Ce « navire d’observation spatiale » de 222 mètres de long est entré en rade de Papeete ce lundi matin. Bardés de paraboles géantes et d’autres instruments de surveillance, le Yuan Wang 5 et ses sisterships sont officiellement qualifiés de navires scientifiques par Pékin. Mais ils sont aussi des bâtiments stratégiques pour l’armée chinoise, notamment pour le suivi des missiles intercontinentaux et sont en outre suspectés, par les États-Unis notamment, de participer à des missions de renseignement. Si un Yuan Wang avait déjà été accueilli en escale à Papeete, leurs passages dans les eaux d’autres pays ont créé des polémiques ces dernières années.
Quatre paraboles géantes pointées vers le ciel, et des dizaines d’autres instruments de surveillance sur le pont blanc d’un navire presque aussi long qu’un porte-avions. Difficile de rater le Yuan Wang 5, bâtiment de 222 mètres qui a amarré au port autonome de Papeete ce lundi. Pas une grande première puisque le Yuan Wang 6, sistership lui aussi construit en 2007, avait déjà été accueilli plusieurs fois au port de Papeete entre 2010 et 2015. Comme les sept bateaux de la classe Yuan Wang – « longue-vue » en mandarin – ils sont opérés par le China Satellite Launch & Tracking Control département (CSMTC), un organisme d’état lié à l’Armée de libération populaire chinoise. Leur mission officielle : l’observation spatiale, le support et la communication avec les satellites chinois. Les Yuan Wang participent en outre au suivi des lancements spatiaux chinois – certains ayant même été conçu pour transporter les fusées Changzheng 5 (« Longue Marche 5 »). Et accompagnent de façon générale l’ambitieux programme spatial de Pékin, qui, après plusieurs sondes et robots envoyés sur la Lune, prévoit d’y envoyer une mission habitée d’ici 2030.
La Chine n’en dit pas plus, mais les autorités américaines ont plusieurs fois pointé que la classe Yuan Wang servait surtout au guidage et à la surveillance des missiles balistiques intercontinentaux. Ils remplissent à ce titre des fonctions équivalentes à celle du Monge, « bâtiment d’essai et de mesure » de 230 mètres de la Marine nationale française. Certaines armées rivales suspectent aussi ces imposants navires de mener, au fil de leurs missions autour du globe, des missions de renseignement par télésurveillance.
Les derniers escales polynésiennes d’un Yuan Wang en Polynésie n’avaient pas engendré le moindre débat. En 2010, le directeur du CSMTC en avait même profité pour rendre une visite protocolaire au haut-commissaire de l’époque, Adolphe Colrat. Mais les navires de « surveillance spatiale » chinois ont créé la controverse dans d’autres eaux. En 2022, l’autorisation d’escale accordée à ce même Yuan Wang 5 dans un port sri-lankais avait levé de vives inquiétudes de la part de l’Inde, rival historique de Pékin, et de son allié américain. Le ministère des affaires étrangères chinois avait répondu en affirmant, comme le rapportait à l’époque le Figaro, « que les activités de recherches marines du Yuan Wang 5 sont conformes au droit international et aux pratiques internationales » et qu’elles « ne portent pas atteinte à la sécurité ni aux intérêts économiques d’aucun pays ».