Environ 120 personnes ont répondu à l’appel lancé sur les réseaux sociaux. Il s’agissait de dénoncer la campagne de vaccination contre le Covid et la « discrimination » envers les non-vaccinés, d’appeler à la « résistance », voire au « soulèvement » contre le port du masque ou les restrictions sanitaires, ou encore de protester contre la mise en place de la 5G.
Certains sont venus habillés en noir, « signe de deuil de nos libertés », d’autre soulèvent un cercueil ou des figures sombres avec la même symbolique. Une poignée arbore même fièrement une étoile jaune, comparant, au son des ukulélés, les crimes du nazisme aux « mesures totalitaires » actuelles et à la « discrimination contre les non-vaccinés »… Peu de nuances, donc, mais une ambiance plutôt détendue, ce vendredi, pour la manifestation « anti-masque, anti-vaccin, anti-5G » organisée par deux collectifs et une association de défense contre les « mauvaises ondes ». Une « marche pour les libertés » qui a circulé sans heurts entre Tarahoi et la présidence en passant par le Haussariat. L’objectif : interpeller les autorités, bien sûr, mais surtout lever de nouveaux soutiens pour ces collectifs surtout visibles sur les réseaux sociaux.
« On est là pour appeler à la résistance de l’ensemble de la population, de toutes les strates professionnelles, face aux mesures extrêmes que l’on vit », explique ainsi « Te Vai Arii », très active à l’organisation de la manifestation sur Facebook et une des premières oratrices du jour. Couvre-feu, fermeture des frontière, port du masque… Des mesures unanimement dénoncées mais pas toujours avec le même discours. Quand certains, pas les plus bruyants, appellent au « retour à la raison », à « des mesures plus proportionnées » dans la gestion de la crise, d’autres, nombreux, sont désormais convaincus que les autorités, manipulées par différents lobbys, mènent « une guerre contre les citoyens« , et que seul un « soulèvement populaire » pourra « changer les choses ». “Ça va arriver, lance une jeune oratrice à la foule. Beaucoup n’osent pas encore nous rejoindre, mais la colère gronde ».
Antivax avant le Covid
Ce vendredi ils étaient environ 120 à gronder. Moins que lors de la manifestation de septembre, quand 150 à 180 personnes dénonçaient la « dangerosité » des masques et demandaient la levée des restrictions sanitaires. C’était avant le pic épidémique et les 141 décès polynésiens liés au Covid. Des chiffres qui sont, sans surprise, remis en cause pas la plupart des participants, dont certains doutent de l’existence même du virus. Beaucoup relaient en revanche l’idée d’une « hécatombe » qui serait liée à la vaccination Covid, en citant des chiffres à l’extrême opposé des données publiques de pharmacovigilance. Manque de recul, essais tronqués, risque de modification génétique, « lobotomie » ou « puçage » de la population, liens avec la 5G, des prophéties religieuses, et comparaisons appuyées avec les essais nucléaires… Là encore, les discours sont très variés, mais pour eux une chose est sûre : le vaccin est dangereux et les Polynésiens sont des « cobayes », comme les bénéficiaires des quelque 400 millions de doses déjà administrées dans le monde.
« Arrêtez le massacre, arrêtez la campagne », clame un manifestant. « Ce que l’on veut avant tout, c’est que le consentement des Polynésiens soit éclairé et que la liberté de choix soit réelle », nuance Christiane Athané. Comme beaucoup d’autres ce matin, son combat contre les vaccins ne date pas de la crise Covid : la septuagénaire accuse, dans une vidéo Youtube, les vaccins « classiques » d’être responsables d’une augmentation des cas d’autisme (une théorie largement démontée depuis plusieurs années) et de handicap chez les enfants polynésiens. « Et celui-là, il est pire, c’est tout sauf un vaccin », reprend la militante. Le contexte est lui aussi « bien pire » : « Les non vaccinés subissent déjà une discrimination avec les 11 vaccins obligatoires, et ça va continuer, surtout avec cette histoire de passeport vaccinal », reprend « Te Vai Arii ».
Le passeport vaccinal ne passe pas
Édouard Fritch qui a déjà qualifié de « mensongers » et « d’irresponsables » les propos visant à décourager les Polynésiens de se rendre dans les centres de vaccination, n’a pas reçu les manifestants ce matin. Mais son annonce de jeudi dernier, d’un projet de réouverture partielle des frontières aux seuls voyageurs vaccinés, a semble-t-il beaucoup mobilisé pour cette marche. « J’estime que je n’ai pas besoin de me faire vacciner, et je ne vois pas pourquoi ça me priverait de faire certaines choses », explique ainsi Julie, la vingtaine, qui précise « ne pas partager tout ce qui se dit aujourd’hui ». Aucun projet précis n’est pour l’heure sur la table au fenua, et comme l’avait rappelé Dominique Sorain en guise de nuance des annonces d’Édouard Fritch, jeudi dernier, le débat juridique est encore très vif autour du principe et du fonctionnement de ces « pass sanitaires ».
Si les autorités ne reverront probablement pas leur plan de vaccination, « seule porte de sortie de la crise », elles pourraient en revanche être sensibles à l’incompréhension, partagée bien au delà d’un petit noyau de militants, qui règne autour de la gestion de crise. Pas de terme précis dans la fermeture des frontières, pas de perspectives fixées de levée du couvre-feu ou sur certaines interdictions d’activité ou de rassemblement… « Il faut qu’ils réévaluent, que les juristes fassent leur travail, que les autorités répondent aux questions, reprend Julie. Sinon c’est normal que les gens s’interrogent ».