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Les frères Dauphin, des requins sur le ring


Médaillés d’or et d’argent aux Jeux du Pacifique, les frères Tautua et Gabriel Dauphin ont quitté Faa’a il y a plus de trois ans pour s’entraîner en métropole. A leurs côtés, l’aîné Eric porte la double casquette d’entraîneur et grand frère. Portrait d’une fratrie d’avenir pour la boxe tahitienne.

C’est une histoire de famille. Aux Jeux du Pacifique, achevés le week-end dernier aux îles Salomon, l’équipe tahitienne de boxe a achevé sa belle campagne 2023 par une soirée de gala : deux médailles d’or et une en argent. Deux d’entre elles sont reparties de Honiara autour des cous des frères Dauphin : l’or pour le cadet Tautua, 24 ans et titré chez les 67 kilos, et l’argent pour le benjamin Gabriel, 20 ans, battu en finale des -86  kilos. Des podiums partagés avec l’aîné Eric, leur entraîneur de bientôt 33 ans.

Tautua Dauphin, vice-champion de France amateurs 2022 et médaillé d’or aux Jeux du Pacifique.

À quelques heures d’un combat, l’attitude est au rendez-vous : difficile de tirer un sourire sur la photo de ces trois frères élevée à Faa’a, par un père originaire de Rurutu et une mère de Rangiroa. Les Dauphin se dévoilent  plutôt sur le ring. Eric est devenu homme de coin après avoir été le premier entraîneur de ses frères, dans le garage ou le jardin de la maison familiale. « Notre père était boxeur. En le voyant se maintenir, la flamme s’est transmise et on a commencé à s’entraîner vers huit ans, on a mis les gants mais ce n’était pas structuré, c’était un petit loisir en famille », se souvient Eric. Les frères touchent à différentes disciplines, le basket, le volley, le foot et même le tennis de table, « mais petit à petit, la boxe est devenue notre sport. »

En métropole pour « viser plus haut »

Un mode de vie surtout, pour la fratrie, et un moyen de voir du pays : les îles Salomon donc, mais surtout Nantes, dans l’ouest de la Métropole, terre des premiers exploits d’un autre sportif tahitien de renom, le footballeur Marama Vahirua. Eric, Tautua et Gabriel s’y entraînent, y distribuent des coups et y travaillent depuis près de trois ans, gravitant autour du club Nantes Pleins Contacts. « Le projet est parti d’un ami, l’entraîneur Stéphane Dellapina, qui avait pris contact avec Nantes pour un gala. On s’est préparés pendant un an pour boxer contre des gars de la région, mais il y a eu le Covid ». Malgré l’annulation du gala, « les billets étaient pris, donc on s’est dit qu’on y allait pour se former en tant qu’éducateurs. Et puis on est restés pour tenter l’expérience et viser plus haut », détaille l’aîné.

Gabriel Dauphin, 20 ans, médaillé d’argent aux îles Salomon

Sur place, les trois aito suscitent la curiosité des autres boxeurs, avec leur phrasé du fenua et leurs tatouages traditionnels. « Ils avaient envie de nous tester. Je crois que c’est plus vraiment le cas », s’amuse Tautua. Trait d’humour à part, le Tahitien est un adversaire redoutable. En métropole, il est vice champion de France amateurs 2022 et vise une qualification olympique l’an prochain chez les légers. Et aux Jeux du Pacifique, il a été surclassé pour boxer dans une catégorie de poids supérieure à la sienne : ce qui ne l’a pas empêché de conclure la majorité de ses combats avant la limite, dont la finale arrêtée au deuxième round par l’arbitre. « Je suis un boxeur patient et toujours serein, quelque soit l’adversaire en face », estime-t-il. Ses frères le dépeignent comme un garçon « carré » et solide cogneur malgré son poids. « Quand il faut taper, il tape », relève Gabriel, médaillé d’argent aux Jeux, qui progresse de son côté chez les mi-lourds. Le plus jeune des trois  se présente comme « assez technique, longiligne et voltigeur », quand ses grands frères l’appellent à « avoir plus de confiance en lui ». Surtout qu’avec « sa bonne allonge », il est déjà « un très bon boxeur » pour son jeune âge, insiste Tautua.

Un quotidien chargé à gérer ensemble

Des qualités peaufinées tôt le matin et tard le soir dans les gymnases nantais, six jours sur sept. Sans compter un travail en alternance à direction des sports de la ville de Nantes, où les Tahitiens s’occupent notamment de l’accueil du public. « On a un rythme assez soutenu, puisqu’on entraîne dans un club de 200 licenciés et qu’on donne aussi des coachings privés », raconte Eric, pour qui « ça peut parfois être difficile d’être à la fois le grand frère et l’entraîneur ». « Il y a les régimes à faire, les compétitions -une trentaine de combats par an- et donc de petites tensions. Parfois c’est compliqué de trouver les mots, parfois ça ne rentre pas dans les oreilles… », liste celui qui, au bord du ring, peut apparaître aussi serein qu’explosif selon la tournure du combat.

Un équilibre à trouver, d’autant que tous trois partagent la même maison : « on se prend beaucoup la tête, mais on ne se tape jamais », sourit Tautua. « Il y a une bonne cohésion entre nous, aussi bien entre frères qu’entre entraîneur et entraînés », ajoute Gabriel.

Gabriel, à l’entraînement avec le grand frère et coach, Eric Dauphin, 33 ans.

Une cohésion qui fait la force de cette famille partie progresser loin des siens. « On sait pourquoi on est là-bas, pourquoi on a quitté  nos familles. C’est ce qui nous fait nous rapprocher », résume l’aîné. Les objectifs ? Gabriel vise, à court terme, intégration dans le collectif « Jeunes » de l’équipe de France. Tautua, lui, aimerait participer aux Jeux Olympiques de Paris 2024. Cela passera notamment par des tournois de qualification en début d’année. Ensuite, le monde pro reste une « perspective d’évolution étudiée », mais pour ça « il faut que tout marche sur, et en dehors du ring » rappelle Eric.

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