S’adressant pour la première fois aux médias et au public depuis le début du conflit, les représentants du personnel d’ADT, qui avaient jusque là laissé la parole aux leaders de centrales, ont voulu « éclairer » leur mouvement, répondre à la direction… Et surtout assurer les usagers de l’aéroport que ce conflit est aussi mené dans leur intérêt, face à la dégradation des infrastructures d’ADT qui engendre selon eux des risques de sécurité. Pas question de relâcher la pression, donc, même si les vols ont repris entre Tahiti, Bora Bora, Raiatea et Rangiroa. Aucune négociation n’a toutefois eu lieu ce vendredi : la direction n’a adressé une invitation aux syndicats que pour ce samedi après-midi.
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« On n’a pas trop l’habitude de s’exprimer, surtout face à des caméras, mais là on s’est dit qu’il fallait le faire ». Au cinquième jour de la grève d’ADT, ce vendredi, les responsables syndicaux de l’entreprise ont organisé un point presse sur le piquet, désormais bien installé à l’entrée du terminal de Tahiti-Faa’a. Une prise de parole – la première pour les représentants du personnel, puisque c’était jusqu’à maintenant les chefs de centrales qui avaient donné du micro – pour expliquer, défendre, démentir, réagir. « Nous sommes conscients de l’impopularité de cette grève », explique Herenui Morienne, la secrétaire du Comité d’entreprise d’ADT. Mais à l’entendre, aux côtés du délégué syndical CSIP Tanetua Manutahi, le mouvement était « nécessaire » et surtout « inévitable » vu la situation sociale « dénoncée depuis des années » dans la société. Et les « discussions stériles » avec les directeurs successifs.
Le « mal-être » et les « dangers »
Le mal-être des salariés, l’intersyndicale en a déjà parlé : lieux de travail « qui mettent le personnel en danger » et « qui font honte » devant les usagers, ambiance « malsaine » , « risques psychosociaux qui s’aggravent » et qui auraient abouti à « une double tentative de suicide » d’un agent, discussions sociales qui s’enlisent avec une direction des ressources humaines « défaillante ». Les leaders de centrales ont demandé clairement la tête de la DRH, les salariés, eux, ne citent pas son nom devant les caméras. Mais ne voient pas non plus comment faire pour faire « changer les choses » en gardant « le dénominateur commun des problèmes » de ces dernières années. « Nous ce qu’on veut, c’est qu’ils trouvent des solutions », répète Tanetua Manutahi, pour qui les discours, développés dans les médias ou à la présidence par la direction, qui fait planer le « doute sur la volonté réelle des syndicats de négocier » sont « malencontreux et malhonnêtes ».
Mais en plus de ces points de négociations, c’est sur des éléments du préambule du cahier de revendication que le personnel gréviste, parfois ému jusqu’aux sanglots pendant cette conférence de presse, ont voulu interpeller. Sur les « trous dans la piste » et l’état des parkings, aussi dénoncés par les compagnies aériennes, et qui sont régulièrement « patchés » mais pas vraiment résolus. Sur la situation « critique » des circuits d’eau et d’assainissement de Tahiti – Faa’a, aussi touché par des infiltrations. Sur les « structures pourries sous les toitures », et la vétusté générale du terminal de Tahiti Faa’a, comme, d’ailleurs, certaines aérogares des îles. « Ce mouvement sert aussi à protéger les passagers, les usagers, les compagnies aériennes, les occupants, en signalant une sécurité volontairement défaillante » reprend Herenui Morienne, pour qui les quatorze années de gestion d’ADT se sont écoulées « sans que rien de significatif ait été entrepris sur les structures ».
Rénovations ou « cache-misère » ?
Le constat d’un aéroport obsolète et presque insalubre à Tahiti – Faa’a n’est pas propre aux salariés d’ADT, société qui n’a plus eu, depuis 2017, de visibilité sur son avenir à la tête de la concession du seul aéroport du Pays. Mais la direction a plusieurs fois démenti cette idée d’une inaction totale, et expliqué que malgré – ou grâce ? – aux revendications constantes des syndicats, les acquis sociaux de l’entreprise étaient « solides » pour une entité privée. Elle peut aussi mettre en avant des « investissements de transition » à 1,8 milliard de francs, qui ont commencé par la redécoration de la façade – un « cache-misère » pour certains syndicalistes – et qui passeront, d’ici 2025, par la salle d’embarquement et les parkings avion du domestique. Mais ces travaux, résultat d’une négociation financière avec l’État, ne sont qu’une preuve de plus que « les améliorations peuvent être réalisées ». Les conditions de travail du personnel ne serait seulement « pas une priorité », y compris pour le nouveau directeur Gwenvael Ronsin-Hardy, arrivé en octobre et qui assure avoir voulu remettre « les valeurs de respect et de vivre-ensemble » au centre de la gestion de l’entreprise. « Sa priorité, c’était les JO, pas nous », souffle un militant.
Les discours, au cinquième jour de grève, laissent donc apparaitre le fossé qu’il reste à combler pour apaiser les tensions et résoudre le conflit. Aucune négociation n’a de toute façon eu lieu ce vendredi. La direction, qui appelait de ses vœux un retour « dès demain » à la table des pourparlers jeudi soir, n’a convoqué les syndicats que pour ce samedi 14 heures.