Après l’accord de coopération très polémique entre le Congrès de Nouvelle-Calédonie et le Parlement d’Azerbaïdjan, « le Groupe d’initiative de Bakou » une structure de lutte « contre le colonialisme français » créée par le gouvernement azeri vient d’annoncer la signature d’un partenariat avec le Tavini. Le mémorandum, validé par les plus hautes instances du parti, a été présenté au directeur de l’organisme azéri lors d’une réunion à Vienne ce mardi 30 avril, par Vito Maamaatuaiahutapu et Richard Tuheiava.
Acteur économique majeur de la région du Caucase, riche en pétrole et en gaz, l’Azerbaïdjan et ses 10 millions d’habitants entend aussi peser sur l’échiquier diplomatique. Un terrain devenu de plus en plus glissant avec la France, avec qui les relations se sont fortement dégradées ces dernières années.
Les médias d’état de ce pays, considéré comme un des plus autoritaires au monde, viennent d’annoncer la signature d’un partenariat avec le Tavini, via « le Groupe d’initiative de Bakou », une structure dédiée à lutter « contre le colonialisme français ». Le Tavini y possède son rond de serviette, aux côtés d’indépendantistes Guadeloupéens, Kanak, Guyanais ou Martiniquais, depuis la création de ce groupe en juillet 2023, en présence de quatre représentants bleu ciel, dont le président du parti Oscar Temaru et le président de l’assemblée de Polynésie Tony Géros.
Ce nouveau partenariat prend la forme d’un « mémorandum ». « La signature de ce mémorandum revêt une grande importance en termes de détermination des perspectives de développement des relations futures et de développement de la coopération, détaille l’agence de propagande Azertac dans un communiqué. Le mémorandum ouvrira la voie à prévenir les menaces à l’identité nationale en réduisant les effets de l’assimilation et à obtenir des résultats importants dans le sens de la décolonisation ».
Un texte a été validé la semaine passée par les instances du Tavini qui ont ensuite missionné Vito Maamaatuaiahutapu et Richard Tuheiava pour représenter le parti, ce mardi à Vienne, lors d’une conférence sur la décolonisation organisée au siège de l’ONU.
Après la signature d’un premier accord avec le Congrès calédonien, Darmanin dénonçait une « ingérence extrêmement néfaste »
Cet accord intervient quelques jours seulement après la signature d’un premier texte entre le parlement azeri et le Congrès de Nouvelle-Calédonie. L’élue UC-FLNKS Omayra Naisseline avait paraphé cet autre mémorandum au nom du président de l’institution, l’indépendantiste Roch Wamytan,. Ce qui avait vivement fait réagir le ministre de l’Intérieur et des Outre-mer Gérald Darmanin, lequel avait évoqué « l’ingérence extrêmement néfaste » de l’Azerbaïdjan en Nouvelle-Calédonie, lundi devant la commission des lois de l’Assemblée nationale.
« Ces ‘protocoles politiques’ ne sont évidemment pas possibles au sens politique du terme, pas moralement acceptables », a estimé Gérald Darmanin, regrettant que certains indépendantistes « voient dans l’Azerbaïdjan une planche de salut ». Cet accord « nous interroge sur la volonté profonde d’un certain nombre de groupes qui ont pris l’Azerbaïdjan comme modèle politique et qui ne doit pas être celui qui doit se développer en Nouvelle-Calédonie », avait-t-il insisté.
Bakou s’intéresse de près aux territoires français du Pacifique depuis plusieurs mois. Le président Ilham Aliyev – à la tête du pays depuis 21 ans – reproche à Paris son soutien à l’Arménie, sur fond de conflit frontalier dans la région du Haut-Karabagh. Ce territoire Azéri, majoritairement peuplé d’Arméniens désireux de s’émanciper de Bakou, est le théâtre régulier d’offensives de l’Azerbaïdjan, qui est finalement parvenu à en reprendre totalement le contrôle après une attaque éclair en septembre dernier, sur fond de crimes de guerre, comme lors du précédent affrontement entre les deux territoires, trois ans plus tôt.
L’Arménie, qui compte une importante diaspora en France, s’est alors tournée vers Paris avec qui un « accord de coopération militaire » a été signé en octobre. Depuis, l’Azerbaïdjan a accentué ses provocations envers la France. Et se sert pour cela des velléités indépendantistes dans les différents territoires d’outre-mer. Début janvier, la commission des affaires étrangères du parlement Azéri avait recommandé au gouvernement de couper tout lien économique avec la France et de « prendre des mesures » en vue de la reconnaissance de l’indépendance de la Corse, de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie française.
Le Tavini « absolument pas » engagé à soutenir l’Azerbaïdjan
Du côté du Tavini, on se défend toutefois de toute instrumentalisation. D’abord parce que le mémorandum, qui n’a pas encore été rendu public, n’implique « absolument pas » un soutien à la politique intérieure ou extérieure de l’Azerbaïdjan, comme le souligne Ella Tokoragi. La secrétaire générale adjointe du Tavini et membre du conseil d’administration du « Groupe d’initiative de Bakou », qui a déjà parlé au nom du collectif à l’ONU en octobre, et s’est rendu à Bakou en juillet et en novembre, explique que l’aide à l’accession à la pleine souveraineté de la Polynésie est le seul objet de ce partenariat.
« On en retient uniquement la possibilité pour nous de se faire entendre à l’international, souligne la proche d’Oscar Temaru. On ne va pas se mêler de ce qui se passe en Arménie, ou des rapports entre l’Azerbaïdjan et la France. Mais si ce mémorandum peut déclencher une réaction de la France, pousser l’État à se mettre à la table des négociations à propos de la Polynésie, c’est bon à prendre ».