Pour le président du pays, les visites d’élus Tavini en Azerbaïdjan, État autoritaire en froid avec Paris, sont « au titre du parti ». S’il reconnait qu’il faudrait « être aveugle pour ne pas connaître la situation » dans ce pays accusé de crimes de guerre dans la région du Haut-Karabagh, Moetai Brotherson y voit là une sorte de poil à gratter à destination de Paris, où il invite le gouvernement central à « tendre l’oreille » au sujet de la revendication indépendantiste. Et, comme Oscar Temaru, il rappelle que la France avait aussi des relations avec des pays « peu recommandables ».
Les visites d’élus Tavini en Azerbaïdjan sont de nouveaux revenues sur la table, lundi matin à la présidence. La semaine dernière, une délégation de huit membres du parti indépendantiste s’est faite inviter à Bakou, pour, selon la presse locale, examiner « les possibilités d’établir une coopération entre l’Azerbaïdjan et la Polynésie française dans les domaines interparlementaires : économique, humanitaire, ainsi que scientifique, éducatif, sportif, de santé et autres ».
Interrogé lundi matin sur la responsabilité du Pays dans ces coopérations potentielles, Moetai Brotherson a expliqué que « cette délégation est partie au titre du Tavini et non de la Polynésie », qu’il n’avait « pas connaissance d’accord au niveau de l’exécutif » et qu’il préférait « laisser le Tavini s’exprimer sur le sujet ». Oscar Temaru, qui avait pris place aux côtés des ministres, ne s’est pas fait prier, rétorquant à ceux qui pointent la situation politique en Azerbaïdjan, un pays autoritaire, qu’« on voit bien Macron aller en Chine ». Le président du Tavini juge que « les médias occidentaux fabriquent ce qu’ils veulent, quand il s’agit d’un pays avec lequel il ne sont pas très en phase. »
« Il faut distinguer le comportement d’un pays souverain dans son pays et la politique internationale »
Pour autant, Moetai Brotherson a reconnu qu’il « faudrait être aveugle pour ne pas connaître la situation dans le Haut-Karabagh » un territoire azerbaïdjanais qui tente de s’émanciper de Bakou, et où le pays est soupçonné de crimes de guerre. « Il faut distinguer le comportement d’un pays souverain dans son pays – et on peut ne pas être d’accord – et la politique internationale », a ajouté le président, après avoir déclaré qu’ « il ne faut pas nous dire que l’Azerbaïdjan est le grand méchant diable, alors que la France a des accords commerciaux avec Bakou ». Tout en embrayant sur l’argument de la Chine « ou de certains pays du Moyen-Orient pas très recommandables avec qui l’État français a des relations diplomatiques continues ».
Pour le patron de l’exécutif, « c’est malheureux à dire, mais il faut parfois forcer un peu le trait pour que l’Etat tende l’oreille. Je pense que l’Etat devrait déjà être venu autour de la table » des discussions au sujet de l’accession à l’indépendance, « depuis très longtemps ». « Si on peut faire sans, ça me va, mais s’il faut forcer le trait pour qu’il tende l’oreille, et bien il faut forcer le trait ».
Jusqu’à la caricature ? Lors de la visite de la semaine dernière, les médias locaux (tous soumis à la censure du gouvernement, l’Azerbaidjan étant classé 164e sur 180 pays sur l’échelle de la liberté de la presse) rapportent que le secrétaire général du Tavini Vito Maamaatuaiahutapu avait déclaré lors d’une conférence que « la France veut poursuivre les essais nucléaires sur le territoire ».