INFO E1 – L’École nationale d’administration prépare une réforme profonde de son enseignement.
L’ENA, l’Ecole nationale d’administration, fête cette année ses 70 ans, l’occasion de faire un bilan mais aussi de se projeter vers le futur. Car cette école, qui forme les hauts fonctionnaires français, sait qu’elle est souvent la cible de critiques : entre-soi excessif, course au classement au détriment de l’acquisition de compétences, faible ouverture sur le monde extérieur, etc. L’ENA a donc entrepris une profonde mutation, entamée l’an dernier avec une réforme du concours d’entrée. Cette année, la direction de l’école s’attaque à l’enseignement, qui va être remodelé en profondeur à partir du 1er janvier prochain. Europe 1 vous en dévoile les grandes lignes en avant-première.
Un stage en début de parcours et du concret. Contrairement à ce qu’on pourrait penser, les élèves de l’ENA effectuent depuis longtemps un stage d’un an, réparti sur les deux années d’enseignement. Désormais, ce stage sera placé en début de scolarité.
Mais ce n’est pas le seul changement : ce stage devra être bien concret, les élèves de l’ENA ayant jusqu’à présent trop tendance à l’effectuer dans la haute administration, dans les préfectures ou les grandes multinationales. Désormais, la priorité sera donnée aux PME, aux entreprises intermédiaires ou encore aux administrations en contact avec les citoyens.
« Ecouter la vraie vie des gens« . L’objectif est bien évidemment de faire descendre les futurs hauts fonctionnaires de leurs bureaux. Une initiative qui n’est pas pour déplaire à Paul-Marie Edwards, PDG de l’entreprise Safir. Ce dernier accueillerait avec plaisir un stagiaire de l’ENA dans son entreprise qui fabrique des portails automatiques. Et il imagine déjà le discours qu’il lui tiendrait. « Bienvenu dans le monde du travail ! C’est lui qui recevrait le contrôleur de l’Urssaf, qui irait ne première ligne avec les délégués du personnel pour écouter la vraie vie des gens qui ont de vrais soucis », martèle-t-il, avant d’ajouter à son stagiaire imaginaire : « retroussez-vous les manches, tombez la cravate et venez avec moi ».
Un enseignement revu et plus concret. Dans cette même volonté de mieux coller à la réalité du pays, l’ENA veut passer du statut d’école des hauts fonctionnaires en grande école de management public. L’enseignement va donc être totalement repensé pour réduire le nombre de cours théoriques et étudier davantage de cas pratiques. Résultat, un nombre d’épreuves presque réduit de moitié et la fin de l’épreuve théorique sur les questions européennes par exemple.
La nouvelle philosophie de l’enseignement, « c’est beaucoup d’études de cas, de mises en situation, beaucoup de travail collectif aussi ; de telle sorte que ce qu’il se passe dans l’école ressemble de près à ce que vont connaitre les élèves à la sortie », précise Nathalie Loiseau, directrice de l’ENA. Ainsi, à la sortie, ce sont surtout les compétences professionnelles qui seront évaluées.
Un engagement associatif obligatoire. Autre nouveauté, les élèves de l’ENA devront s’engager dans une association, et ce n’est pas optionnel : cela se fera sur leur temps scolaire. Il s’agit à la fois d’envoyer un signal très symbolique mais aussi d’une ouverture bienvenue. Une réforme que ne peut qu’applaudir Anne Joubert, elle-même passée par l’Ena après un parcours atypique : elle a vécu de longues années dans la rue, avant de devenir journaliste puis enseignante et d’intégrer la prestigieuse école.
« Moi je l’avais fait volontairement. On nous avait proposé d’apporter un coup de main auprès d’élèves dans des établissements scolaires difficiles. Mais c’était en plus, sur mon temps libre, tandis que là, c’est une obligation : c’est des élèves qui seront appelés à s’investir dans des associations, sur leur temps de scolarité. De l’aide aux personnes en difficulté, du soutien scolaire », témoigne-t-elle au micro d’Europe 1. A ses yeux, tout le monde y sera gagnant : « comme ça, les Enarques seront dans la réalité du terrain, dans les difficultés de nos concitoyens. Et peut-être aussi que cela diminuera un petit peu le ‘bashing’ contre l’Ena parce qu’on a un peu trop tendance à considérer que les gens qui ont fait l’Ena sont des personnes enfermées dans des bureaux, complètement en dehors du monde réel. Alors que ce n’est pas vrai : c’est pour la plupart des gens ouverts, des citoyens, des gens qui vivent ».
Source : Europe1