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« Le Roi absent » de Moetai Brotherson réédité

Au Vent des Îles, qui fête ses 30 ans cette année, réédite le roman de Moetai Brotherson, Le Roi absent, paru en 2007 et dont la première édition est épuisée. Avec l’espoir de faire découvrir et redécouvrir ce « pavé » de 500 pages qui reste une borne incontournable de la littérature polynésienne.

En 2007, le roman d’un jeune auteur encore peu connu, chef de service aux Postes et Télécommunications après une formation d’ingénieur et une expérience professionnelle aux États-Unis, faisait sensation. Le Roi absent, c’est 33 ans de la vie de Moanam, muet, orphelin et surdoué, depuis sa naissance aux Marquises, en passant par son éducation à Huahine, sa découverte de Tahiti puis de Paris où il fait de brillantes études, jusqu’à son retour à Tahiti et sa déchéance.

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Un « pavé » de 500 pages qui s’avale d’une traite, mêlant la voix intérieure de Moanam et celle de son double qui ne lui apparaît que dans des rêves embrumés de drogues, mêlant les cultures et cherchant ses racines dans l’histoire tourmentée de la Polynésie. « Il est muet, déjà, et dans une civilisation de l’oralité, quand on est muet, quelle est notre place ? Et puis il n’a pas une existence facile, à la fois parce qu’il est muet, mais aussi parce qu’il ne pense pas comme tout le monde. »

Si le livre a marqué une nouvelle et importante étape dans la littérature polynésienne émergente, il se caractérise aussi par « un angle universel qui déborde de l’identitaire, » dit Lucile Bambridge de Au Vent des Îles. À l’image de son auteur, chez qui l’engagement n’interdit ni l’ouverture, ni l’humour, ni le plaisir évident du conteur.

Écrire, Moetai Brotherson fait depuis qu’il a 14 ans, « pour moi, mes amis, mes frangins. » Le déclic se produit la veille de l’enterrement de sa mère, dit-il. « Ce livre m’est littéralement tombé dessus. J’ai fait ce rêve gigantesque qui était l’histoire du Roi absent. (…) J’ai écrit pendant trois mois, tous les soirs, presque de l’écriture automatique. J’ai fait le travail documentaire a posteriori. Ça reste de la fiction, mais il faut quand même une cohérence. J’aime pas raconter des bêtises. »

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Neuf mois plus tard, il l’enverra à plusieurs grands éditeurs parisiens qui se disent intéressés, « mais j’avais envie que mon bébé naisse chez lui », dit-il. Il rencontre Christian Robert, le fondateur de Au Vent des Îles, qui dit oui tout de suite : « Je n’étais même pas rentré chez moi à Punaauia que le téléphone a sonné et qu’il a dit, c’est bon, je prends. »

À la parution du livre, l’auteur découvre ses lecteurs. « On ne sait pas, on imagine des vieux profs à lunettes, des intellos. » Mais ce sont aussi une patronne de roulotte chinoise, ou son beau-frère docker qui s’enferme quatre jours durant avec le livre en s’aidant d’un dictionnaire, dit-il. Treize ans après, Le Roi absent est présent dans les bibliothèques des collèges et des lycées polynésiens – l’auteur s’y rend « à chaque fois qu’on me sollicite », dit-il.

Moetai Brotherson espère à présent que de nouveaux lecteurs vont découvrir son livre : « J’espère que cette édition va trouver un nouveau public, depuis la première il y a presque une génération, que certains vont se laisser embarquer. »

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Ceux qui l’ont déjà lu restent sur leur faim, et ceux qui vont le lire à présent aussi sans aucun doute, attendant la suite. Elle existe, quelque part sur les disques durs de l’auteur, qui « attend le bon moment. Pour l’instant je ne le sens pas. La politique est un métier très difficile, chronophage. Pour terminer un livre on a besoin de s’isoler dans une bulle. »