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Les huissiers de justice en crise

Le procureur général, Frédéric Benet-Chambellan, s’est ému de la situation des huissiers de justice : leurs tarifs relevant des procédures pénales n’ont pas été révisés depuis 1986, et le budget, insuffisant, alloué à la juridiction par le ministère de la Justice, rallonge les délais de paiement.

Vendredi dernier, lors de l’audience solennelle de rentrée, le procureur général près la cour d’appel, Frédéric Benet-Chambellan, avait voulu « faire part de [ses] préoccupations concernant la situation des huissiers de justice, qui se dégrade et qui va entraîner des difficultés majeures pour tous les justiciables de ce territoire. » Un message adressé tant au Pays qu’à l’État : « J’essaie de sensibiliser nos interlocuteurs, sur cet important service rendu à la population. »

Les difficultés liées aux huissiers sont multiples. La première est la tarification des actes en matière pénale qui n’a pas été revalorisée depuis 1986, explique l’un des huissiers de Tahiti. En 2006, sous l’égide de Pierre Frébault, une démarche de révision s’était bornée aux actes en matière civile et commerciale. En 2024, la DGAE a demandé leurs bilans aux offices d’huissiers et semblait prête à reprendre la réflexion sur la revalorisation. Frédéric Benet-Chambellan s’étonne : « ici les institutionnels ont bien en vue les notaires, les huissiers beaucoup moins. »

En outre, la loi du Pays fixant le statut des huissiers de justice et instituant une chambre des huissiers de justice, adoptée en décembre 2020, n’est toujours pas appliquée. Son entrée en vigueur est « subordonnée à l’adoption par l’État de dispositions relevant de sa compétence » et la Polynésie attend encore. « En 2024, on a demandé avec le soutien du parquet le détachement du texte de loi de la part qui dépend de l’État, de façon à avancer sur le reste », sans succès pour l’instant, dit le professionnel.

Des offices qui pourraient fermer

Aujourd’hui les tarifs des actes en matière pénale sont « inférieurs de près d’un tiers à ceux en vigueur en métropole », dit-il, et les augmentations des salaires, des loyers et du carburant – l’absence d’adressage complique, par exemple, la localisation des justiciables – se font durement ressentir. Difficile dans ces conditions de recruter au niveau Master 2, et les huissiers de justice se découragent. Ainsi, la Polynésie ne compte que cinq offices d’huissiers de justice, et au moins deux songeraient à arrêter leur activité.

Un État mauvais payeur

À ces difficultés se rajoutent les délais de paiement de l’État, également mentionnés par le procureur général. Le budget alloué à la juridiction est « quasiment épuisé dès septembre » chaque année, dit le procureur général, ce qui reporte le paiement des factures de la dernière partie de l’année au début de l’année suivante. Difficulté supplémentaire cette année, le retard dans l’adoption du budget national. « Là, on a déjà largement épuisé les 25% perçus, et ça n’a pas suffi pour couvrir 2024 », illustre Frédéric Benet-Chambellan, qui souligne les « injonctions paradoxales » du politique et du législatif : la demande pour une justice plus efficace et rapide et la « multiplication des obligations », mais des moyens insuffisants.

Les huissiers ne sont pas les seules victimes de ces problèmes budgétaires : les experts médicaux auprès des tribunaux et les traducteurs font aussi partie des créanciers de la Justice. Le procureur général salue la conscience professionnelle de ces acteurs indispensables aux procédures, qui répondent encore présent, évitant ainsi les reports d’audience.

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