ACTUS LOCALESSPORTS Le va’a aux JO ? Pas si simple… Waldemar de Laage 2024-11-25 25 Nov 2024 Waldemar de Laage ©C. Favreau/Vendée Va'a Le va’a aux Jeux olympiques ? La pirogue a des atouts à faire valoir et la Fédération tahitienne va participer début décembre à un forum à Monaco, où elle militera pour l’inclusion de sa discipline. Elle va aussi tenter de reprendre les rênes de la Fédération internationale de va’a, qui n’est pas reconnue par le Comité international olympique (CIO). À défaut, la FTV tentera de créer une nouvelle « union internationale », qui nécessitera une implantation en Afrique. Restera ensuite à convaincre le Comité et Brisbane 2032 d’inclure la pirogue dans ses « sports additionnels », face à une très forte concurrence. Des pirogues polynésiennes aux JO, c’est un projet de longue date, mais il a fallu attendre 2024 pour voir les choses s’accélérer. En octobre, un ancien skieur marocain, Samir Azzimani, s’est rendu sur la Hawaiki Nui Va’a, et a expliqué vouloir développer la discipline dans son pays. Il n’en fallait pas plus pour susciter l’emballement. Ce mois-ci le Pays a annoncé un soutien officiel aux ambitions de la Fédération tahitienne de va’a, qui multiplie les opérations pour faire avancer sa cause. Une résolution de soutien va également être présentée à Tarahoi. Une délégation va s’envoler début décembre pour Monaco. Le président de la fédération Rodolphe Apuarii, certains cadres techniques, un représentant du Pays, le sénateur Teva Rohfritsch et l’ancien ministre des sports Jean-Pierre Beaury participeront au forum Peace and Sports. Créé par le président de la Fédération française de pentathlon Joël Bouzou, membre du CIO et conseiller du prince Albert de Monaco, lui-même membre du Comité, l’événement est l’occasion pour les dirigeants tahitiens de faire du lobbying et de « présenter notre stratégie » qui court jusqu’en 2027, dit Jean-Pierre Beaury. Une discipline du canoë-kayak ? C’est non Malgré un certain assouplissement des critères d’admission – qui n’impliquent plus un nombre minimum de licenciés ou une étendue de la pratique dans un nombre requis de pays ou de continents – et d’avantage de libertés accordés au pays hôtes dans le choix des disciplines additionnelles, le chemin, ou plutôt les deux chemins possibles, vers l’accession au programme olympique s’annoncent très longs pour les piroguiers polynésiens. La première option, la plus simple sur le papier, serait d’inclure la discipline va’a au sein du programme de canoë-kayak, chapeauté par la Fédération internationale de canoë. C’est par ce biais que des épreuves de pirogues ont été inclues au programme des Jeux paralympiques en 2021 et en 2024, comme discipline du paracanoë, sur des « canoë à balancier ». Mais l’ouverture de cette porte d’entrée repose sur le bon vouloir de la Fédération de canoë, qui serait alors contrainte de retirer une ou plusieurs de ses propres disciplines du programme olympique, ce qu’elle a déjà dû faire en 2024, avec la suppression du K1 200 m au profit du kayak-cross. Interrogée sur ses intentions, l’ICF nous a dressé une réponse laconique : « nous nous engageons à soutenir le développement de tous les sports de pagaie dans le monde ». Soutenir oui, mais pas pour les Jeux olympiques, explique Gordon Barff, chef de projet à la Fédération tahitienne de va’a. « Ils veulent garder leurs disciplines en tant que telles, notamment tous les pays de l’Est. Même chose pour le kayak. » Se démarquer d’une forte concurrence pour devenir un « sport additionnel » en 2032 La seconde option, plus fastidieuse, consiste à faire du va’a un sport olympique en tant quel tel, et non pas une discipline sous-jacente du canoë-kayak. Ce qui implique en premier lieu une inclusion parmi les sports additionnels. Lors de chaque édition, le pays hôte peut inclure jusqu’à cinq sports, pour un total de 33 disciplines. Pour 2028, la messe est déjà dite : les Américains ont validé le lacrosse, le baseball, le cricket, le squash et le flag football comme sports additionnels. Pour la pirogue, l’ouverture pourrait se présenter lors des prochains Jeux organisés en Océanie, ceux de Brisbane en 2032. C’est d’ailleurs l’année ciblée par Jean-Pierre Beaury, chef du pôle de développement olympique à la Fédération tahitienne. « Nous aimerions faire une démonstration à Los Angeles 2028, puis être choisi dans les cinq sports supplémentaires à Brisbane ». Mais difficile d’imaginer comment le cricket, discipline très populaire en Australie, pourrait quitter la programmation. Le baseball, sport olympique de 1992 à 2012, puis en 2020, a aussi une bonne longueur d’avance sur la concurrence. Même chose pour le squash, dont la fédération internationale, longtemps recalée des Jeux, mène un lobbying intense pour maintenir son sport à Brisbane : elle a récemment accordé l’organisation des Mondiaux Vétérans 2026 à l’Australie. Enfin, l’île-continent pourrait être tentée d’intégrer le netball, sport reconnu par le CIO, à mi-chemin entre le handball et le basket, très populaire au pays des kangourous. De fait, il ne pourrait rester qu’une seule place pour un « nouveau » sport additionnel. À moins qu’un sport olympique traditionnel ne passe à la trappe. Ce qui pourrait être le cas du pentathlon – qui a toutefois réformé ses épreuves en vue de LA2028 pour éviter ce couperet– ou de la boxe, minée par des conflits de fédérations. Et cette, ou ces places, pour Brisbane, sont évidemment très convoitées. Pour 2028, Los Angeles avait notamment étudié, en plus des sports retenus, les candidatures du breakdance, du karaté, du kickboxing et de l’automobile. Beaucoup devraient revenir à la charge. L’ultimate frisbee est également sur les rangs, tout comme le billard snooker, les échecs, ou encore deux sports qui ont tout pour plaire au CIO : les fléchettes et le padel. Le va’a présente toutefois plusieurs avantages au regard de ce que demande le CIO : outre l’ancrage océanien, c’est un sport qui ne nécessite pas d’infrastructures supplémentaires, et il est tout à fait possible d’y instaurer la parité et même des épreuves mixtes. On « y croit » dur comme fer à la Fédération tahitienne. « Nous sommes prêts », assure Jean-Pierre Beaury. Après la rencontre à Monaco, un projet de démonstration pourrait être monté dans la principauté, pour présenter des épreuves de marathon et de sprint, aussi bien en V1 qu’en V6. Les dirigeants polynésiens expliquent aussi pouvoir compter sur des sympathisants parmi les instances mondiales. « Nous attendons les échanges que nous auront à Monaco », pour faire un point de situation, conclut Gordon Barff. Jean-Pierre Beaury se montre plus précis : « Tony Estanguet va nous aider ». Le membre du CIO, ancien champion de canoë, avait notamment pris place dans un V1 lors d’une de ses venues à Tahiti dans le cadre de l’organisation de Paris 2024. Un soutien de poids. Reprendre la Fédération internationale, ou créer une « nouvelle union » Mais avant de vouloir devancer la concurrence, encore faut-il être en règle avec le CIO, qui ne s’appuie que sur les Fédérations internationales pour discuter. Hors, la Fédération internationale de va’a n’est pas reconnue par le Comité international olympique. Elle n’a par ailleurs jamais pris part aux « Jeux Mondiaux », une compétition quadriennale réunissant des disciplines très variées qui ne figurent pas au programme des JO, pas même en tant que « sport de démonstration ». À titre de comparaison, la Fédération mondiale de danse sportive, en charge du breakdance dont l’inclusion aux JO de Paris 2024 a fait débat, est reconnue depuis 1997 par le CIO. Elle avait d’ailleurs pris part aux Jeux Mondiaux de 2022. Pour le moment, la Fédération internationale de va’a, dirigée par la Néo-Zélandaise Lara Collins, n’a « pas dans l’idée » de pousser pour la discipline aux JO. « Cela fait déjà quelques années qu’ils ont retiré la résolution qui prônait le développement olympique du va’a », précise Jean-Pierre Beaury, pour se focaliser sur l’organisation des différents mondiaux. La Fédération tahitienne, proche de celles d’Australie et de Nouvelle-Calédonie dans cette affaire, a donc présenté des candidatures, dont celle d’Aldo Maueau, pour tenter de reprendre la tête de l’IVF, neuf ans ans après l’éviction de Charles Villierme. En vue des élections prévues en décembre, elle mène une campagne de séduction auprès des nations du Pacifique. « Nous ne sommes pas en conflit avec Lara Collins, nous n’avons juste pas les mêmes objectifs » précise Jean-Pierre Beaury. Si le bureau actuel reste en poste à l’IVF, « nous pourrions créer une nouvelle union, pas dissidente, mais plus proche de ce que demande le CIO », poursuit Gordon Barff. Il s’agirait d’une sorte d’accord entre différents pays des cinq continents. D’où l’importance d’implanter le va’a en Afrique. Outre le Maroc, la Fédération tahitienne mise aussi sur des nations comme le Sénégal, l’Afrique du Sud ou l’Égypte. Et prévoit de se montrer sur des évènements internationaux tels que les Jeux de la Francophonie, avant que le programme de Brisbane 2032 ne soit dévoilé, probablement en 2027. Le timing est donc serré et les porteurs tahitiens du projet n’ont pas encore toutes les deadlines en tête, qui doivent notamment leur être exposées à Monaco. Brisbane 2032, année ou jamais ? À plus long terme, le calendrier pourrait jouer en défaveur des rêveurs tahitiens. Si le va’a ne parvient pas à décrocher une place pour Brisbane, l’avenir olympique de la discipline pourrait s’assombrir : en 2036, les Jeux Olympiques devraient être organisés en Asie, avec les candidatures de l’Inde, de l’Indonésie et de la Turquie et probablement celle du Qatar. Des territoires où le va’a est loin d’être connu, encore moins populaire. Même chose en Allemagne, en Pologne, ou en Egypte, pays pressentis pour 2040. 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