200 à 300 personnes se sont réunis ce matin à Paofai pour le soixantenaire de l’Église protestante Maohi avant un synode d’une semaine à Moorea. L’occasion pour le président de l’EPM, François Pihaatae, qui devrait être reconduit dans ses fonctions dès demain, de rappeler l’histoire de la première congrégation religieuse du fenua. Et d’affirmer que ses prises de position – sur l’indépendance, le nucléaire ou les problèmes sociaux – ne seront en rien influencées par l’accession au pouvoir du Tavini.
La grande estrade et les centaines de chaises disposées dans les jardins de Paofai étaient quelque peu clairsemées ce matin. Mais qu’importe pour l’Église protestante maohi (EPM) « ça n’est pas le nombre qui compte, c’est le fond ». Le fond et la célébration : celle des 60 ans de la congrégation. En 1963, l’Église évangélique de Polynésie française sortait officiellement du giron de la Société des missions évangéliques de Paris, après avoir été longtemps liée à la London Missionary Society, puis, après la colonisation française, placée sous le contrôle du gouverneur. Certes, ce n’est qu’en 2004 que le principal mouvement religieux du pays prendra – ou « reprendra » puisque ses responsables assurent que le terme était employé depuis le début du XXe siècle – le nom d’Eglise Protestante Maohi. Mais 1963, « c’est vraiment la naissance de notre église » explique son président François pihataae, qui s’étonne que cette date n’ait jusqu’à présent jamais été réellement célébrée.
Pas si facile de mobiliser un « jour d’école » mais ils étaient tout de même 200 à 300 à avoir répondu à l’invitation. Au programme de la matinée : musique, prières bien sûr et discours. Car à l’Église protestante maohi, « on parle de tout », et surtout de ce qui fâche. Lors de la semaine annuelle de synode qui débutera dimanche à Moorea, beaucoup de discussions porteront sur les « problèmes sociaux », « la vie chère », la place du reo, dont l’église est un des grands outils de promotion, mais aussi de « sauvetage du peuple maohi ». Car si l’EPM a changé de nom il y a maintenant près de 20 ans, c’était « parce qu’elle s’était rendu compte qu’on voulait faire disparaitre » le peuple et sa culture.
Discours très politiques, mais « pas d’engagement » partisan
Depuis cette date, les prises de parole dans les prêches et synodes bousculent régulièrement le débat politique. À propos du fait nucléaire – un « crime contre l’humanité » dénoncé par l’église elle-même ou par son émanation spécialisée dans la défense des victimes, Moruroa e Tatou – des relations avec l’État – accusé « d’esclavagisme » du peuple polynésien en 2021 – la politique économique ou sanitaire – l’EPM a manifesté contre l’obligation vaccinale la même année – et bien sûr la marche vers l’indépendance – une « volonté de dieu » pour l’EPM qui envoie des pétitionnaire à l’Onu depuis la réinscription… Et pourtant François Pihataae, qui devrait être reconduit à son poste de président ce samedi, assure que sa congrégation est « neutre et n’a pas d’engagement politique ». « On est libre d’expression sur tous les problèmes sociaux, tout en restant dans nos limites », assure-t-il. Le 138e synode va-t-il être aussi critique du gouvernement que le précédent, maintenant que le mouvement indépendantiste est arrivée au pouvoir ? « La politique, c’est la politique : même si le Tavini est au pouvoir et prône l’indépendance, ce que nous faisons n’a rien à voir avec ce qu’ils font, assure le président. Ça n’est pas opposé, mais parallèle : on ne se touche pas ».
Le synode de la semaine prochaine sera aussi, comme souvent, l’occasion de se compter, dans un paysage religieux toujours en mouvement en Polynésie et où plusieurs autres cultes chrétiens et notamment réformistes tentent d’attirer les fidèles. Pentecôtistes, adventistes, mormons, témoins de Jéhovah, sanito et bien sûr catholiques… Les statistiques datent et il est aujourd’hui difficile de dire qui a le plus rempli ses bancs ces derniers temps. L’EPM assume toutefois son statut de première congrégation du pays, avec « 40%-45% » de la population dans ses rangs (38% d’après une étude de 2007). Bien moins que les 55 à 60% comptabilisés lors de sa création, voilà 60 ans. « On laisse chacun libre de ce qu’il fait, assure François Pihaatae. Et on leur dit : à la mort on vous reprend. Nous, on enterre tout le monde ».