Ce jeudi en audience à juge unique, la matinée était entièrement consacrée à des violences en tout genre. Conjugales, entre voisins ou sur personne dépositaire de l’autorité publique. Bien que le sujet ne prête pas spécialement à sourire, le comportement de certains prévenus ou les échanges avec l’autorité judiciaire font que parfois on a l’impression d’assister à un Vaudeville.
Le premier à passer à la barre, c’est Joseph, 35 ans, petit, sec, l’air teigneux. Il a été extrait de Nuutania, où il purge une peine de 12 mois ferme, pour passer en jugement. Les faits qu’on lui reproche remontent à 2019. Alors que le couple est en voiture, Joseph constate que sa compagne n’a pas pipé mot depuis le départ. Et lui, le silence, ça lui porte sur les nerfs. Il invective sa compagne et tout en conduisant lui serre le bras, provoquant des hématomes. Le lendemain sa compagne étant toujours enfermée dans son mutisme, il remet çà mais cette fois à coups de pieds dans les jambes. Elle porte plainte à la gendarmerie, expliquant qu’elle est victime de violences conjugales depuis deux ans.
« C’est vieux ça, on est en 2022 mon pote »
À la barre, Joseph toise d’un regard noir, juge et procureur. « Pourquoi avez-vous fait cela ? » l’interroge le magistrat. « J’ai déjà répondu aux questions, c’est fiu de répéter les mêmes choses ». Le juge lit alors sa déposition de 2019 lorsque Joseph l’interrompt, « c’est vieux ça, on est en 2022 mon pote », « pardon, mon pote ? » s’estomaque le juge, puis assuré d’avoir bien entendu : « Je ne suis pas votre pote. C’est un outrage et vous risquez de revenir devant le tribunal, c’est compris ? » Bataille de regards. « Vous pouvez me défier de votre regard, j’ai tout mon temps » assure le juge. Intervention de la procureure, « vous aviez un emploi avant d’aller en prison ? », « je travaillais dans le noir ». Elle réfléchit quelques secondes, « vous voulez dire au noir ? », « oui c’est ça. » Le juge le condamne à huit mois ferme, une peine qui sera confondue avec celle qu’il purge actuellement. « Je ne veux pas retourner en prison, je veux aller travailler dans les îles » s’exclame Joseph qui conclut, « je suis bien en prison, y a des collègues, on me nourrit, je fais mon sport, mais ça ne sert à rien. »
Double fracture de la mâchoire, 48 jours d’ITT
Arnaud a 30 ans et est convoqué pour avoir fracturé la mâchoire de son voisin d’un coup de poing. Une double fracture qui a occasionné 46 jours d’ITT à sa victime. Bien qu’avoisinant le double mètre, il ne semble pas particulièrement dangereux, ni bien méchant. Il a l’air emprunté et mal à l’aise. Au lieu de monter le pied de micro afin qu’on l’entende, il se plie en deux pour parler dedans, il faut que ce soit l’huissier qui lui lève le micro. Selon son voisin – ils se connaissent depuis 20 ans – qui lui sert de chauffeur de temps à autres car Arnaud n’a pas le permis, « je suis allé le récupérer à son travail à la Punaruu. Il était saoul et on a chargé son vélo dans mon coffre. Alors que l’on roulait vitres ouvertes, il s’est mis à insulter des filles qui passaient et cela plusieurs fois. À un moment je me suis garé au bord de la route et je lui ai dit de descendre. Pendant que je sortais son vélo du coffre il en a profité pour m’envoyer un coup de poing puis s’en est allé avec son vélo. » Souffrant, il se rend alors à l’hôpital où on lui annonce qu’il a la mâchoire fracturée à deux endroits. Opération, plaques pour maintenir les morceaux ensemble, bref un calvaire pour la victime.
« Quand je suis parti j’ai vu qu’il se tapait la tête contre le volant de sa voiture. »
Devant le juge, Arnaud lit fébrilement un papier, « C’est faux, il m’a pris mon vini et il ne voulait pas me déposer à Temaruata. Il m’a laissé à la station Mobil en m’insultant et c’est là que je l’ai frappé. » « Pourquoi vous lisez ce papier ? » lui demande le juge, « vous y étiez non ? Pourquoi l’avez-vous frappé ? », « ben il était tellement énervé et il m’insultait, mais quand je suis parti j’ai vu qu’il se tapait la tête contre le volant de sa voiture. » Puis il reprend la lecture de son papier, sur lequel on comprend qu’il a noté tous les faits et geste de son voisin, « Le lendemain, il est passé devant chez moi et je l’ai appelé. Il m’a regardé et il s’est mis à se donner des coups de poings sur la figure. Il est incontrôlable » assure-t-il. On entend sa victime dans la salle, marmonner « c’est faux, c’est lui qu’est incontrôlable, il s’est fait virer de son boulot. Je n’ai jamais pris son vini. C’est n’importe quoi. Il était saoul.»
Arnaud insiste, « ce n’est pas moi qui lui ai fait ça, c’est un malade». Le juge lui demande s’il insinue que son voisin s’est fracturé lui-même la mâchoire, Arnaud l’affirme d’un signe de tête. « Difficile de se fracturer la mâchoire en se frappant la tête contre le volant, estime le juge, d’autant que vous reconnaissez l’avoir frappé. » « Mais c’est pas moi qui a commencé » poursuit Arnaud aussitôt interrompu par le juge, « peu importe, le fait est que la violence n’est pas une solution, en tous cas pas une bonne réponse ». Il a été condamné à 8 mois de prison avec sursis avec un travail d’intérêt général de trois semaines et l’obligation de rembourser la CPS à hauteur de 400 000 francs. Quant au dédommagement qu’il devra verser à son voisin, cela passera plus tard en jugement.