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Le « revenge porn », défouloir des cocus sur Internet

La photo compromettante d’une femme publiée sur le site de revenge porn myex.com. © Capture d’écran

Ce phénomène, qui consiste à publier des photos ou des vidéos de son ex sur Internet, arrive en France. La justice s’en empare.

Vouloir se venger de son ex n’a rien de nouveau. Publier des photos ou des vidéos compromettantes de lui sur Internet après une rupture mal digérée l’est beaucoup plus. Cette pratique porte un nom : le « revenge porn », « la vengeance par la pornographie ». Un phénomène venu des Etats-Unis dont l’objectif est clairement de ruiner la réputation de son ancien partenaire livrant à tous les internautes son identité, son adresse, son âge et parfois même l’identité de son employeur. Outre-Atlantique, le « revenge porn » est devenu une arme de destruction massive à portée de main des cocus. En France, le phénomène prend de l’ampleur et arrive devant les tribunaux.

L’homme qui a inventé le « revenge porn ». Il s’appelle Hunter Moore. En 2010, après une rupture douloureuse, ce jeune Américain décide de lancer un site participatif sur lequel il publie des photos de son ancienne petite amie, nue, et incite les internautes à faire de même. Le succès est immédiat : isanyoneup.com recense rapidement des milliers de photos d’hommes et de femmes dans des postures compromettantes.

Sauf que, depuis, six Etats américains ont adopté une loi faisant du « revenge porn » un délit. Aujourd’hui, ce barbu aux multiples tatouages, âgé de 27 ans, est notamment poursuivi par la justice californienne pour quinze chefs d’accusation. Hunter Moore, surnommé « l’homme le plus détesté d’Internet », risque jusqu’à cinq ans de prison. Et Facebook a pris les devants en le radiant à vie du réseau social.

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Ravi de faire parler de lui et connu pour son arrogance Hunter Moore semble se moquer des sanctions qui le visent. Il faut dire que, malgré les poursuites dont il fait l’objet, le concept qu’il a mis en place connaît un engouement exponentiel. Son site initial a été fermé, mais de nombreux autres ont vu le jour, notamment myex.com. Pas surprenant quand on sait qu’un partenaire sur dix a déjà menacé son ex de publier des photos osées de lui et que 60% d’entre eux sont passés à l’acte, selon une étude commandée par la DMCA, une association qui vient en aide aux victimes de « revenge porn » aux Etats-Unis.

Des photos et des mots. Au delà des images, dégradantes, les mots utilisés pour se venger font mal. Sur myex.com, des hommes, dans une écrasante majorité, racontent comment leur ancienne copine « a couché dès le premier soir ». « Sandra couche avec des filles dans mon dos », peut-on lire en commentaire d’une photo présentant une femme, souriante, au volant d’une voiture. « Cette nana est mariée et trompe son mari », rapporte un autre amant déçu. Dans certains cas, les hommes appellent même à la violence. « Vous pouvez vous lâcher, c’est une dégueulasse », peut-on encore lire. Presque tous les commentaires inscrits en dessous des photos comprennent les qualificatifs « putes », « chienne », « salope », [sic].

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« Le ‘revenge porn’ est intimement lié à la mode du ‘slut-shaming’ (‘l’humiliation des salopes’, ndlr). Ce que l’on constate, c’est que cela concerne principalement les femmes. On discrédite une femme pour sa sexualité. On ne se contente pas juste de faire circuler son image, mais aussi des informations personnelles, par exemple sur l’employeur de la victime », s’inquiète Ovidie, une ancienne actrice porno, qui réalise aujourd’hui un documentaire sur la sexualité des jeunes avec l’émergence d’Internet.

Où sont les hommes ? Si l’étude de l’association révèle que le « revenge porn » se fait effectivement à 90% au détriment des femmes, les hommes ne sont toutefois pas épargnés par ce genre de pratiques. Les femmes sont en effet de plus en plus nombreuses à contre-attaquer, qualifiant leurs ex de « mauvais coups » ou de « pédés refoulés. « Il est navrant au plumard. La seule chose qu’il faisait, c’est me sucer toute la nuit », détaille l’une d’entre elles. « Cet enculé m’a trompé avec trois filles », confie une autre. « Je l’ai vu branler des vieux mecs dans un parc », peut-on encore lire.

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La justice américaine se montre assez clémente. Une étude commandée par l’association venant en aide aux victimes de « revenge porn » aux Etats-Unis, souligne que 93% d’entre elles se disent aujourd’hui en situation de grande détresse. Un drame pour illustrer les ravages du « revenge porn » : en 2010, Tyler Clementi, étudiant âgé de 19 ans s’est suicidé après avoir été filmé par son colocataire alors qu’il était en train de faire l’amour avec son partenaire. Deux ans plus tard, le colocataire, Darhun Ravi, a été condamné par la justice du New Jersey à trente jours de prison.

« Le problème c’est qu’aux Etats-Unis, les cours [en première instance] vont souvent dans le sens des victimes des abus d’Internet. Mais ensuite, les affaires passent devant la Cour suprême, qui se réfère au premier article de la constitution, qui prône la liberté au sens le plus large du terme », commente François Durpaire, historien et spécialiste des Etats-Unis, interrogé par Europe 1. Au nom de la liberté d’expression, les Etats-Unis tolèrent donc le « revenge porn ».

Quelles condamnations en France ? En France, la justice tâtonne. Le phénomène est encore peu connu du grand public et il existe peu de sites spécialisés en français. Le « revenge porn » prend souvent une autre forme : les photos ou vidéos compromettantes sont envoyées à des proches, postées sur Facebook, publiées sur des sites de rencontres classiques ou diffusées sur des sites spécialisés dans le porno amateur. Autant de sources qui compliquent le travail de la justice.

Le dernier cas jugé remonte à début avril. A Metz, un homme de 35 ans a été condamné à 12 mois d’emprisonnement avec sursis pour avoir diffusé sur Facebook, sur un Skyblog et des sites de rencontres des photos de son ancienne compagne dans des postures explicites. Le nom de l’enseignante et son adresse avaient également été mentionnés par l’ex-compagnon indélicat. Le tribunal correctionnel a assorti sa décision d’une obligation d’indemniser la victime. Un mois plus tôt, dans la Manche, un homme avait, lui, été condamné à six mois de prison avec sursis et 2.500 euros d’amende pour avoir diffusé la vidéo de ses ébats avec son ex sur un site gratuit de vidéos pornographiques, rappelle 20 Minutes.

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Mais, en l’absence de directives de la Chancellerie, chaque juge traite au cas par cas. Souhaitant se venger de sa compagne qui était partie dans les bras d’un autre, un homme a publié une vidéo compromettante de son couple sur la page Facebook du nouveau compagnon. Dans ce cas précis, le tribunal du Doubs a relaxé l’amoureux éconduit, alors que le parquet réclamait une condamnation pour « atteinte à l’intimité de la vie d’autrui en captant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de leur auteur […] l’image d’une personne se trouvant dans un lieu privé ».

Que faire si je suis victime ? Le premier réflexe à avoir en cas de menaces est de garder des preuves de ces chantages pour pouvoir attaquer en justice. Si les photos ont déjà été publiées, notamment sur Facebook, il ne faut pas hésiter à contacter le réseau social. Connu pour sa pudibonderie, Facebook fait le ménage en moins de huit jours. Il faut toutefois que la photo soit explicite et montre une partie intime. Chaque jour, le réseau social supprime plus de trois millions de photos dans le monde.

Pour supprimer les contenus publiés sans consentement, les sites de « revenge porn » proposent eux-mêmes de le faire en échange… d’argent. Un business juteux auquel il ne faut pas céder. Le mieux reste, une fois que le mal est fait, de s’adresser à des sites d’e-réputation. Ces sociétés font remonter les contenus avantageux pour l’internaute, c’est-à-dire des profils sur les réseaux sociaux comme Facebook, Linkedin ou Viadeo. Les contenus compromettants ne sont pas supprimés mais relégués dans les tréfonds de Google. Un moindre mal.

Source : Europe1