interdite au mouillage sur ancre et non au motif que le voilier en question pouvait être regardé comme une épave susceptible de constituer une menace pour la navigation, la pêche ou l’environnement ».
Par ailleurs, elle souligne que, si le voilier était bien dans une zone interdite au mouillage sur ancre, aucune disposition de l’arrêté concerné « ne permet toutefois au Port autonome de procéder à l’enlèvement d’un navire séjournant hors zone dédiée au mouillage et au stationnement autorisés ».
Le couple évalue le préjudice à 4,6 millions, le rapporteur à 250 000
Dans ses conclusions, le rapporteur donne donc raison au couple et pointe « les conditions précipitées » de ce déplacement. Elle a donc recommandé aux juges de décharger les propriétaires de la somme demandée par le Port. En revanche, elle n’a pas suivi leurs demandes indemnitaires, le couple ne pouvant prouver que les dégradations ont bien eu lieu au Port autonome. En effet, le voilier en question était inhabité avant son déplacement, le couple en possédant un autre à la marina Taina. Le rapporteur public a néanmoins proposé au tribunal de verser 100 000 francs aux deux marins pour le préjudice, et 150 000 francs pour les frais : « Si les requérants ont stationné leur navire hors zone autorisée, il n’en reste pas moins que le Port autonome ne pouvait procéder, dans les conditions précitées, au déplacement de leur navire à leurs frais », souligne-t-elle. Le délibéré est attendu le 16 juillet.