Budget doublé, price-money global largement réévalué, retour à une formule classique, organisation « plus professionnelle », diffusion internationale… Après avoir envisagé la disparition pure et simple des courses, les organisateurs du Te Aito (du 6 au 8 juin) et du Super Aito (24 août), dont ne fait plus partie Reynald Temarii, veulent montrer qu’ils ont « su entendre » les contestations des années précédentes pour « regagner la confiance des rameurs ». Mais font face à une nouvelle concurrence, celle du Taho’e et du Super Taho’e, deux courses similaires portées par des champions mécontents.
Une pétition de rameurs mécontents d’un changement de parcours en 2022 au point de ne plus vouloir revenir sur la course, un chèque déchiré sur le podium la même année, d’autres champions mécontents de l’organisation globale – et surtout du prize-money – l’an passé… Ces derniers temps, les organisateurs des Te Aito Events ont mené leur pirogue au milieu des remous.
Au point d’envisager la suppression de l’épreuve, née en 1988, question placée en tête de l’ordre du jour lors de l’assemblée générale des organisateurs, en décembre dernier. « On a reconnu que nous n’avons pas été bons en 2023, et que si on ne changeait pas de vision et d’organisation, il valait mieux tuer le Te Aito et le Super Aito », raconte le président du comité Mara Aitamai, co-créateur de la course et rappelé à la barre par son compère Charley Maitere, après plusieurs années de pause. « Ce point a rapidement été annulé en début d’assemblée générale », rassure celui qui a repris la place laissée vacante « d’un commun accord » avec Reynald Temarii, revenu au football.
Une seule étape
La course mythique est donc bel et bien programmée cette saison : du 6 au 8 juin pour le Te Aito et le 24 août pour le Super Aito. Avec l’idée de « faire rapidement oublier » les errements des années précédentes. L’ancien cycliste le sait, les organisateurs sont « attendus au tournant, carrément ». « Cette année, nous avons eu la force d’écouter, et surtout d’entendre. On a identifié les problématiques, lu les réseaux sociaux… », assure Mara Aitamai. Son objectif, « réorganiser le Te Aito comme l’ont toujours apprécié les rameurs auparavant ». Exit donc les deux étapes proposées l’an passé. Exit aussi les autres supports : début juin, les rameurs se disputeront le prestigieux trophée sur une seule étape, uniquement en va’a hoe, sur 24 kilomètres pour les tane et 15 km chez les vahine, au départ d’Aorai Tini Hau. Fin août, le Super Aito « Super Sprite Chanel Race » sera disputé entre Moorea et la pointe Vénus (32 km).
Cinq millions de prix au total et zéro bénéfice
Marai Aitamai promet aussi une organisation dotée d’une meilleure communication, « beaucoup plus professionnelle » et « la plus blindée » du pays en terme de sécurité, avec un dispositif semblable à celui de la Hawaiki Nui. Et surtout, il annonce un price money largement réévalué. Cette année, le vainqueur du Te Aito Open hommes touchera 200 000 francs, contre 120 000 et 90 000 pour ses plus proches poursuivants et 60 000 pour le vainqueur de chaque catégorie. Comptez 150 000 francs pour la meilleure des vahine. « On ne va pas parler de l’an passé, puisque le donnant-donnant (inscription gratuite mais prix réduits) n’avait pas plu à la bande de révoltés. Mais si l’on se réfère à 2022, le prix global entre Aito et Super Aito était de 2,8 millions. Cette année, c’est cinq millions », annonce le président.
Forcément, ce sont des coût en plus. D’autant qu’avec la défection des chaines locales, l’organisation a décidé de produire elle-même la diffusion live de l’événement, en partenariat avec Ocean Paddler TV, une chaine américaine spécialisée . « Nous avons composé une équipe de commentateurs en français, en anglais et en tahitien, pour faire une diffusion internationale », lance-t-il encore. De quoi faire exploser le budget, chiffré à une vingtaine de millions de francs, le double des années précédentes. Pour financer tout ça, Mara Aitamai, Charley Maitere et leurs nombreux bénévoles peuvent compter sur le retour « de sponsors historiques, qui sont pratiquement tous revenus », et sur les frais d’inscriptions, eux aussi de retour cette année (sauf pour les para et les U7). De quoi atteindre un équilibre précaire : « on va faire une année zéro, sans dégager un seul franc de bénéfices, mais on espère avant tout confirmer la confiance de nos sponsors et redorer les lettres de noblesse du Te Aito et du Super Aito ».
Les frondeurs font concurrence avec une Taho’e et une Super Taho’e
L’organisateur souhaite prêcher cette bonne parole auprès d’un millier de rameurs, l’effectif attendu cette année. « On va peut-être battre le record ‘étrangers, avec plus de 250 rameurs », souligne Marai Aitamai. Dans le détail, le plus gros contingent est attendu depuis la Métropole, avec 70 français, suivi de Hawaii (60) et de l’Australie (50). Néo-Zélandais, Fidjiens et autres Japonais sont aussi prévus au départ.
Mais quid des champions locaux ? L’an passé, une partie d’entre eux -Steeve Teihotaata, Hititua Taerea, Kevin Céran-Jérusalemy, Reo Bennett, Ricky Aitamai, le regretté Kevin Kouider, Hotuiterai Poroi, ou Hinatea Bernadino, entre autres – s’étaient regroupés sous la bannière d’une nouvelle association, Save Va’a. Ils avaient monté une épreuve concurrente, laquelle avait rassemblé 400 rameurs, tandis que le Super Aito, prévu le même jour, avait été annulé pour forte houle.
Cette année, les deux parties confirment des discussions. « On a été des adultes », assure Mara Aitamai, concédant ne pas être « convaincu qu’ils aient été convaincus ». Et pour cause, puisque Save Va’a propose cette année deux épreuves concurrentes à des périodes similaires : la Taho’e, le 1er juin à la pointe Vénus, et une Super Taho’e qui devrait avoir lieu au mois d’août, sur un modèle de qualification équivalent au Super Aito.
Du côté de Save Va’a, on confirme se concentrer sur ces organisations. Difficile d’imaginer voir les frondeurs ramer à nouveau sur les ‘Aito donc. Ce qui ne semble pas gêner outre-mesure Mara Aitamai, qui dit « souhaiter qu’ils puissent pérenniser leurs courses ». « Il y a de la place pour des concepts de ce genre », poursuit-il. Avant de prévenir : « Ils sont jeunes et tout foufous, mais attention à créer une course pour faire plaisir aux rameurs et non pas pour se venger de quelque chose. » Selon l’organisateur historique, « les rameurs attendent autre chose qu’un copié-collé du Te Aito ». Il reconnaît toutefois « une magnifique » proposition de la concurrence dans son programme : une fun race au format court dédiée aux néophytes et aux pratiquants occasionnels. Et lance un appel au « respect » entre organisateurs, car « vouloir tirer la couverture ne pas pas produire du positif pour le va’a ».
Le projet « World Tour 2030 » suit son cours
Si Mara Aitamai souhaite être prophète en son pays, c’est aussi pour des enjeux internationaux. En effet, Te Aito Events œuvre depuis plusieurs années à la création d’un circuit mondial labellisé Te Aito, prévu pour 2030. « Nous comptons déjà onze pays avec nous, bientôt treize », souligne-t-il. Des événements ont par exemple déjà été organisés en France, au Japon, à Wallis, en Nouvelle-Zélande ou aux États-Unis. Des discussions sont notamment en cours avec le principauté de Monaco pour organiser une épreuve en 2025. Trois nouvelles étapes sont aussi prévues aux USA, à Miami, Catalina et Hawaii. Leur officialisation est en cours, selon Te Aito Events, qui précise qu’une réunion doit prochainement se tenir entre les différentes organisations concernées, afin « de poser un calendrier qui permettra aux différents pays de recevoir les rameurs du monde entier sur des dates différentes ». Par ailleurs, l’ancien rameur Lewis Laughlin, 11 fois lauréat du Te Aito, a récemment été nommé ambassadeur du projet World Tour. « L’objectif est d’attirer 1 000 étrangers en 2030, pour toucher près de 2 000 rameurs avec les locaux… si on est encore là », sourit Mara Aitamai. |