ACTUS LOCALESPOLITIQUE

Les Hakaiki prennent la plume pour marquer « leur droit à la différentiation »

Les maires des Marquises persistent dans leur projet de communauté d’archipel, une institution d’un genre inédit qu’ils souhaitent voir émerger pour « préparer l’avenir » de la terre des hommes. Persistent, et signent une lettre ouverte adressée au secrétaire général de l’ONU, au Président de la République et au président du Pays. Ils souhaitent marquer leurs spécificités au sein de la Polynésie française et rappeler leur vœu de bénéficier d’un scrutin propre, en cas de referendum d’autodétermination au fenua.

Fin novembre, les maires des Marquises seront en métropole à l’occasion du Congrès des maires de France. Un voyage durant lequel les hakaiki comptent bien faire du « lobbyging auprès des différentes instances de l’État », dixit le maire de Nuku Hiva Benoît Kautai, pour qui « le souhait des Hakaiki est de rencontrer le Président de la République ». L’occasion de plaider pour leur projet de communauté d’archipel (Codam), un vœu formulé en novembre 2022 par les élus de l’actuelle communauté de communes (Codim), nouvelle trouvaille des élus locaux pour demander plus d’autonomie.

En attendant ce déplacement les six hakaiki ont profité de l’actualité – la tenue des travaux de la 4e Commission de l’ONU, ce mardi à New York – pour adresser une lettre ouverte au secrétaire général des Nations-Unies Antonio Guterres. Emmanuel Macron et Moetai Brotherson sont également destinataires de ce courrier relatif à « la reconnaissance juridique de l’archipel ». « Notre archipel se distingue par une identité culturelle forte […] La force de celle-ci explique que les Marquises ont toujours revendiqué la prise en compte de leurs spécificités vis-à-vis des autres archipels polynésiens et de Tahiti en particulier », est-il écrit.

En cas de referendum, « nous demandons à ce que les résultats des Marquises soient comptabilisés à part »

Pour Benoît Kautai, l’objectif de cette lettre est de « faire parler des Marquises », au moment où la décolonisation de l’ensemble de la Polynésie Française est défendue par les pétitionnaires du Tavini à l’ONU. « Le Tavini souhaite l’indépendance, ce n’est pas notre cas. S’il un référendum est demandé en Polynésie par le Tavini,  nous demandons que les résultats des Marquises soient comptabilisés à part », rappelle le président de la Codim. Des résultats qui seraient sans doute bien éloignés d’autres archipels, le courrier adressé lundi matin soulignant que les candidats indépendantistes n’ont guère dépassé le quart des suffrages marquisiens lors des territoriales (25,19%).

« Sûrs de notre démarche », les hakaiki souhaitent désormais « préparer l’avenir de l’archipel ».  Un avenir qui passerait donc par la création de cette fameuse communauté d’archipels. L’actuelle communauté de communes « n’assure pas la reconnaissance de l’existence juridique de notre archipel et n’offre pas les garanties constitutionnelles d’une collectivité territoriale », justifie le courrier. Les maires y détaillent donc leur projet, inspiré des trois provinces calédoniennes, échelon institutionnel disposant de compétences particulières, entre celles des communes et sous l’égide du gouvernement local : « la communauté d’archipel des îles Marquises serait une collectivité territoriale sui generis faisant partie de la Polynésie française, et placée à un niveau intermédiaire entre le Pays et les communes marquisiennes. »

Des compétences à financer

Un statut qui nécessiterait donc le transfert de certaines compétences, « comme le tourisme, l’agriculture, tout ce qui touche au secteur primaire. Sans compter bien sûr les questions environnementales ou la culture », liste Benoit Kautai. Avant de garder « le plus intéressant » pour la fin, « la gestion du domaine foncier bien sûr, puisqu’il y a plus de 60% de terres domaniales aux Marquises ». « Même chose pour le domaine maritime », ajoute l’élu.

Un statut qu’il faudrait aussi financer. « Nous avons mis en place un groupe de travail avec Moetai Brotherson et différents juristes du pays et de la Codim », rappelle Benoit Kuatai, alors que des juristes de l’Etat ont aussi été sollicités par les élus de la Terre des Hommes. « Nous avons les idées, maintenant il faut les mettre en forme, que ce soit au niveau des compétences qu’au niveau des différentes ressources qui seraient transférées à la Codam ».

Parmi les pistes de financement évoquées dans le courrier, des ressources « prévues par la loi organique statutaire : un financement spécifique du FIP (fonds intercommunal de péréquation), une part du produit des impôts du Pays correspondant au financement des compétences transférées. On peut également envisager des ressources fiscales propres (taxes) mais aussi les ressources de son domaine. La CODAM pourrait en outre percevoir des dotations de l’État par référence à celles qu’il verse au profit des collectivités territoriales ».

« Garder la maitrise sur le développement économique »

Dans leur courrier, Benoît Kautai, Joëlle Frébault, Joseph Kaiha, Henri Tuienui, Nestor Ohu et Félix Barsinas insistent sur le fait que « la Codam serait l’aboutissement d’un long combat des Marquisiens pour la reconnaissance de l’existence de leur archipel […] Cela procède d’un droit à la différenciation au sein de la Polynésie française, qui doit être inscrit dans la loi organique statutaire et ancré dans la Constitution. »

Pour eux, le projet permettrait de « garder la maitrise sur le développement économique de l’archipel », avec en toile de fond le développement touristique attendu avec l’arrivée d’un aéroport international. « La Codam pourrait permettre de tirer des financements des richesses qui seront produites par le tourisme et l’agriculture […] et de lutter contre la spéculation foncière. »

Enfin, les élus sont persuadés que leur institution serait un moyen efficace de « lutter contre la double insularité, et à terme d’enrayer le phénomène d’exodes des jeunes Marquisiens vers Tahiti où se trouve l’emploi ». Un développement économique qui se ferait, selon le texte, dans la continuité du projet mené avec l’Unesco, « orienté vers la protection de la nature et de la culture, afin de préserver l’authenticité de notre archipel ».

« Le projet d’inscription à l’UNESCO, le projet d’aéroport international et le projet institutionnel de la Codam ne peuvent aller l’un sans l’autre », martèlent les six porteurs d’écharpe tricolore.

Reste à savoir où ces revendications sauront trouver écho. Lors de sa visite sur l’archipel en aout dernier, Gérald Darmanin avait temporisé sur la question. A Paris, les élus autonomistes Marquisiens ne disposent pas de relais à l’Assemblée nationale. A Papeete, Tony Géros expliquait il y a quelques semaines que le Tavini se positionnerait sur la question de la Codam, quand « il en connaîtra le contenu »

Article précedent

Journal de 12h, le 03/10/2023

Article suivant

Trois ans avec sursis requis contre le père Sergio

Aucun Commentaire

Laisser un commentaire

PARTAGER

Les Hakaiki prennent la plume pour marquer « leur droit à la différentiation »