Le gouvernement a déposé à l’assemblée un projet de loi du Pays pour modifier les critères d’autorisation d’ouverture des pharmacies. Un texte promis suite aux péripéties de Teano Cojan à Bora Bora, toujours sous le coup d’un fermeture ordonnée par la justice administrative.
Depuis près de trois ans, un bras de fer se jouait au tribunal administratif entre Teano Cojan, jeune pharmacien qui voulait installer son officine à Amanahune (Bora Bora), et le seul pharmacien de l’île, installé à Vaitape. Malgré la volonté du Pays, qui lui avait accordé l’autorisation d’ouverture à trois reprises au regard des besoins de la population – c’est ainsi qu’il avait ouvert la pharmacie Te Ora en octobre 2022 – il avait été recalé par la justice, y compris par la cour administrative d’appel de Paris, qui ne pouvait pas faire fi de la réglementation en vigueur.
Celle-ci, toilettée en 2019, avait relevé le seuil de population permettant l’ouverture d’une deuxième officine, mais il s’agissait là de population résidente : le calcul ne pouvait prendre en compte ni les touristes de passage, ni les travailleurs saisonniers, ni les élèves, parents et enseignants du collège-lycée tout proche. Autre écueil, la proximité des deux pharmacies, qui n’aurait pas permis une couverture optimale de la population de l’île.
Après un troisième round perdu devant le tribunal administratif, le jeune homme s’était vu contraint de fermer sa pharmacie en février dernier. L’affaire avait choqué de nombreux Polynésiens, qui voyaient ainsi un enfant du pays empêché de revenir s’installer chez lui. Comme annoncé alors par le ministère de la Santé, le Pays a fait appel de cette décision, mais il a surtout retravaillé la réglementation.
De nouveaux critères d’appréciation
Le projet de loi a été envoyé à l’assemblée pour « revoir les critères à prendre en considération pour attribuer les autorisations d’ouverture d’une officine ». « Il convient de placer l’officine au cœur du centre de vie de la population, et non pas forcément à proximité de son lieu de résidence, indique l’exposé des motifs. C’est ainsi qu’il est proposé comme critère d’appréciation de l’implantation de l’officine, l’ensemble des infrastructures environnantes, notamment les infrastructures administratives, scolaires et périscolaires, commerciales, portuaires et aéroportuaires, sportives, touristiques, culturelles et cultuelles environnantes d’ouverture d’une officine. »
C’est d’autant plus judicieux, indique le gouvernement, qu’un texte adopté en aout 2022 a précisé et élargi les missions du pharmacien : entre autres, contribuer aux soins de premier secours, participer aux veilles sanitaires et à l’éducation thérapeutique, effectuer dépistages et vaccinations.
Toutefois, « l’antériorité des centres des intérêts matériels et moraux, la maîtrise et la compréhension d’une langue polynésienne ne sont pas érigés en critères (…) mais la commission pourra en tenir compte pour distinguer deux dossiers. » À dossiers équivalents, la priorité sera accordée au pharmacien ayant reçu une bourse majorée du Pays.
Le gouvernement invoque l’urgence dans ce dossier. La commission de la Santé se réunira le 27 mars prochain, et le texte pourra ainsi être inscrit rapidement à l’ordre du jour d’une des séances de la session administrative qui s’ouvre le 11 avril prochain.