Le nouveau ferry de 77 mètres de long a fait son entrée, ce matin, dans le port de Papeete. Il doit, à partir de juillet, concurrencer l’Aremiti sur la ligne de Moorea, mais aussi développer le transport de fret et de passagers vers les Raromata’i. Mais le navire et sa société d’exploitation, distincte de celle du Terevau, sont aussi au milieu d’une bataille d’actionnaires qui ne profitera pas aux passagers.
Sirène de bienvenue à l’entrée de la passe, trajet côte à côte jusqu’au port, entourés des pirogues venues pour l’occasion… En mer « tous les marins sont frères », et ceux du Terevau et du Terevau Piti le sont tout particulièrement. Le navire a grande vitesse a accueilli ce matin le nouveau ferry, qui avait été conçu pour « compléter » sa desserte. Longtemps, les chefs de file du Terevau ont présenté ce projet comme une « évidence » : après avoir concurrencé Aremiti sur le transport de passagers, il fallait développer les capacités de la flotte et s’attaquer au marché du fret.
Le bateau de 77 mètres de long peut ainsi accueillir 675 passagers, 65 véhicules ou encore 400 tonnes de marchandises… « Sa première mission c’est de répondre aux besoins de la population de Tahiti et Moorea, rappelle Tino Fa Shin Chong, capitaine du nouveau navire et dirigeant de sa société d’exploitation, la SAS Terevau Piti. Il a tenu à embarquer sur le ferry à Fakarava pour pourvoir arriver « les mains sur la barre » à Tahiti. Et a bien l’intention d’emmener le ferry au delà des îles du Vent. « Ce bateau a aussi été fait pour desservir les îles Sous-le-Vent, en s’adaptant à tous les types de quais qui existent là-bas » explique-t-il. Un défi au moment de la conception, et un défi de navigation : des stabilisateurs rétractables doivent permettre au ferry d’affronter le mara’amu au retour des Raromata’i « sans problème ». Ces rotations, vers Huahine, Raiatea, Bora Bora, mais aussi Tahaa et potentiellement Maupiti, resteront toutefois cantonnées, dans un premier temps, aux vacances et périodes d’affluence : la licence d’exploitation n’astreint le Terevau Piti qu’à 9 allers-retours par an.
Après quelques manœuvres dans le port de Papeete, et une rencontre – là encore amicale – avec l’Aremiti, le ferry construit en Espagne pour près de 3,4 milliards de francs a rejoint un quai sous douane. Avant la mer, c’est côté administratif qu’il faudra affronter : « il y a beaucoup de travail » concède Tino Fa Shin chong. Si tout va bien, le navire rejoindra son quai de la gare maritime, spécialement préparé pour son arrivée à côté de la base navale, dans deux semaines. Le début d’exploitation, lui, est plus incertain : la SAS Terevau Piti « espère » pouvoir rallier Moorea le 21 juin, mais ce calendrier est conditionné à l’achèvement par le port autonome des travaux du quai temporaire à Vaiare. Un voyage inaugural vers les îles Sous-le-Vent aura lieu « quoiqu’il arrive » le 25 juin, au début des vacances scolaires.
« Deux sociétés bien distinctes »
Mais d’ici là la SAS aura beaucoup de chose à régler. Et notamment ses rapports avec la SARL « SNGV 2 Moorea ». La société qui exploite le Terevau, et qui a été une des assises importantes du projet de Terevau Piti, à l’égard des financeurs et en terme d’image notamment, n’est actionnaire qu’à 35% de la SAS Terevau Piti. Les autres actions sont divisées entre certains collaborateurs ou ex-collaborateurs de la SNGV, dont Tino Fa Shin Chong (14%) et de nouveaux investisseurs, trouvés entre 2017 et 2019, pour assurer le financement du projet. Cette participation minoritaire a aiguisé, à mesure que l’arrivée du ferry se profilait, les tensions entre les associés originels du Terevau. Au sein de la famille Faura, notamment, on a dénoncé le manque d’information, voire de transparence, ainsi que la tournure « personnelle » que prenait ce nouveau projet, « dans lequel toute la société s’est investie ». La coupe déborde en novembre dernier, avec le licenciement par Tino Fa Shin Chong de Maui Tetu, chef mécanicien et lui aussi actionnaire minoritaire des deux sociétés. Moins d’un mois plus tard, lors d’une assemblée générale, le capitaine toujours actionnaire à hauteur de 35% est écarté de la gérance de la SNGV.
Aujourd’hui, Heifara Faura, co-gérante de la société d’exploitation du Terevau avec Maui Tetu, dit se féliciter de voir le nouveau ferry, tant attendu ces dernières années, entrer dans la passe. Mais elle regrette de n’être associée « en rien » à cette arrivée, ou du lancement qui va suivre. Une partie de la direction de la SNGV a suivi l’ancien gérant à la SAS et les employés, souvent pris à partie, sont tiraillés entre les deux sociétés dont la nature des relations n’a pas été tranchée. « Aujourd’hui ce sont deux entités entièrement distinctes », précise-t-on des deux côtés. Billetterie, logistique, locaux… « On continue à leur dire qu’il faut discuter, mettre en commun nos moyens, il faut le faire dans l’intérêt des employés et des habitants de Moorea », insiste Heifara Faura. À entendre les responsables de la SAS Terevau Piti, ce sont au contraire les considérations « personnelles plus que professionnelles » du côté de la SNGV qui empêchent ce rapprochement. Les tensions sont donc toujours toujours d’actualité et il est à craindre que ce ne soient, à terme, les tribunaux qui aient à les résoudre. Les passagers n’en sortent pas gagnants : si le Terevau Piti sera bien « opérationnel » fin juin, ses tickets ne pourront pas être utilisés sur le Terevau, et ne devraient même pas être vendus au même endroit et suivant la même grille tarifaire.
L’entrée du Terevau Piti dans le port de Papeete :